Le management des compétences, c’est de l’anticipation et de l’ouverture dans un environnement où les business models se complexifient. Quelles compétences manager ? Avec quels outils ? Quels écueils guettent les entreprises ? Réponses.
Rien de statique en matière de compétence. Comme le souligne Marie-Pierre Fleury, ex DRH et dirigeante de Canden RH : « La compétence est une notion puissante en matière de management des ressources humaines car elle renvoie à l’évolution des individus comme à celle des entreprises : elle s’acquière, se développe et s’abandonne ».
La juxtaposition des systèmes complexifie la tâche
Croissance, vente, rachat, restructuration, changements fréquents de business models… À chacune de ses évolutions ou de ses mutations, l’entreprise doit revoir ses besoins en matière de compétences. La vente par correspondance, par exemple, en a fait la difficile expérience : l’enjeu pour elle consistait plus à combiner deux systèmes (catalogue papier et site e-commerce) qu’à passer de l’un à l’autre, avec ce que cela implique de modifications des compétences requises.
Comme le pointe Thierry Hamon, associé chez IDRH, « il s’agit aujourd’hui de juxtaposer les systèmes, ce qui rend les choses plus complexes ; les réponses organisationnelles aux questions des compétences ne sont pas évidentes du fait de la complexité des business models actuels ». Alors que l’on a une modification des compétences et en face, des réductions d’effectifs, il faut penser la question sous l’angle de l’adéquation entre les effectifs et les compétences.
Quelles compétences ?
Les entreprises ont du mal à anticiper leurs besoins en compétences et à former dans une logique du « juste à temps », et au-delà même de leurs propres besoins, à raisonner en termes d’employabilité externe. Toutefois, l’environnement d’aujourd’hui fait tomber les murs de l’entreprise et la confronte davantage au monde extérieur. Ce qui apporte de nouvelles contraintes mais aussi de nouvelles opportunités, notamment pour acquérir plus rapidement des compétences. « Avec la mondialisation, le numérique et les réseaux, les salariés renforcent ou développent de nouvelles compétences à l’extérieur de l’entreprise, de nouvelles compétences dont les entreprises ont aussi besoin » remarque Marie-Pierre Fleury.
Le management des compétences s’est souvent concrétisé par la mise en place de référentiels de compétences difficiles à rendre opérationnels et à entretenir dans un management quotidien. Pour être plus agiles, face aux changements rapides, les entreprises doivent concentrer leur attention sur les compétences stratégiques, par domaine d’activité ou métier, en lien avec leur plan de développement et les enjeux à court terme.
La GPEC aide à anticiper mais n’est pas le seul levier
Favoriser l’adéquation des compétences au gré de l’évolution des besoins de l’entreprise passe par de l’anticipation et une bonne analyse de la demande. Les entreprises disposent des outils de la GPEC pour ce faire, néanmoins, si celle-ci « a l’avantage d’inciter les entreprises à anticiper, elle n’apporte pas d’agilité car le dispositif est trop juridique et comptable», note Marie-Pierre Fleury. On dit généralement de la GPEC qu’elle est mal utilisée ou associée, pas seulement dans les esprits, aux plans sociaux. Une option consiste à « mettre à plat tous ses outils et décider ce que l’on veut faire avec », complète Thierry Hamon. Notons aussi que depuis 2017, on emploie le terme GEPP.
Par ailleurs, d’autres leviers existent, Ainsi, une politique de rémunération peut influencer le développement des compétences. « À travers des augmentations et des primes accordées, on valorise des compétences, on envoie des signaux. Un bon management par les compétences doit être relié à la politique RH globale», souligne Marie-Pierre Fleury.
De plus, les entreprises qui n’ont pas conduit de projets de management des compétences sont beaucoup moins armées pour manager les talents. « Quand on a mis en place un référentiel de compétences de l’entreprise et qu’on l’a utilisé dans le management opérationnel pour réorganiser, former, recruter, gérer de la mobilité interne, etc., on passe plus facilement au management des talents », explique-t-elle.
« Des engrenages qui tournent en parallèle sans s’alimenter »
Le management des compétences suppose d’articuler tous les leviers à disposition, de créer des vases communicants entre les dispositifs de revue annuelle et de formation. Beaucoup d’entreprises ne s’inscrivent pas dans cette ligne. « Il faut connecter la formation aux entretiens annuels, or, on trouve souvent des engrenages qui tournent en parallèles sans s’alimenter. Cela peut vouloir dire que le système d’évaluation n’est pas obligatoire ou trop antique ou non relié à la formation », pointe Thierry Hamon.
La formation est-elle efficace pour développer toutes les compétences ?« Il existe actuellement beaucoup d’interrogations sur l’efficacité de la formation : d’une part, les entreprises constatent des attentes par rapport aux compétences, d’autre part elles se demandent si les formations qu’elles ont en magasin vont combler les manques de compétences », note Thierry Hamon, associé chez IDRH. Par ailleurs, le domaine de la formation est entré dans une ère protéiforme, il s’est complexifié, il y a nécessité de « démonter l’usine à gaz ». Les entreprises doivent se demander quels sujets elles vont traiter en interne, lesquels elles traiteront en externe, savoir aussi sur quels critères se déterminera la valeur ajoutée d’une formation. « On constate actuellement un recentrage sur les cœurs de métiers et une tendance à décliner les dispositifs », poursuit-il. On forme par exemple en mode onboarding pour intégrer de nouveaux collaborateurs, on forme au niveau groupe, au niveau filiale, puis en proximité sur les techniques métiers. Les formations deviennent, selon ses termes, « des fusées à plusieurs étages ». On observe plus de discernement et de vision pour savoir d’où à où faire migrer les collaborateurs en termes de compétences, une volonté d’adéquation entre les offres de formation et les parcours de carrière, aussi écrème-t-on les portefeuilles de formation pour cibler et répondre davantage au besoin. Pour autant, « la formation n’est pas, selon Marie-Pierre Fleury, dirigeante de Canden RH et ex DRH, le meilleur dispositif de développement pour toutes les compétences ». En matière de management, former les nouveaux managers est primordial. Toutefois, pour qu’ils deviennent de bons managers, « il faut inscrire la formation dans la durée et la prolonger sur le terrain. La formation au management ne fait pas forcément de bons managers». |
Sophie Girardeau