C’est une solution que proposent certains salariés dans le monde, principalement les chinois et les canadiens. Les français, quant à eux, détiennent déjà, avec le Mexique, le record international du nombre de jours de congés payés et se montrent peu intéressés par cette mesure en faveur de la lutte contre l’absentéisme. Pour eux, dans ce débat, la réelle question est la suivante : quel impact les tâches non-réalisées par les absents aura-t-il sur mon entreprise ?
La culture d’entreprise comme réponse à l’absentéisme
« L’enquête Kronos sur l’absentéisme dans le monde montre que, dans certains pays, les employés craignent de récupérer le travail de l’absent. En France, c’est un peu différent : on craint que la tâche ne soit pas réalisée », commente Arnaud Michel, expert en Gestion des Temps et des Activités. D’après cette enquête, parue en septembre dernier, les salariés français s’inquiètent en effet des conséquences de l’absence d’un collègue sur, lit-on, « le fonctionnement habituel de l’entreprise et de voir des tâches négligées ou carrément oubliées ». Preuve d’un sentiment d’appartenance à l’entreprise, où chacun tient un rôle à jouer. Pour le fondateur du cabinet
Temps d’Avance, il s’agit même plus précisément d’un engagement des employés pour leur service. « On porte le maillot de son service. Chacun a compris que son service est vraiment au cœur d’un processus », constate-t-il. Au cours de ses interventions, il observe que les salariés français font preuve d’un réel engagement pour leur tâche et d’une volonté de bien faire leur travail. « Je constate aussi le développement de la multi-compétence, notamment sur les services RH auprès desquels j’interviens, mais également dans les équipes de production », poursuit-il. Chaque salarié devient de plus en plus polyvalent – ce qui, selon l’expert, n’était pas le cas, il y a 10 ans – capable alors de remplacer un collègue absent au pied levé. Si la polyvalence ne permet pas de lutter contre l’absentéisme, elle est un palliatif à ses conséquences.
D’après la même enquête, les salariés français, contrairement à leurs homologues chinois, canadiens, américains, anglais, australiens et indiens, ne considèrent pas une augmentation du nombre de congés payés comme une solution. « Le nombre de congés payés est déjà très important en France, raisonne Arnaud Michel. En revanche, les horaires flexibles sont très demandés, mais posent un problème de gestion du temps de travail d’un point de vue technique ». Les horaires flexibles sont en effet plébiscités par l’ensemble des salariés, « sauf en France », précise l’enquête. Les salariés français sont très précis : ils aimeraient reporter leurs heures de travail du vendredi au reste de la semaine, pendant les mois d’été. « En effet, complète l’expert GTA, beaucoup de personnes sont en RTT le vendredi. Les magasins ne sont plus seulement surchargés le samedi, mais le vendredi et le samedi ».
Le travail buissonnier lié à un réel état de stress
Lutter contre l’absentéisme n’est pas faire la chasse aux absences abusives. Les abus sont finalement assez rares. Il est plus judicieux de s’intéresser aux réelles causes des absences. Là encore, la France se distingue du reste du monde. « Un nombre important d’employés dans le monde admet avoir déjà prétexté être souffrant pour justifier une absence au travail alors qu’ils n’étaient pas réellement malades », enseigne l’enquête Kronos. Les français ne seraient pas coutumiers de ce type de « travail buissonnier ». Seul 16% d’entre eux ont avoué avoir déjà utilisé ce stratagème. « En France, il existe beaucoup de possibilité de planifier ses absences et de faire des demandes préalables », ce qui explique ce faible taux, d’après l’expert GTA.
Le stress et le besoin de repos s’affichent en causes principales du travail buissonnier. Les salariés du monde entier s’accordent là-dessus. Les absences ne sont pas liées à une simulation de la maladie mais à un réel état de stress. Arnaud Michel s’en dit même inquiet. « Je vois de plus en plus de personnes en situation de burn-out, dit-il. Les relations humaines sont tendues et peuvent très vite déraper ». Selon lui, il serait intéressant de faire le lien entre le taux d’absentéisme de l’entreprise et le nombre de personnes en congés maladie de moyenne et longue durée.
« Si un salarié prend un jour de repos de temps en temps, c’est parce qu’il ne parvient pas à équilibrer sa vie privée et sa vie professionnelle », continue Arnaud Michel, étonné que le télétravail ne soit pas plus présent dans cette enquête. Etonné, mais en même temps conscient que le télétravail relève encore, selon ses termes, « de la science-fiction » pour les français. Ce mode de travail permettrait, d’après l’expert, de mieux gérer la relation vie privée/vie professionnelle et ainsi de réduire les absences, mais aussi d’augmenter la productivité et le niveau d’implication du salarié. Bien plus efficace, donc, qu’une augmentation du nombre de congés payés.
Typhanie BOUJU