Août 2025. Les Jeux Paralympiques de Paris marquent un tournant. Records d’audience, affluence historique, visibilité médiatique inédite… Pendant plusieurs semaines, le handicap a occupé une place centrale dans l’espace public. Un peu plus d’an plus tard, qu’en reste-t-il ? Cet engouement s’est-il traduit par une évolution durable des représentations, notamment dans le monde du travail ?
Chaque année, l’AGEFIPH publie un baromètre sur la perception de l’emploi des personnes en situation de handicap. En croisant les regards du grand public, des salariés, des dirigeants et des personnes directement concernées, il offre une représentation précieuse des mentalités françaises vis-à-vis du handicap depuis 2018.
Or, l’édition 2025 révèle un constat en demi-teinte : plus visible, mais encore trop souvent mal compris, le handicap reste perçu comme une contrainte, plutôt qu’une opportunité.
Le handicap, de plus en plus visible
Les Jeux Paralympiques ont eu un effet d’amplification : 67 % des Français estiment que la compétition a « amélioré » l’image du handicap. Cet impact positif se double d’une médiatisation accrue, notamment autour du handicap psychique, grâce à la prise de parole de personnalités et au succès de séries comme HPI ou de films comme Un p’tit truc en plus.
Sur le plan politique, la désignation de la santé mentale comme Grande Cause nationale en 2025 a également joué un rôle catalyseur. Le sujet s’installe davantage dans les conversations, dans les médias, et au sein même des entreprises.
Mais si la visibilité a progressé, la compréhension, elle, n’a pas suivi au même rythme. La majorité des Français continue d’associer le handicap au fauteuil roulant. 81% l’associent avant tout à l’accessibilité des bâtiments, contre seulement 19% à l’accessibilité numérique.

Des perceptions professionnelles encore stéréotypées
Cette vision partielle se répercute directement dans le monde du travail. Les politiques d’inclusion continuent de se concentrer sur l’accessibilité physique, au détriment des dispositifs adaptés aux handicaps invisibles. Or, cette représentation « physique » du handicap invisibilise 80% des situations réelles. Et seuls 8% des répondants savent que la majorité des handicaps sont invisibles, un chiffre qui, depuis 2020, n’a pas progressé.
En 2025, le handicap auditif et les maladies invalidantes restent perçus comme les plus « faciles » à intégrer. 53% et 45% des dirigeants partagent cet avis, contre 46% et 30% des personnes directement concernées. À l’inverse, les handicaps moteurs et visuels continuent d’être considérés comme plus contraignants.
Ces écarts illustrent un biais de perception : les dirigeants surestiment les contraintes matérielles, techniques ou organisationnelles supposément induites par les handicaps moteurs et visuels. Tandis que le handicap auditif et les maladies invalidantes sont perçues comme des situations stabilisées et peu contraignantes. La méconnaissance de la diversité des handicaps est donc encore importante.
| Comment améliorer la compréhension des handicaps invisibles en entreprise ? |
Question à laquelle Didier Eyssartier, directeur général de l’Agefiph, a répondu lors d’un entretien accordé à myRhline à l’occasion du bilan de la SEEPH, 28e édtion :
« Les handicaps invisibles représentent 73 % des RQTH. Troubles cognififs, psychiques, endométriose, cancer… Ces handicaps sont divers et les besoins associés le sont tout autant. Il est donc indispensable de sensibiliser les entreprises et les managers à cette pluralité. (…) Il s’agit d’apprendre aux employeurs à sortir d’une vision standardisée de la gestion des collaborateurs pour adopter une approche sur mesure au profit de chaque salarié. » |
Embaucher une personne handicapée : une « difficulté sociale construite »
76% des Français considèrent qu’il est difficile d’embaucher une personne en situation de handicap, un niveau record depuis 2017. Ce sentiment traverse toutes les catégories : grand public (76%), salariés (68%) et employeurs (65%).

