C’est ce que révèle Daniel H. Pink, journaliste de renom et responsable des discours du vice-président des Etats-Unis Al Gore dans les années 90, dans son ouvrage « Drive » qui vient d’être traduit en français aux Editions LEDUC.S. Il ne s’agit pas d’un énième ouvrage garni d’une réflexion philosophico-ésotérique. Dan Pink part de bases scientifiques, raconte des expériences concrètes et prouve par A + B que le système de management actuel est inefficace, avant de proposer des pistes pour le renouveler.
Notre système de management est obsolète
« Depuis trop longtemps, il existe un gouffre entre ce que savent les scientifiques et ce que pratiquent les entreprises », regrette l’auteur. Dans les pages de son ouvrage, il fait référence à de nombreux maîtres à penser du management, parmi lesquels Gary Hamel, « spécialiste mondial des stratégies d’entreprises », ainsi le présente-t-il. Celui-ci avance l’idée selon laquelle « le management est une technologie périmée ». Pourquoi ? Simplement parce que les techniques et outils du management que nous utilisons actuellement, dont nombreux sont basés sur l’effet de récompense, ont été inventés « par des individus nés au XIXème siècle ». Or, le temps de Frederick Taylor est révolu.
Dan Pink rapporte, dans son introduction, le déroulement et les résultats d’une expérience sur la motivation, menée par Harry Harlow, professeur de psychologie, et approfondie, 20 ans plus tard, par son homologue Edward Deci. Tandis que le premier étudie l’effet de la récompense sur les primates, le second prend à témoins deux groupes d’individus humains face au casse-tête du cube Suma. Il s’avère que le groupe à qui aucune récompense n’a jamais été promise reste davantage, sur le long terme, focalisé sur la résolution de ce casse-tête, tandis que les autres s’en désintéressent. « Une récompense peut transformer une tâche intéressante en besogne ennuyeuse », développe l’auteur dans les pages suivantes. Selon lui, le système « de la carotte et du bâton » est inefficace, voire « contre-productif ». Des enseignements connus depuis le milieu du XIXème siècle, mais qui ne semblent pas être entendus par les entreprises d’aujourd’hui. « Trop d’organisations (…) continuent de fonctionner sur la base de suppositions concernant le potentiel et la performance de l’individu qui sont périmées », insiste Dan Pink.
Vers le système de Motivation 3.0
« Les entreprises comme les ordinateurs ont un système d’exploitation » et « notre paramétrage par défaut, c’est l’autonomie et l’indépendance », enseigne l’auteur. Voilà pourquoi le système d’exploitation Motivation 2.0, basé sur la récompense et la punition ne fonctionne plus. « Motivation 2.0 supposait l’obéissance », explique-t-il. Ce « système d’exploitation » était déjà une version plus récente de ce qu’il nomme Motivation 1.0, basé sur des besoins biologiques (la faim, la soif, le désir sexuel). Il encourage à faire une nouvelle mise à jour : vers « Motivation 3.0 [qui] suppose l’implication ».
Il détaille les trois rouages de ce nouveau « système d’exploitation » de l’homme, non plus des cavernes, mais en entreprise : « l’autonomie, la maîtrise et la finalité ». Le salarié a besoin d’être autonome dans ce qu’il fait, mais aussi par rapport au temps qu’il accorde à chaque tâche, aux personnes avec qui il travaille et à sa manière d’exécuter cette tâche. « Les entreprises qui permettent à leurs salariés d’être autonomes, parfois de façon radicale, sont plus performantes que leurs concurrents », avance Dan Pink. Mais le salarié a aussi besoin de difficultés et de développer sa propre capacité à les surmonter. C’est ce qu’il appelle « la maîtrise ». Et enfin, il doit être encouragé à dépasser la dimension individuelle de ses objectifs.
Dan Pink concède malgré tout que, dans certains cas précis, la récompense peut fonctionner : « Pour les tâches mécaniques et ennuyeuses ».
Une boîte à outil pour motiver
Le dernier chapitre de « La vérité sur ce qui nous motive » est une boîte à outils. A l’intérieur, des méthodes utilisées par certaines sociétés et qui ont fait leur preuve. Mais il insiste toujours sur le fait que le passage de Motivation 2.0 à Motivation 3.0 est un processus long. Cette boîte à outils « ne délivre pas la formule de la pierre philosophale », plaisante Frédéric Rey-Millet, président d’Ethikonsulting, qui préface l’ouvrage.
Nous avons pioché quelques uns des outils qu’il propose.
Dans l’ouvrage, il développe le « concept du flow », inventé par le chercheur Mihaly Csikszentmihalyi. Ce flow est un ensemble d’états d’esprit par lesquels passent les personnes alors qu’elles réalisent différentes tâches au cours de leur journée. « Le flow est un état optimal que nous atteignons lorsque les difficultés que nous rencontrons sont proportionnelles à nos capacités à les surmonter », définit-il. Il propose de mesurer ce flow, selon la méthode du concepteur, en sollicitant les collaborateurs – grâce à une alarme sur leur ordinateur ou un sms – 40 fois par semaine. A chacun de ces moments, le salarié note la tâche qu’il est en train d’effectuer et comment il se sent.
Au-delà des outils d’évaluation de la motivation au travail et de ses mécanismes, Dan Pink expose également des moyens d’actions testés par plusieurs entreprises. Il y a, par exemple, la méthode du « 20% d’autonomie » : le management permet aux salariés d’accorder 20% de leur temps de travail à un projet de leur choix. Ou encore les « FedEx days », un autre accélérateur de motivation par l’autonomie : une journée que les salariés consacrent « au problème de leur choix ». Ils devront dès le lendemain (d’où le nom de cette méthode) présenter leurs résultats au reste de l’entreprise.
Pour poursuivre la réflexion, l’auteur conclut cet ouvrage par un « guide de discussion », une liste de questions pour débattre de la motivation entre collègues. Il encourage également à lire de nombreux ouvrages de référence… et celui-ci en fait désormais partie.
Typhanie BOUJU