Après les services secrets britanniques, c’est au tour du tout aussi mystérieux monde de la comptabilité de se servir du célèbre jeu aux petites maisons vertes et gros hôtels rouges pour faire passer un message : la compta, c’est facile comme un jeu d’enfants. En tout cas, sur le plateau.
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Si le Monopoly de la Compta, développé par la société Form-en-Plus, n’est plus un jeu de société familial, il reste une histoire de famille. « Mon père avait commencé à commercialiser ce concept dans les années 80 », raconte Pascal Bru, le gérant. Parmi les premiers joueurs, Air France, « dans le cadre de sa conversion d’entreprise publique en entreprise privée », explique le concepteur du Monopoly, et Citroën « pour impliquer ses collaborateurs dans la gestion de l’entreprise », poursuit-il.
Dans les années 80, on ne connaissait pas encore les Serious Games, mais « il existait déjà une mode de l’apprentissage par le jeu, qui s’est perdue et revient aujourd’hui », constate Pascal Bru. Mais qu’il s’agisse d’aujourd’hui ou d’il y a 30 ans, la formation ludique répond au même besoin, celui de l’approche conviviale. « Et la convivialité derrière un écran reste à prouver », continue le concepteur. Non, le Monopoly de la Compta n’est pas un Serious Game car ce n’est pas un concept informatique, mais un bon vieux plateau de jeu autour duquel les apprenants s’arment « du crayon et de la gomme ». « Nous avons une approche en présentiel », insiste-t-il.
Pascal Bru, ingénieur de formation, reprend le flambeau et rachète le concept en 2007, pour le perfectionner. « J’ai moi-même, en école d’ingénieurs, suivi des formations à la comptabilité auxquelles je n’ai rien compris. J’ai créé ce concept tel que j’aurais aimé que l’on m’enseigne la comptabilité », explique-t-il. Aujourd’hui, il compte parmi ses clients BNP Paribas, le Crédit Mutuel, Veolia, mais aussi des établissements d’enseignement comme Supelec et des incubateurs d’entreprises.
Les règles du jeu
Pour jouer au Monopoly de la compta, il faut être 4. « Chacun va créer sa propre entreprise et chercher à la faire vivre, avec une somme d’argent de départ », explique le maître du jeu. Sur le plateau, pas de Rue de la Paix ni de Gard du Nord à acheter, ni d’hôtels à hypothéquer, mais des salaires et des impôts à payer, des bilans d’exercice à fournir. « Les cases représentent des événements économiques, l’objectif étant que les apprenants fassent le parallèle entre ces événements et leur comptabilisation », décrit le formateur. On y trouve même les cases « grève » et « 1er mai ».
Si s’initier à la comptabilité peut s’approcher d’un véritable jeu d’enfants, la gestion d’une entreprise n’a rien d’un jeu de hasard. Le Monopoly de la Compta encourage, comme dans la vraie vie, les différents participants à prendre des décisions, en fonction d’éléments concrets. « La comptabilité n’est pas qu’un outil fiscal, mais un outil de gestion du quotidien de l’entreprise », précise Pascal Bru.
La plus longue partie de Monopoly de l’Histoire a duré 70 jours consécutifs. Il suffira d’une seule journée pour réaliser la formation de Form-en-Plus. Il s’agit d’une entrée en matière pour l’entreprise, qui pourra faire suivre cette initiation d’une formation de plusieurs jours sur ses propres problématiques comptables. Le matin, les joueurs réalisent leur première année d’activité et la clôture de leur premier bilan. « On leur explique les règles du jeu et les notions de capital, de compte de résultats, de bilan », détaille Pascal Bru. L’après-midi vient la deuxième année d’exercice. « Ils apprennent à prendre des décisions, à faire un bilan et à l’utiliser. Ils abordent tous les points de vue : le propriétaire, le gestionnaire, mais aussi le commercial, le comptable et même l’acheteur », explique Pascal Bru.
De 7 à 77 ans…
« On ne s’adresse évidemment pas à des comptables ou à des experts-comptables, mais à toute personne qui a besoin d’acquérir une aisance technique et intellectuelle en comptabilité, en tant que compétence transversale », précise le concepteur. Le Monopoly original existe déjà en 43 langues, alors pourquoi pas en langage vulgarisé de la comptabilité ? C’est le but du jeu visé par le formateur. « On démystifie la compta. Notre pédagogie est basée sur l’utilisation de mots du langage courant, traduits ensuite en termes techniques », poursuit-il. Pour expliquer les termes passif/actif par exemple, il commence par poser les questions : d’où vient l’argent ? Puis, où est l’argent ?
Form-en-Plus intervient aussi bien dans les écoles d’avocats qu’en BTS. Pour les plus jeunes, « le jeu est proche de leur quotidien, la méthode permet de maintenir l’attention ». Et pour les plus expérimentés ? « Même les adultes se prennent vite au jeu. Ils ont besoin de ce côté ludique, mais aussi pratique et rapide. Notre méthode se rapproche de l’auto-formation, car on fait appel à leurs acquis », répond Pascal Bru.
Chefs d’entreprise, collaborateurs, ne restez pas des pions. Comprendre la comptabilité, c’est comprendre l’entreprise. A vos dés.
Typhanie BOUJU