Sorte de divorce à l’amiable entre un salarié et son employeur, la rupture conventionnelle apparue en 2008 a encore gagné du terrain en 2015, avec plus de 320 000 cas recensés par le ministère du Travail de janvier à novembre 2015. Un record qui fait grincer des dents les syndicats…
Avec 320 000 ruptures conventionnelles de CDI, de janvier à novembre 2015, soit 29 000 par mois, on peut estimer à 350 000, en incluant le mois de décembre, le nombre de procédures de ce type signées l’année passée. Un record sans précédent l’année 2014, en affichant 333 000, et l’année 2013, 314 000. Bien entendu on saluera donc l’utilité de ce dispositif de licenciement à l’amiable tout en s’interrogeant sur sa croissance quand parallèlement la France frôle les 3 millions de chômeurs… Alors pourquoi un tel carton ? Peu ou pas d’évolution de carrière, salaire stagnant, manque d’épanouissement… Côté salarié, la rupture conventionnelle peut s’apparenter à une sortie de secours confortable, surtout d’un point de vue économique. D’une part, à contrario d’une démission, elle lui permet de toucher des indemnités de départ. D’autre part, elle lui offre l’opportunité de bénéficier des allocations chômage versées par Pôle Emploi. De quoi rebondir en douceur et prendre le temps d’identifier au mieux ses velléités professionnelles pour relancer sa carrière. Côté employeur, des avantages sont aussi à observer. Pour lui, plus besoin de motif pour licencier un salarié mais juste d’une négociation pour s’éviter toutes procédures devant les prud’hommes. De plus, il ne peut verser que le minimum légal d’indemnité, lié à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Un moindre coût face à ce qu’il aurait dû verser si ce dernier avait été licencié. Toutefois depuis le 1er avril 2013, l’employeur doit également payer une cotisation spécifique appelée le Forfait Social. Il s’agit d’une contribution de 20 % de la totalité de l’indemnité de rupture conventionnelle versée au salarié. Objectif ? Réguler, voire ralentir le succès de cette procédure… Un vœu pieux au vu des chiffres de 2015.
Ruptures conventionnelles et préretraites déguisées…
Si dans la rupture conventionnelle, salariés et employeurs semblent chacun tirer leur épingle du jeu, les syndicats s’élèvent cependant pour stigmatiser certains abus. En ligne de mire : l’utilisation parfois abusive, selon eux, de ce dispositif pour évacuer rapidement et en toute facilité des seniors du monde de l’entreprise. Pour justifier leurs propos, un chiffre : les ruptures conventionnelles représentent 25 % des fins de CDI pour les 58-60 ans contre 16% pour l’ensemble des salariés. Partant du principe qu’un chômeur de plus de 50 ans peut percevoir des allocations de Pole Emploi durant plus de 36 mois, les syndicats souhaitent démontrer que de nombreuses ruptures conventionnelles seraient en fait des préretraites déguisées. Selon Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO : « il n’y a pas suffisamment de contrôle autour de ce dispositif qui conduit l’Etat à financer ces préretraites… » Aussi préconise-t-il d’instaurer une taxe forfaitaire à destination des employeurs qui signent une rupture conventionnelle avec un senior. Un cri dans la nuit ?
Gérald Dudouet