La tenue vestimentaire au travail est un sujet souvent débattu, oscillant entre liberté individuelle et exigences professionnelles.
Mais quelles sont les limites que l’employeur peut réellement imposer, et quelles obligations lui incombent ? Pour concilier protection des droits des salariés et préservation de l’image de l’entreprise, la réglementation peut parfois sembler floue.
Découvrez ici ce que dit la loi, et comment concilier impératifs juridiques et attentes de vos collaborateurs.
Tenue vestimentaire et code du travail
Les règles vestimentaires au travail suscitent des interrogations : quelles sont les limites imposées par la loi et comment s’articulent-elles avec les droits des employés ?
Tenue vestimentaire au travail : un exemple insolite
L’exemple des conducteurs de bus portant des jupes lors d’une canicule de 2017 met en lumière la question de l’adaptation des tenues de travail aux réalités du terrain.
En effet, fin juin 2017, des chauffeurs syndiqués, travaillant dans des véhicules exposés à des températures élevées, ont revendiqué le droit de porter des bermudas ou des pantacourts. Face au refus de leur direction d’autoriser ces vêtements, mais avec l’autorisation de porter des jupes, certains d’entre eux ont choisi de protester en enfilant cette tenue, soulignant ainsi le manque de souplesse dans les règles vestimentaires.
Ce cas insolite illustre les limites des réglementations vestimentaires et le besoin, pour les entreprises, de concilier confort des collaborateurs et image de l’organisation. Tout en tenant compte des réalités du terrain. Il met aussi en évidence une question majeure : dans quelle mesure l’employeur peut-il imposer une tenue, et comment garantir des conditions adaptées au bien-être et à la sécurité des salariés ?
Liberté de s’habiller au travail : quelles limites ?
La liberté de choix vestimentaire est un droit accordé aux salariés, comme stipulé par l’article L. 1121-1 du Code du travail. En règle générale, les collaborateurs ont donc le droit de s’habiller comme ils le souhaitent sur leur lieu de travail. Cependant, des exceptions existent.
Pour mieux comprendre les circonstances dans lesquelles un employeur peut imposer des restrictions vestimentaires, voici un tableau illustrant les principaux motifs et contextes dans lesquels ces obligations peuvent être appliquées :
Motifs | Contexte |
Commerciaux | Renforcer l’image de marque en utilisant des couleurs spécifiques ou des logos, surtout dans les secteurs en contact direct avec la clientèle. |
Sécurité | Nécessité de porter des vêtements spécifiques pour prévenir les accidents, comme des chaussures spécifiques ou des équipements de protection individuelle. |
Hygiène | Justification de règles vestimentaires strictes lors du contact avec des personnes ou des aliments, afin de maintenir des standards sanitaires. |
L’employeur peut-il interdire ou imposer une tenue vestimentaire ?
L’employeur peut effectivement interdire ou imposer une tenue vestimentaire sur le lieu de travail. Ces exigences vestimentaires sont généralement précisées dans l’un des trois documents suivants :
- le règlement intérieur de l’entreprise
- sa convention collective
- le contrat du salarié
La justice a d’ailleurs déjà donné raison à l’employeur lorsque des collaborateurs refusaient de porter autre chose qu’un bermuda ou une chemise transparente sur leur lieu de travail. Néanmoins, l’employeur a aussi l’obligation de fournir une tenue vestimentaire spécifique lorsque les équipes effectuent des travaux salissants ou pour des raisons d’hygiène et de sécurité.
Tout employeur qui impose une tenue vestimentaire à ses équipes est tenu de respecter certaines contreparties. |
Le Code du travail précise qu’à partir du moment où une entreprise impose le port d’une tenue de travail spécifique à ses salariés, l’entreprise est tenue de :
- fournir gratuitement une tenue de travail par collaborateur ;
- en assurer l’entretien à ses frais, selon les modalités propres à l’entreprise (convention collective ou accord d’entreprise).
Chaque entreprise a donc, selon ses accords internes, des modalités spécifiques pour l’entretien des tenues de travail.
Les deux tableaux suivants résument les obligations et possibilités qui s’offrent à vous. Ceci en fonction des réglementations internes à votre entreprise et des exigences légales. De plus, ils mettent également en lumière les avantages et inconvénients associés à chaque choix d’entretien.
Entretien de la tenue vestimentaire géré par l’entreprise
Modalité | Avantage | Inconvénient |
Recours à une société spécialisée | Expertise professionnelle | Coût potentiellement élevé |
Blanchisserie interne | Contrôle direct sur le service
Possibilité d’adapter le service |
Nécessite des ressources internes |
Ainsi, lorsque l’entretien de la tenue vestimentaire est assuré par l’entreprise, cela diminue la responsabilité des salariés, mais implique des coûts supplémentaires pour l’organisation.
