Dans un contexte particulier quelle est la situation du dialogue social ? La crise sanitaire liée au covid-19 est venue perturber le fonctionnement habituel des entreprises. Contraintes sanitaires, suspension d’activité, mise en place des gestes barrières, télétravail…. Les entreprises ont dû s’adapter, souvent dans l’urgence, pour sauvegarder la santé des salariés et l’activité économique de l’entreprise.
Notre législation sociale donne en effet une place prépondérante au dialogue et à la négociation entre l’employeur et les instances représentatives du personnel. Comment ce dialogue social se poursuit-il pendant l’épidémie ?
Le gouvernement a mis en place des mesures d’urgence pour aider les entreprises et leur application passe souvent par des négociations collectives. Or, les différentes contraintes (notamment sanitaires) modifient les procédures et rendent les échanges plus difficiles.
Comment la crise sanitaire influe-t-elle sur les négociations collectives ? sur le rôle et le fonctionnement du comité social et économique (CSE) ? En conclusion, la crise sanitaire est-elle une chance ou un danger pour le dialogue social ?
Dialogue social : Les négociations collectives pendant le covid
Les thématiques principales de négociation pendant l’épidémie de COVID-19
Le dialogue social n’est pas interrompu par l’épidémie ni par les différents confinements. Les négociations habituelles et obligatoires doivent donc être engagées dans l’entreprise. Néanmoins, certains sujets liés à la crise sont davantage urgents ou font l’objet de quelques adaptations.
Voici les principaux thèmes de négociations et leurs spécificités éventuelles liées à la crise sanitaire.
Le télétravail
Le mode de travail phare de cette dernière année ! Jusque-là cantonné à une utilisation confidentielle, le télétravail est devenu, depuis 1 an, le centre des préoccupations des salariés, des entreprises et des partenaires sociaux.
Depuis mars 2020, il est en effet fortement recommandé par le gouvernement, afin de limiter au maximum les contacts et la propagation du virus.
Le télétravail peut être instauré de différentes manières : accord employeur/salarié, charte, accord collectif…. Dans le contexte d’urgence lié à l’épidémie, l’entreprise peut également le mettre en place de manière unilatérale.
Néanmoins, une négociation reste le moyen privilégié pour organiser et sécuriser cette pratique dans la durée. N’oublions pas en effet que l’employeur est responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés.
La négociation sur le télétravail permet donc d’établir, notamment :
- Les conditions de passage en télétravail (métiers concernés…)
- Ses modalités (nombre de jours, d’indemnisation, compensations…)
- Le droit à la déconnexion des salariés
- Les modalités de retour dans l’entreprise
- Les solutions pour limiter l’isolement des salariés
L’égalité hommes / femmes
L’épidémie de covid-19 ne doit pas faire obstacle aux autres négociations obligatoires. Celle portant sur l’égalité homme/femme est notamment primordiale pendant cette période où le télétravail est devenu une norme.
Les femmes rencontrent en effet plus de difficultés à télétravailler dans de bonnes conditions par rapport aux hommes.
Parmi les femmes qui n’ont pas eu de congés pour garde d’enfant pendant le 1er confinement :
- 80% passaient plus de 4 heures quotidiennes auprès des enfants, contre 52% des hommes
- 45% assuraient une double journée professionnelle et domestique (plus de 4h de travail et plus de 4h auprès des enfants), contre 29% des hommes.
(Source : Note INSEE du 19/06/2020)
La question de l’égalité homme/femme est donc plus que jamais d’actualité. Elle reste une priorité majeure du dialogue social pendant la crise sanitaire.
Activité partielle de longue durée (APLD)
Ce dispositif est spécifique au contexte sanitaire actuel. Instauré depuis le 1er juillet 2020, il permet à une entreprise en difficulté de réduire les horaires de travail de ses salariés (décret du 28 juillet 2020, décret du 30 octobre 2020).
L’APLD est obligatoirement mise en place par un accord collectif d’entreprise, d’établissement ou de branche. Avec le télétravail, il s’agit donc de la négociation la plus courante de ces derniers mois.
L’employeur peut réduire l’activité jusqu’à 40% de la durée légale du travail (jusqu’à 50% avec l’autorisation de la DDETS (ex-Direccte), dans la limite de 24 mois (sur une période de 36 mois consécutifs).
