La dématérialisation du bulletin de paie du salarié est possible légalement, avec son accord, depuis 2009. Or, selon le Benchmark Danae SIRH 2011, c’est le document RH le moins dématérialisé. La mise à disposition d’un coffre-fort électronique, contrepartie que l’entreprise propose, incitera-t-elle les collaborateurs à adhérer au dispositif de dématérialisation de ce document ultraconfidentiel ?
Un coffre-fort numérique accordé à vie, où placer son bulletin de salaire mais aussi ses relevés de compte bancaire, sa déclaration de revenus… Donner accès à son banquier aux documents nécessaires au montage d’un dossier de crédit par exemple, grâce à un lien, n’est-ce pas moins chronophage que de les scanner et de les lui envoyer par mail ? Si vous avez un scanner. Si la procédure de l’organisme ne vous oblige pas à vous déplacer pour remettre des originaux en mains propres.
Sur le papier (sic), l’idée est séduisante. En entreprise, elle peine à s’imposer.
Selon le benchmark SIRH 2011 de Danae Conseil 55% des 74 grandes entreprises répondantes ont dématérialisé l’exemplaire du bulletin de paie qui les concerne, 11% d’entre elles projettent de le dématérialiser et un tiers garde le papier.
« Il ne faut pas oublier que dans les groupes de 10 000 salariées il existe plein de petites structures qui fonctionnent de manière autonome », commente Gérard Piètrement, président de Danae Conseil et fondateur du Cercle SIRH.
Par ailleurs, et selon la même source, 17% dématérialisent le bulletin de paie salarié, 13% en ont le projet et 70% sont encore au papier.
Un chiffre éloquent. Il parle de freins autant psychologiques, symboliques que rationnels. Le dispositif émergeant depuis environ deux ans seulement, on manque encore de recul sur le sujet. Les entreprises qui s’y sont mises côté salarié ont des taux d’adhésion assez faibles.
« Le bulletin de paie papier revêt non seulement une valeur probante, juridique, mais il possède aussi une valeur symbolique pour les salariés », rappelle Arnaud Gauthier, directeur général délégué de mc²i Groupe. Au caractère quasi sacré de ce document, s’ajoutent la crainte de la perte de la donnée numérique ainsi que la problématique de sa confidentialité.
La tendance actuelle est à la mise à disposition par l’entreprise d’un coffre-fort électronique rattaché à l’individu et pas uniquement au salarié. « En contrepartie de l’acceptation du salarié d’un bulletin de paie numérique, l’entreprise lui donne un grand nombre de gigas pour y stocker tout ce qu’il veut. Et qui dit rattaché à l’individu, dit rattaché à vie, même en cas de licenciement ou de démission », explique Arnaud Gauthier.
Ernst & Young s’inscrit dans ce mouvement. « Il va dans le sens de l’histoire et dès lors que les personnes voient l’outil, elles en voient l’intérêt », remarque sa DRH, Anne-Marie Husser. Le grand de l’audit compose avec une population convaincue mais prudente. Convaincue car ses réflexes numériques et mobiles sont très développés. Prudente car des questions de sécurité et de confidentialité sont au cœur du débat. Il convient donc de rassurer en précisant que l’entreprise travaille sur ce projet dans le cadre des recommandations de la CNIL. De plus, la loi ne permettant pas de faire n’importe quoi avec un bulletin de paie, il est strictement encadré techniquement et légalement. « Le coffre-fort est personnel, le salarié reçoit des codes qu’il doit changer lors de sa première connexion. En termes de sécurité, les normes sont équivalentes à celles d’une télé déclaration de revenus », précise Sonia Cluzet, responsable des SIRH FraMaLux chez Ernst & Young.
Sophie Girardeau