Suisse, Allemagne, Angleterre, Italie, Espagne, Anne-Laure Vergnaud, 34 ans, a parcouru l’Europe pour implanter les filiales d’un laboratoire pharmaceutique américain. Elle a multiplié les effectifs de cette industrie à la conquête du vieux continent par 100, rien que ça, et c’est pour ce plan d’implantation que l’ANDRH lui a décerné l’un de ses Trophées Juni’Or. Aujourd’hui, la globetrotteuse des RH ne veut plus « courir les routes » et ne travaille plus pour Alexion. Avis aux chasseurs de têtes !
Un tour d’Europe contre la montre
« Alexion faisait des recherches sur un médicament pour les maladies ultra orphelines, ce qui signifie peu de patients par territoire, et donc le besoin d’une expansion géographique », se souvient la lauréate. C’était en 2006, Alexion Europe comptait 3 salariés. Elle, venait de terminer ses études à l’ESSEC. En 2007, le laboratoire atteignait les 104 collaborateurs ; aujourd’hui, ils sont un peu moins de 300.
Parmi les pionniers d’Alexion Europe, son Président « qui avait beaucoup d’expérience dans le domaine pharmaceutique et pour qui mettre en place une structure RH était primordial, même si l’entreprise existait déjà depuis 20 ans », rappelle la responsable de cette structure. C’est ainsi qu’elle a été recrutée. Sa mission – et elle l’a acceptée : recruter des équipes pour enregistrer et distribuer le produit en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Angleterre et en Suisse, où se trouve le siège. Il fallait que chacune des filiales soit en place avant l’enregistrement du médicament. « Une course contre la montre », s’exclame Anne-Laure Vergnaud. Et un défi : « Dans certains pays, le Directeur Général et son assistant étaient recrutés avant même que l’entreprise soit créée. Ce n’est pas évident de chasser des profils, souvent en poste, pour les faire venir dans une entreprise qui ne dégage pas encore de bénéfices ».
Finalement, le bilan est bon, les équipes se forment. « Notre population majoritaire était composée de moins de 35 ans et de plus de 50 ans, les plus motivés », constate-t-elle. Mais au-delà du recrutement, la responsable RH a dû relever d’autres challenges et se pencher sur les caractéristiques de chacun des pays, en termes de droit du travail, de contrats, de politiques de rémunération et de gestion des compétences. « Il fallait être sûr de faire les bons choix structurants, en particulier en ce qui concerne les avantages sociaux. Ne pas se montrer trop généreux mais être attractif, sans mettre en péril la santé de l’entreprise », raconte-t-elle, d’un œil désormais expérimenté. Et d’avouer : « C’était un peu stressant, surtout que je n’avais pas 20 ans d’expérience derrière moi dans les RH. Je me suis appuyée sur mon bon sens et mon réseau ».
Responsable RH : une fonction solitaire
« L’entreprise avait l’ambition d’une grande » poursuit-elle. Mi 2008, Alexion Europe recrute une DRH « très expérimentée, issue des grands groupes », selon les termes de la pionnière de la fonction au sein du laboratoire. A partir de 2010, les équipes RH comptent une dizaine de personnes. « On a pu développer ce qu’on n’avait pas pu faire en 2008 faute de bras et de cerveaux », commente Anne-Laure Vergnaud. Pour elle, c’est aussi une opportunité, celle « de ne plus se sentir seule, de pouvoir échanger des points de vue ». Car, affirme-t-elle, « la fonction peut être très solitaire », et convaincue que « l’on est plus intelligent en groupe que seul ». C’est ce besoin de partager qui la pousse, très tôt dans sa carrière, à rejoindre l’ANDRH. « Finalement, on a tous les mêmes problèmes, les certitudes n’existent pas dans cette fonction », s’aperçoit-elle.
Malgré cet aspect solitaire, les RH n’en restent pas moins une vocation. « A Sup de Co Reims, j’avais hésité entre la supply chain et les RH. J’ai choisi le premier car je souhaitais voyager, me faire une expérience à l’étranger ». Elle entame ainsi une première partie de carrière dans la logistique, chez Kimberly-Clark. C’est là qu’elle découvre les RH, à travers des projets transversaux. « Mon cœur allait vraiment vers les RH », dit-elle. Anne-Laure Vergnaud revient alors en France et reprend ses études, à l’ESSEC, prépare et obtient son master 2. « Je suis une personne qui aime aller au fond des choses. Le master m’a permis d’acquérir la technicité, les bases et les témoignages des responsables RH, de mettre les choses en perspective ».
Être multilingue : un désavantage
Aujourd’hui, Alexion Europe continue de prendre de l’ampleur, mais sa toute première responsable RH a quitté le navire, en mars dernier. « Je n’ai pas envie, pour le moment, de m’expatrier à nouveau », justifie-t-elle. Depuis Paris, elle recherche désormais un poste « généraliste » dans les RH et le Trophée de l’ANDRH tombe à point nommé « dans ce contexte de repositionnement. Il représente la reconnaissance de mes pairs, la fierté du travail accompli ». Un bon coup de boost pour la confiance en soi. « Idéalement », Anne-Laure Vergnaud recherche un poste dans une entreprise internationale, pour mettre à profit ses talents de linguistes – elle parle 4 langues étrangères. « J’ai malheureusement l’impression que les postes franco-français se ferment, regrette-t-elle. Les langues devraient pourtant ouvrir des portes, pas les fermer ». Lors des entretiens, on la voit davantage dans un poste d’expatriée. « Mais les langues ne sont pas mon métier ; mon métier, ce sont les Ressources Humaines », clame la lauréate qui, à force de répondre à des offres, ne trouve plus le temps d’envoyer des candidatures spontanées. « C’est un vrai job à temps plein », plaisante-t-elle. Vous la trouverez sur Viadeo ou LinkedIn…
Typhanie BOUJU