L’accord doit obligatoirement contenir les mentions suivantes :
- Diagnostic de la situation économique et perspectives d’activité de l’entreprise
- Date de début et durée du dispositif
- Salariés concernés
- Réduction maximale de l’horaire de travail en dessous de la durée légale du travail
- Engagement de l’employeur pour l’emploi et la formation professionnelle
- Modalités d’information du comité social et économique et des autres organisations syndicales
Retrouvez tous les détails sur l’APLD sur service-public.fr
Dialogue social : des modalités de négociations adaptées à la crise
Des réunions en présentiel ou en visioconférence ?
Pendant la crise sanitaire, la loi n’a pas prévu de conditions spécifiques de réunions pour les négociations collectives. Néanmoins, il reste conseillé de les organiser à distance (visioconférence ou audioconférence).
Il appartient donc à l’entreprise et aux délégués syndicaux d’organiser préalablement les modalités des réunions. Elles doivent respecter le principe de loyauté de la négociation collective, notamment :
- Invitation de l’ensemble des organisations syndicales représentatives
- Absence de négociations séparées
- Possibilité de s’exprimer et de débattre en présence des autres parties
Dialogue social : La signature électronique des accords
La signature électronique a la même valeur juridique qu’une signature manuscrite. Elle doit néanmoins répondre à certaines exigences : être liée au signataire de manière univoque, permettre d’identifier le signataire, etc. (code civil art.1367 et règlement européen n°910-2014).
De nombreux prestataires de certification électronique proposent une telle solution. Même s’il s’agit d’un service payant, c’est la garantie d’une signature électronique fiable et juridiquement sûre.
La signature manuscrite des accords reste néanmoins possible. L’entreprise envoie le projet à l’ensemble des parties par mail ou courrier. À charge pour elles de l’imprimer, le signer, le numériser puis le renvoyer par mail.
Il est préférable que les différentes signatures figurent sur le même exemplaire. Si cela n’est pas possible, l’accord est alors composé des différents exemplaires signés par chaque interlocuteur.
Notification des accords aux autres organisations par voie électronique
Une fois l’accord signé, il est notifié à l’ensemble des organisations syndicales représentatives (art.L2231-5). Il est tout à fait possible de procéder à cette notification par mail, en veillant toutefois à programmer un accusé de réception.
Procédure particulière de dépôt des accords « covid »
D’une manière générale, tous les accords collectifs doivent être déposés sur la plateforme « Téléaccords ».
Dans le cadre de la crise sanitaire, le gouvernement a prévu un enregistrement prioritaire des accords liés au Covid-19 : APLD, congés payés, durée du travail, jours de repos…
Lors du dépôt de l’accord sur la plateforme, vous devez cocher la case « autres thèmes » et indiquer la mention « covid » ou « APLD ».
Si chaque partie a signé un exemplaire différent (cf paragraphe sur la signature), vous devez regrouper l’ensemble des exemplaires signés dans un seul fichier pdf.
Dialogue social : Rôle et fonctionnement du CSE
Rôle primordial en situation de crise
Le CSE joue un rôle essentiel aux côtés de l’employeur pour gérer la crise sanitaire et ses conséquences dans l’entreprise.
Il veille à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail des salariés. Il est également informé et consulté sur les projets portant sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise.
En cette période d’épidémie et de difficultés économiques son rôle est donc primordial. Il intervient notamment sur les sujets suivants :
- Mise en place du télétravail
- Modification de l’organisation du travail
- Projet de réduction des effectifs
- Recours à l’activité partielle
- Prévention des risques psychosociaux liés au télétravail
- Organisation des mesures sanitaires, etc.
- Mise à jour du document unique d’évaluation des risques
Il dispose également d’un droit d’alerte. S’il constate un danger grave et imminent, une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale, il en avise immédiatement l’employeur. Son avis est alors enregistré dans un registre spécifique.
Adaptation de son fonctionnement : généralisation des réunions à distance
Pendant la crise sanitaire, les entreprises doivent continuer à organiser les différentes réunions avec le CSE.
Elles peuvent toutefois se tenir en visioconférence, audioconférence ou, à défaut, par messagerie instantanée (ordonnance n°2020-1441 du 25novembre 2020).