En cinq ans, les dispositifs d’aide, d’accompagnement et d’adaptation des postes se sont multipliés, rendant le recrutement plus accessible que jamais. Or, paradoxalement, la croyance inverse s’est renforcée : nous venons de le voir 65 % des employeurs jugent cette embauche difficile en 2025 alors qu’ils n’étaient « que » 62 % en 2020. Ainsi, les freins à l’embauche restent puissants, et surtout, partagés par tous.
La difficulté n’est donc plus seulement organisationnelle mais sociale : plus la société pense que recruter une personne handicapée est complexe, plus elle crée les conditions qui rendent ce recrutement rare.
L’embauche et le handicap : entre volonté et frein structurel
En pratique, la perception vis-à-vis de l’embauche d’un collaborateur handicapé varie fortement selon la taille de l’entreprise. De manière générale, la démarche est perçue comme « facile » par 27 % des recruteurs et cette proportion augmente selon l’effectif. Il semble donc que la taille de l’organisation conditionne sa capacité à être une entreprise handi-accueilllante.
Mais attention, cela traduit pas une « mauvaise volonté » des TPE. Au contraire, les intentions d’embauche sont bien présentes sur l’ensemble du marché du travail et la majorité des dirigeants déclarent vouloir recruter davantage de personnes handicapées.
En revanche, entre la volonté et le passage à l’acte, les obstacles persistent : manque de moyens humains, peur de « mal faire », méconnaissance des aides existantes… Ces freins traduisent une réalité : plus l’entreprise est petite, plus elle a besoin d’être soutenue dans sa démarche d’inclusion.
Santé mentale en 2025 : tabou, tendance ou thématique RH durable ?
Nous l’avons abordé brièvement un peu plus haut, l’année 2025 marque un tournant pour la santé mentale en entreprise. Désormais, 35% des organisations déclarent avoir mis en place au moins une action sur le sujet.
Cette progression montre une diffusion réelle, y compris dans les TPE, signe que le sujet dépasse la simple tendance pour devenir une composante de la qualité de vie au travail (QVCT).
Pour autant, les handicaps psychiques restent les plus stigmatisés : seuls 16% des dirigeants jugent leur intégration « facile ». Et si la parole s’est libérée, les dispositifs de bien-être, souvent généralistes, peinent encore à s’adresser aux situations de handicap psychique dans toute leur complexité. L’enjeu, désormais, est donc de passer d’une approche préventive à une véritable inclusion des vulnérabilités.
Les chiffres sur la santé mentale
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Retour d’expérience et accompagnement du handicap
Plus une entreprise est exposée au handicap, plus elle devient inclusive. C’est un autre point que l’Observatoire de l’emploi et du handicap 2025 fait clairement ressortir. Et parmi les facteurs clés de succès :
- La présence d’un référent handicap : 91 % des organisations qui en disposent se disent prêtes à recruter à nouveau, contre 62% parmi celles qui n’en ont pas.
- L’accompagnement par l’AGEFIPH ou d’autres acteurs spécialisés, qui apportent une expertise et surtout une mise en confiance collective.
- Le retour d’expérience organisationnel : 80% des salariés travaillant avec une personne handicapée déclarent que cela n’affecte pas leur quotidien, et même que cela favorise la coopération et l’innovation au sein de l’équipe.
Perception du handicap en France : et demain ?
Un an après les Jeux, les chiffres montrent une société plus ouverte mais encore marquée par des réflexes anciens. La visibilité du handicap a progressé, mais son intégration dans l’imaginaire professionnel reste partielle.
Comme le résume François Legrand, directeur d’études à l’IFOP :
Jamais le handicap n’a été aussi visible dans l’espace public, jamais il n’a semblé aussi difficile à intégrer dans l’imaginaire professionnel.
Source(s) documentaire(s) :
- Observatoires de l’emploi et du handicap, 2020 à 2025 Agefiph & IFOP


