Entre repositionnement du collaborateur, équilibre des charges et prévention des rechutes, la reprise s’anticipe, se prépare, se sécurise. Alors, comment organiser la reprise post burn-out ?
Accompagner le retour au travail d’un salarié après un burn-out dépasse la simple reprise de poste. Pour les RH et le management, il s’agit de repenser, pour et avec lui, les contours de son retour dans l’entreprise. Quel niveau de réajustement prévoir pour sécuriser la reprise ? Comment éviter que l’équipe absorbe seule la charge résiduelle ? Et comment prévenir une rechute une fois la reprise actée ?
Éclairage de Clélia Sacadura, psychologue du travail et directrice de l’expertise Qualisocial.
Retour au travail après un burn-out : reconstruire un cadre
En pratique, le retour au travail d’un collaborateur ayant connu un burn-out ne peut être appréhendé comme une « simple » reprise d’activité. Au contraire, ce retour constitue une véritable réintégration à penser, point par point, car, si la phase d’arrêt signe la rupture, la reprise, elle, engage une dynamique de reconstruction.
Un retour qui questionne autant les pratiques managériales que la capacité d’écoute de l’organisation. Une phase critique, aux enjeux multiples, pour le salarié comme pour l’employeur. Voici quelques repères concrets pour mieux baliser cette étape, et en faire un vrai levier de stabilisation.
Reprise post burn-out : un réajustement nécessaire
Avant d’explorer les clés d’une reprise efficiente post burn-out, il paraît essentiel de rappeler rapidement la complexité induite par l’épuisement professionnel.
Ce syndrome obéit à une mécanique lente et très progressive. Même si certains signes constituent un message d’alerte (multiplication des arrêts maladie de courte durée, par exemple), les symptômes en tant que tels s’accumulent souvent de façon insidieuse et invisible pour l’entourage professionnel. Ainsi, lorsque l’arrêt est finalement posé, il survient en réalité après une longue période de tension, de surinvestissement ou de frustration profonde. Et, automatiquement, plusieurs semaines/mois de repos sont ensuite nécessaires avant d’envisager un retour.
Mais un retour vers quoi ? L’organisation a pu changer. Le manager aussi. Dans certains cas, le poste n’existe plus. Et même si rien n’a bougé, la personne, elle, n’est plus la même, et surtout son rapport au travail a évolué. De fait, elle ne peut pas revenir pour reprendre l’ancien rythme, mais pour trouver une nouvelle façon d’être au travail.
Dans la très grande majorité des cas, revenir au poste initial est une illusion. En cause ? Un passif trop lourd, et des repères, s’ils existent toujours, trop abîmés. De fait, la reprise post burn-out implique très souvent une forme de mobilité interne : changement de service, de missions, de site, etc. Bien entendu, l’enjeu n’est pas de sanctionner. Au contraire, il s’agit surtout de recréer des conditions de sécurité psychologique.
Environnement ou fonction à l’origine de frustration, d’insatisfaction, relations interpersonnelles complexes… Le burn-out n’est pas inhérent à une problématique individuelle, c’est la somme d’un tout qui impacte la santé mentale. Réussir la réintégration d’un collaborateur qui a souffert du burn-out implique presque toujours de changer au moins un paramètre pour éviter qu’il ne se retrouve dans les mêmes conditions qu’avant son départ.
Organiser un retour opérationnel sans fragiliser les équipes
Très souvent, la reprise post burn-out s’accompagne d’un mi-temps thérapeutique ou, à minima, d’un aménagement du temps de travail. L’un comme l’autre, ces dispositifs représentent un véritable garde-fou pour le collaborateur en cours de reprise. Cependant, ils soulèvent aussi une difficulté de taille : redistribuer les tâches, tout en limitant les risques de frustration ou de déséquilibre collectif ?
En effet, la préparation des équipes au retour d’un collègue avec qui elles n’ont plus travaillé depuis ou moins longtemps est à organiser. En ce sens, il peut s’agir :
- prévoir une communication interne quelques semaines avant (sans trahir la confidentialité) ;
- poser la question en point individuel pour repérer les inquiétudes, sujets terrain, biais, etc.
Manager l’équilibre des besoins de chacun et ne pas imposer des ajustements à sens unique permet de prendre soin de la personne qui revient et de la communauté de travail.
En l’absence d’anticipation quant à la révision des priorités et l’ajustement des objectifs, la répartition de la charge de travail résiduelle peut devenir un fardeau pour l’équipe, et un facteur de tensions supplémentaires.
Autre point clé essentiel : la coordination.
Fonction RH, manager, salarié et médecin du travail doivent se parler. Pour cela, l’idéal est de déployer une série d’échanges progressifs dans le but de construire un plan de reprise sécurisant pour toutes les parties. Cela peut passer par un entretien avec les RH, puis un rendez-vous tripartite, et enfin un tête-à-tête plus informel avec le manager. Cette démarche permet de clarifier les modalités concrètes : horaires, périmètre de travail, niveau d’autonomie, etc.
Cette phase de dialogue préparatoire à la reprise est très importante, car elle prévient les malentendus et/ou les attentes décorrélées. De même, il permet aussi de réaffirmer un cadre bienveillant et protecteur autour de la reprise.
Prévenir la rechute dans un cadre post-reprise durable
Dans le contexte d’un retour après un burn-out, l’accompagnement de l’entreprise doit également s’inscrire comme un levier de prévention vis-à-vis d’une éventuelle rechute. En ce sens, le suivi du collaborateur doit perdurer sur le moyen/long terme.
Pour l’entreprise, cela implique de mettre en place les conditions favorables à une vigilance collective sur les signaux de fragilité, tels que l’irritabilité, le repli, de nouvelles absences récurrentes, etc. Au niveau du salarié en retour de burn-out, celui-ci peut avoir besoin de repères très concrets pour éviter de replonger dans une phase d’épuisement. Souvent, ceux-ci prennent la forme de règles qu’il s’impose à lui-même comme :
- quitter le bureau à heure fixe ;
- faire une vraie pause déjeuner, hors de son poste de travail ;
- limiter les sollicitations, etc.
Parfois, c’est un proche, un collègue, ou même le manager, qui joue ce rôle de « rappel ».
Il est illusoire de penser que la reprise du travail peut se faire sans mener une réflexion approfondie sur son propre rapport au travail, à ses limites, à ses besoins. Pour reprendre sa vie professionnelle, le salarié doit avoir entamé une démarche de compréhension de ce qui lui est arrivé. Dans les faits, l’entreprise ne peut pas savoir si, oui ou non, celle-ci a bien été réalisée. En revanche, elle peut tout à fait mettre en place un dispositif pour aider le collaborateur en ce sens. Via l’accès à des permanences psychologiques ou à un, ou plusieurs, rendez-vous avec le service de santé au travail systématiquement proposé après un arrêt maladie de x temps, par exemple.
Pour en savoir plus sur le dispositif de reprise à déployer après un épuisement professionnel, découvrez l’accompagnement post burn-out de Qualisocial.