Quand on applique les anciens process de recrutement aux réseaux sociaux, ça ne marche pas. Ou pas plus ou pas mieux qu’avec les canaux traditionnels. Utiliser ces nouveaux médias suppose de sortir la relation recruteur/candidat d’un système d’information descendante. Et d’être prêt à modifier certaines pratiques.
Sur un réseau social professionnel, le candidat met en avant ses compétences, il se positionne – dans l’idéal – comme un porteur d’offre de service, comme un professionnel de son domaine. « Il s’inscrit au cœur d’une communauté de talents pas nécessairement dans une démarche de recherche d’emploi », explique Vincent Rostaing, fondateur du cabinet Le Cairn 4 IT, conseil spécialisé dans l’optimisation du cycle de vie professionnel. Le candidat s’attend à des échanges professionnels, des interactions personnelles, et non à être la cible d’une annonce déjà diffusée via de multiples autres canaux. Partant de là, le recruteur doit comprendre ce que fait ce candidat et modifier certaines de ses pratiques pour s’adresser à lui de façon personnalisée. Parler la langue du candidat, l’amener à s’intéresser à votre entreprise en émettant des messages à valeur ajoutée, effectuer une veille sur les canaux et solutions innovantes, trois moyens de se faire entendre de lui.
Approfondir la connaissance métiers et bousculer les process
Lorsqu’on publie une annonce type – ou stéréotypée – sur un réseau social, on maintient d’anciens process. C’est le paradoxe des réseaux comme LinkedIn et Viadeo que d’entretenir des pratiques contreproductives par rapport à leur modèle initial. Et en même temps, c’est « ce qui aide les recruteurs à découvrir les réseaux sociaux sans s’effaroucher », observe Vincent Rostaing.
Passé le stade de l’apprivoisement, il est nécessaire, pour en tirer le meilleur parti, d’appréhender ces nouveaux médias sans activer des réflexes d’hier. Raisonner annonce, profil de poste, c’est rester dans des standards sans aller dans la compréhension fine d’un métier. « On oublie la job description classique, on en fait quelque chose d’ouvert. Par ailleurs, nous constatons qu’en entretien, l’échange est plus ouvert quand il a été initié sur les médias sociaux. Et dans cet univers la qualité d’une réponse négative compte beaucoup plus que d’habitude. C’est pourquoi il faut la personnaliser, ne pas revenir au courrier postal de refus standard », souligne Laurent Choain, DRH groupe de Mazars. Recruter sur les réseaux sociaux demande aux RH et aux opérationnels recruteurs d’approfondir leurs connaissances des métiers pour parler la même langue que le candidat. « Un message simple, émanant d’un manager reconnu par sa communauté par exemple, remplace efficacement l’annonce traditionnelle. C’est d’autant plus valable que la plateforme est spécialisée », remarque Vincent Rostaing.
Décider de recruter sur les réseaux sociaux suppose également de « changer la grille de compétences des équipes RH, notamment des chargés de recrutement », comme le préconise Laurent Choain qui n’hésite pas à placer la connaissance des outils 2.0 au premier rang des pré requis.
Envoyer des messages diversifiés
Pourquoi se limiter à un seul message – « Je recrute » –, quand d’autres, porteurs de la culture de l’entreprise, de ses valeurs, de son positionnement, peuvent également attirer les candidats ? Il s’agit pour l’entreprise qui souhaite recruter d’émettre des messages diversifiés, à valeur ajoutée, en partageant sa veille, en créant des points d’échange dans la vraie vie, lors d’événements plus ou moins informels – des afterworks sur un sujet précis, notamment, pour attirer des experts –, en partageant de l’information pertinente. « Cela se pratique déjà avec les jeunes diplômés, plus rarement pour atteindre des profils plus difficilement accessibles », remarque M. Rostaing. Personnaliser l’approche du candidat, lui réserver un traitement VIP, suppose toutefois de sortir d’une logique de masse.
Suivre les acteurs de niche
« Pour être visible, une petite structure peut mobiliser tous ses salariés pour en faire ses ambassadeurs ou bien (et/ou) être visible sur les plateformes émergentes », note le fondateur de Le Cairn 4 IT. Réseaux sociaux spécialisés, solutions innovantes… Une veille des acteurs de niche est un bon moyen de se faire connaître en tant que recruteur, qui plus est quand on n’est pas un employeur très en vue. Connaître une communauté de professionnels et se faire reconnaître par elle, tel est le but.
Enfin, si l’on s’autorise à dépoussiérer les process RH, pourquoi quand on s’adresse à quelqu’un le cantonner à son statut de candidat ? C’est un professionnel de son domaine, certes, une future recrue, mais aussi un client ou un partenaire potentiel de l’entreprise.
Mutualiser les recrutements, pourquoi pas ?
Quand on est un petit recruteur face à un plus gros, ou encore, quand on se positionne sur un marché tendu, on peut mutualiser des moyens, jouer la symbiose*. C’est le principe de la coopétition.
« Elle se pratique déjà dans le monde libre, celui de l’Open Source. Si on y est arrivé dans l’informatique, cela peut réussir ailleurs », pointe Vincent Rostaing. Des sociétés qui ne sont pas implantée dans la même région pourraient ainsi constituer des bourses d’échange de candidats. Untel ne me convient pas mais, étant donné que j’ai passé du temps à le qualifier, pourquoi ne pas parler de lui à l’un de mes concurrents et néanmoins confrère ? Voilà l’idée. « Cela peut être rémunéré ou être l’occasion d’échanges de bons procédés. C’est d’autant plus facile de le décider aujourd’hui que les outils – les réseaux sociaux – pour la mettre en œuvre existent », souligne-t-il.
*Cf. la théorie des jeux dont les fondements ont été posés en 1944 dans l’ouvrage de John von Neumann et d’Oskar Morgenstern : Théorie des jeux et du comportement économique (Theory of Games and Economic Behavior).
Sophie Girardeau