Pourquoi le feedback est-il encore réservé à une élite ? Comme s’il fallait une carte VIP pour avoir le droit de donner son avis. L’idée persiste : seuls les « leaders » seraient qualifiés pour formuler des retours. Une vision dépassée, qui rate l’essentiel.
Le feedback n’est pas là pour évaluer, il est là pour faire évoluer. Tant qu’on le limite à un exercice vertical – le manager parle, le collaborateur écoute – on étouffe son véritable potentiel. Le feedback, pour devenir un moteur de progression, doit circuler partout : entre pairs, des collaborateurs vers leurs managers, et dans toutes les directions. Un échange horizontal, authentique, et surtout partagé.
En confiant ce pouvoir à une poignée de personnes, on se prive de quelque chose d’essentiel : la possibilité de transformer profondément la culture d’entreprise. Et si, au lieu d’un privilège réservé à quelques-uns, on voyait le feedback comme un outil collectif, à la portée de tous ?
Le feedback vertical, un modèle à ranger au placard
Vertical, descendant : le feedback qui se veut outil de correction se révèle peu efficace. Tout d’abord, parce qu’il est à sens unique. Une parole descendante, figée dans une logique d’autorité, laisse peu de place à l’échange ou à la nuance. Le collaborateur, lui, reçoit le message comme un verdict, sans possibilité de poser des questions, de clarifier, ou de proposer des pistes d’amélioration. Le retour glisse sans s’ancrer, créant plus souvent du désarroi que de l’élan.
Ensuite, parce qu’il génère de la frustration. Imaginez recevoir un feedback impersonnel, lâché au détour d’un entretien annuel, avec pour seule consigne d’« améliorer vos efforts ». Ce genre de retour, déconnecté du quotidien et dépourvu de dialogue, ne nourrit pas. Au contraire, il peut même creuser un fossé entre le manager et son collaborateur.
Enfin, ce modèle déresponsabilise. En laissant le collaborateur dans un rôle passif, on le prive de sa capacité à devenir acteur de sa propre progression. Le feedback n’est plus qu’un exercice d’évaluation.
Résultat : des talents qui stagnent, des relations de travail qui s’essoufflent, et des organisations qui tournent à vide.
Un muscle collectif à développer
Donner du feedback, c’est comme apprendre un sport. Personne ne devient un champion du jour au lendemain : il faut s’entraîner, répéter les gestes, parfois se tromper, et surtout, jouer en équipe. Et plus l’équipe joue ensemble, plus elle performe.
Le feedback fonctionne de la même manière : plus il est pratiqué, à tous les niveaux, plus il devient naturel, fluide, et impactant. Mais si vous limitez cet exercice aux seuls managers, vous ne faites qu’entraîner une fraction de l’équipe. Pour que l’organisation tout entière progresse, il faut impliquer tout le monde : stagiaires, juniors, seniors, et même dirigeants.
Former tous les collaborateurs, c’est leur offrir trois super-pouvoirs :
L’écoute active et la communication
Apprendre à donner du feedback, c’est aussi apprendre à écouter vraiment. À entendre ce que l’autre dit – et parfois ce qu’il ne dit pas. À poser les bonnes questions et formuler des retours clairs.
La transparence et la co-responsabilité
Quand tout le monde sait donner et recevoir du feedback, les relations deviennent plus fluides. On sort de la logique de contrôle pour entrer dans une logique de co-responsabilité. Les collaborateurs se sentent impliqués dans leur propre progression et celle de l’équipe.
Une dynamique d’équipe renforcée
Le feedback pratiqué à tous les niveaux brise les silos. Il permet à chacun de mieux comprendre son rôle, celui des autres, et la manière dont tout s’articule. C’est une clé pour renforcer l’intelligence collective et améliorer les performances globales.
Et les résultats ne se font pas attendre : dans les entreprises où les feedbacks sont réguliers et structurés, 80 % des collaborateurs déclarent se sentir plus engagés dans leurs missions*.
Oser le feedback circulaire : une révolution à portée de main
Dans ce modèle, tout le monde donne, tout le monde reçoit, quelle que soit sa place dans l’organisation. Managers, collaborateurs, stagiaires, directeurs : chacun donne et reçoit des retours, quel que soit son rôle. Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?