Entretien de la tenue vestimentaire géré par les salariés
Modalité | Avantage | Inconvénient |
Prime de salissure | Compense les frais d’entretien | Peut ne pas suffire à couvrir tous les coûts |
Remboursement sur justificatif | Encourage les salariés à bien entretenir leurs vêtements de travail | Nécessite un suivi des justificatifs |
Lorsque l’entretien de la tenue vestimentaire est à la charge des salariés, il n’y a pas d’engagement financier direct pour l’organisation. Cependant, cela ne garantit pas que les tenues soient maintenues dans un état hygiénique satisfaisant, car le respect des normes dépend du temps, de la motivation et de la minutie de chaque salarié dans le processus de nettoyage.
De plus, cette approche requiert un suivi des justificatifs. Ce qui peut représenter une charge administrative supplémentaire tant pour le service RH que pour les collaborateurs.
Quelles que soient les modalités de nettoyage choisies par l’entreprise, c’est toujours l’employeur qui assume les frais d’entretien de la tenue de travail. |
La tenue vestimentaire au travail : les autres règles à connaître
Dans la gestion des ressources humaines, maîtriser les règles de la tenue vestimentaire est essentiel : cela garantit le respect des normes légales, préserve l’image de l’entreprise et réduit les risques de discrimination.
Quelles conditions régissent le versement d’une prime d’habillage ? Comment identifier et prévenir les discriminations liées à l’apparence physique des collaborateurs ?
La prime d’habillage
La prime d’habillage est une compensation versée par un employeur à ses salariés en complément de leur salaire :
- soit sous forme de contrepartie financière ;
- soit sous forme de temps de repos.
Cette prime d’habillage vise à dédommager les collaborateurs qui sont contraints de changer de tenue vestimentaire au travail. Pour bénéficier de la prime d’habillage, les salariés doivent remplir deux conditions essentielles :
- Port d’une tenue de travail spécifique : les collaborateurs doivent être contraints de porter un uniforme ou une tenue particulière imposée par l’entreprise.
- Changement de tenue sur le lieu de travail : les collaborateurs doivent être obligés de se changer sur leur lieu de travail, ce qui entraîne des coûts supplémentaires pour eux.
La convention collective, l’accord d’entreprise ou le contrat de travail du salarié viennent définir les modalités de versement de la prime d’habillage. |
Tenue vestimentaire, apparence physique : avis aux RH !
La question de la tenue vestimentaire au travail ne se limite pas seulement à des normes esthétiques. Elle soulève également des préoccupations liées à la discrimination fondée sur l’apparence physique.
La détermination de ce qui est une « tenue vestimentaire correcte » peut varier considérablement d’une entreprise à une autre. Des éléments tels que « tenue correcte, décente et soignée » sont à définir. De préférence avec des descriptions précises pour éviter toute ambiguïté.
Il peut être bénéfique pour les ressources humaines d’établir des critères clairs et concrets qui reflètent les attentes de l’entreprise tout en tenant compte de la liberté d’expression des collaborateurs.
De même, il est recommandé d’informer les salariés du dress code avant leur prise de poste. Cette communication peut se faire par email, de préférence dès le premier contact avec le salarié. Dès l’entretien de recrutement ou lors de la préintégration, par exemple. Cela permet de clarifier les attentes dès le départ et de faciliter l’onboarding.
Le risque de discrimination
En dehors des métiers d’apparence, tels que ceux du spectacle ou de la mode, toute exigence de modification de l’apparence vestimentaire doit être justifiée par l’employeur en lien avec la nature de l’emploi. En effet, imposer des tenues spécifiques sans justification valable pourrait constituer une discrimination. Au même titre que la demande d’un CV avec photo exigée peut être problématique et entraîner des biais basés sur l’apparence.
En cas de discrimination, les collaborateurs et collaboratrices concerné·es ont la possibilité de porter plainte auprès du Défenseur des droits ou de saisir le Conseil des Prud’hommes. En tant que responsable RH, il est donc primordial de sensibiliser les équipes sur les enjeux de la discrimination liée à l’apparence physique et/ou vestimentaire.
Source(s) documentaire (s) :
Le physique de l’emploi, l’apparence physique est un critère de discrimination, le Défenseur des droits
Les chauffeurs de bus en jupe font le tour du monde, Ouest France
Articles L1121-1 et R4321-4, Code du travail