Les élus peuvent s’opposer au recours à la conférence téléphonique ou à la messagerie instantanée pour les informations et consultations portant sur les sujets suivants :
- Procédure de licenciement collectif
- Accords de performance collective
- Ruptures conventionnelles collectives
- Mise en œuvre de l’activité partielle
Pour être valable, cette opposition est communiquée au plus tard 24 heures avant le début de la réunion. Elle doit être portée par la majorité des élus.
Le recours systématique aux réunions à distance est possible jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, prévu actuellement au 1er juin 2021.
En dehors de ce cas, les réunions à distance sont possibles mais dans la limite de 3 réunions par an (article L2325-5-1).
Organisation des élections professionnelles
Pendant la première vague épidémique du printemps 2020, le gouvernement avait prévu une suspension des élections jusqu’au 31 août 2020. Rien de tel depuis cette date. Les élections professionnelles sont donc organisées par les entreprises aux échéances normales.
Le ministère du travail a néanmoins précisé certains points :
- Le calendrier prévu par le protocole d’accord préélectoral est maintenu à la condition que le confinement ne fasse pas obstacle à la sincérité du scrutin. Possibilité pour les candidats de faire campagne à distance, participation des salariés à l »élection (en particulier ceux en télétravail), etc.
- Le report des élections est exceptionnellement possible. Il est alors nécessaire de négocier un nouvel accord préélectoral pour fixer les nouvelles dates du scrutin. L’employeur et les organisations syndicales devront également prévoir la prorogation des mandats en cours, par un accord unanime.
- Mise en place du premier CSE. L’employeur peut être exonéré de cette obligation en invoquant la force majeure
Crise sanitaire : une chance ou un danger pour le dialogue social ?
Plus d’un an après le premier confinement, quel est l’impact de la crise sanitaire sur le dialogue social ? Ce dernier en ressort-il renforcé ou affaibli ?
Quelques chiffres concernant le dialogue social
L’IFOP a réalisé récemment un sondage sur l’état du dialogue social dans les entreprises (enquête tripartite réalisée en Janvier et Février 2021).
D’une manière générale, cette étude montre une période plutôt propice à un dialogue social de qualité :
- 65% des représentants des salariés estiment que leur entreprise se positionne bien vis à vis du CSE depuis le début de la crise
- 60% des salariés sont satisfaits de l’accompagnement du CSE pendant l’épidémie
- 66% des salariés ont une image plutôt bonne du CSE
- 55% des salariés attribuent des notes moyennes à bonnes au dialogue social (44% pour les représentants du personnel)
La dématérialisation des réunions pendant la crise a également eu des effets bénéfiques pour les représentants de la direction :
- Moins de difficultés d’agenda
- Discussions moins chronophages
- Diminution des coûts pour les entreprises multi sites
- Proximité plus forte entre les représentants et la direction.
Les représentants du personnel notent néanmoins quelques effets pervers : difficultés à percevoir les échanges non verbaux et les réactions, les échanges sont moins spontanés, etc.
Il faut également noter l’état d’esprit actuel des représentants du personnel, majoritairement négatif. Ils sont 62% à se sentir fatigués, 53 % inquiets.
Quel bilan pour le dialogue social en France ?
D’une manière générale, le dialogue social s’est plutôt renforcé pendant la crise sanitaire. Certes, il a fallu s’organiser, tester de nouvelles modalités de réunions, faire face à l’urgence, aux incertitudes…
Les différentes contraintes liées au covid-19 ont obligé les entreprises à négocier, même quand elles n’en avaient pas l’habitude : télétravail, activité partielle, etc.
Au vu du sondage IFOP, cela n’a pas été de tout repos pour les entreprises et les représentants du personnel.
Pour autant, la crise a permis aux salariés et au dialogue social de revenir au cœur des préoccupations des entreprises.
Selon une récente enquête de l’ANDRH (association nationale des DRH), 85% des répondants estiment que leur priorité principale pour le 1er trimestre 2021 est de gérer les mesures de prévention liées au covid-19. Pour 73%, il s’agit de consolider et développer le télétravail.
Nul doute que la crise sanitaire a fortement marqué le dialogue social et qu’il en gardera des traces pour les années à venir : développement de sa numérisation (réunions à distance, signature électronique), rôle dans la mise en place de nouveaux modes de travail dans l’entreprise (télétravail)…
Pour aller plus loin :
- webinar sur les enjeux du dialogue social en 2021.
- Rôle du responsable des relations sociales en entreprise
Vous pouvez télécharger ce livre blanc RH ci-dessous.
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