Entre pairs, les collaborateurs se donnent des retours réguliers sur leurs projets ou leur façon de travailler ensemble. Par exemple, un développeur peut dire à un collègue : « J’ai apprécié ta réactivité sur ce bug, mais je pense que clarifier nos priorités en amont éviterait ces urgences. »
Un collaborateur peut également partager un retour avec son manager, par exemple sur la clarté des consignes ou le soutien reçu lors d’un projet complexe. Cela nécessite un climat de confiance, mais les bénéfices sont immenses : un manager qui accepte ces retours s’améliore dans son rôle, et son équipe gagne en engagement.
Évidemment, les managers donnent du feedback à leurs équipes. Mais avec une différence essentielle : dans un feedback circulaire, le manager ne se contente pas d’évaluer, il ouvre le dialogue. Au lieu de dire « Voici ce qui ne va pas », il pose des questions comme « Comment pensez-vous que nous pourrions améliorer cela ensemble ? »
Enfin, en groupe, les équipes organisent des rituels réguliers, comme des rétrospectives après un projet ou des check-ins hebdomadaires, où chacun peut partager ce qui a bien fonctionné et ce qui pourrait être amélioré. Ces moments structurés donnent à tous une voix égale et renforcent l’intelligence collective.
Comment faire du feedback une habitude ?
Le feedback est souvent piégé dans un formalisme rigide. Prenez l’entretien annuel : un moment attendu par personne, préparé à la hâte, où l’on tente de rattraper une année entière en une heure de tête-à-tête. Résultat ? Un échange figé, parfois maladroit, qui passe à côté de l’essentiel : nourrir les relations et les performances au quotidien.
Pour que le feedback devienne un véritable levier de transformation, il faut lui redonner vie, en le sortant des carcans pour l’ancrer dans la réalité de l’entreprise. Voici quatre leviers simples et concrets pour y parvenir :
Changez la perception, faites-en un rituel
Le feedback, pour qu’il devienne une habitude, doit cesser d’être un moment rare et stressant. Imaginez-le plutôt comme un rituel : un check-in hebdomadaire où chacun partage ses observations, un tour de table en fin de projet pour discuter des réussites et des points d’amélioration, ou même un échange spontané à chaud après une réunion. En l’intégrant au quotidien, on réduit la pression et on en fait une opportunité de progression collective.
Créez des espaces dédiés aux échanges
Pour que le feedback circule, il faut lui donner un cadre propice. Les équipes performantes savent s’arrêter pour échanger, que ce soit à travers des rétrospectives régulières pour faire le point sur les dynamiques de travail, des moments en tête-à-tête pour approfondir un point précis, ou des canaux dédiés au partage, même virtuels.
Ces espaces deviennent des lieux de connexion, où les silos tombent et où les collaborateurs, quel que soit leur niveau hiérarchique, trouvent la confiance pour s’exprimer.
Formez tout le monde, pas seulement les managers
Donner et recevoir du feedback est un art qui s’apprend. Un collaborateur, formé à une méthode simple comme la méthode SBI (Situation-Comportement-Impact), pourra formuler un retour clair et constructif : « Lors de notre réunion de lundi (situation), tu as interrompu plusieurs fois les interventions (comportement), ce qui a limité l’expression des idées (impact).» Cela crée des échanges précis, basés sur des faits, loin des jugements personnels ou des malentendus.
Savoir recevoir un feedback est tout aussi essentiel. Beaucoup l’abordent comme un tacle, une attaque personnelle.
Pourtant, tout comme on apprend à recevoir un ballon sans perdre son équilibre, on peut être formé à accueillir un retour avec curiosité. Cela implique d’écouter activement, de poser des questions pour clarifier, et de percevoir le feedback comme une opportunité de progresser, pas une sanction.
Créer un espace de sécurité psychologique
Le feedback n’aura jamais d’impact si les collaborateurs n’osent pas parler ou écouter sincèrement. La sécurité psychologique, c’est l’assurance que chacun peut s’exprimer sans crainte de jugement ou de représailles. Cela passe par un travail collectif : encourager la bienveillance, valoriser les retours constructifs, et montrer – par l’exemple – que le feedback est un outil de croissance, pas une arme de critique.
Le feedback, bien pratiqué, peut être un moteur puissant pour transformer les dynamiques d’équipe et construire une véritable intelligence collective. Mais pour cela, il doit sortir des silos, des hiérarchies, et devenir l’affaire de tous.
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Source(s) documentaire (s) :
- Comment un feedback efficace améliore la performance, publication Gallup