La montée en puissance des intelligences artificielles amène une transformation d’une ampleur inédite pour les entreprises. Cette transformation aura des impacts sur le travail et les RH. En particulier sur la manière de travailler, les compétences requises et l’évolution des métiers.
Les inquiétudes des salariés face à l’IA
Depuis quelques mois, des questions légitimes de la part des salariés remontent aux RH dans les entreprises sur :
- L’emploi : Quel impact l’IA va-t-elle avoir sur nos missions et nos emplois ? Est-ce que certains postes seront supprimés ? Des reconversions en interne seront-elles possibles ?
- Le modèle économique : Est-ce que nos concurrents pourraient nous devancer grâce à l’IA ? Faut-il faire évoluer notre modèle économique ? Que fait l’entreprise à ce sujet et quels seront les impacts pour les équipes ?
- L’éthique : si on utilise l’IA, quelles sont nos limites ? Que faire ou ne pas faire quand l’IA nous permet de faire plus de profits, mais que cela se fait au détriment des salariés ou des utilisateurs de notre produit/service ? Notamment en ce qui concerne la vie privée, les données personnelles, les biais face à la diversité, etc.
- L’impact environnemental : Au regard de la quantité astronomique d’énergie et de matières premières utiles au fonctionnement de l’IA, est-il normal d’inciter les équipes à l’utiliser alors même qu’on vise à réduire notre impact environnemental ?
Autant de questions qui arrivent aux RH ou à la direction, en direct, via le CSE ou en remontant des enquêtes internes. Et ce n’est probablement que le début, car bien d’autres sujets posent question dans l’utilisation des IA en entreprise.
Position RH et IA : quelle réponse apporter ?
Je considère que la fonction RH ne peut répondre à ces questions qu’après avoir consulté le CODIR ou le COMEX et exigé une prise de position. Car c’est à la direction de l’entreprise de donner la feuille de route avant tout. Ensuite, c’est sur cette base que les RH pourront décliner leur propre positionnement pour apporter des réponses concrètes (quand c’est possible) aux questions des salariés.
Si l’on prend l’exemple le plus sensible, à savoir celui sur les impacts sur l’emploi, on pourrait catégoriser 4 prises de position possibles :
- « On verra »
La position, c’est de ne pas prendre position. Souvent motivée par la complexité du sujet, cette posture consiste à dire qu’il est trop tôt pour savoir si et comment les emplois seront impactés. S’il y aura ou non des formations engagées. Voire d’éventuelles suppressions de poste. C’est rarement un positionnement souhaitable, mais il reste très répandu à ce jour. Pour les RH, c’est la position la plus dure à tenir face aux salariés, car il n’y a pas vraiment d’information ou de calendrier à donner. Ce qui crée de l’anxiété et potentiellement du désengagement.
- « On va traverser une tempête »
Ici, l’entreprise assume les impacts négatifs important qu’elle est déjà en mesure de prédire. Ceci tout en essayant de rassurer sur les efforts que l’entreprise pourra faire si elle en a les moyens. Cette position est celle des entreprises qui subissent de plein fouet la transformation de l’IA. Par exemple une entreprise de traduction de documents, dont le modèle économique est remis en cause par les outils d’IA qui remplacent l’humain en faisant beaucoup mieux et beaucoup plus vite. Pour les RH, cela s’apparente à entrer en gestion de crise.
- « On y travaille, on va s’adapter »
Dans ce cas, l’entreprise assume que tout ne sera pas rose, mais qu’elle va affronter la crise et essayer de préserver les emplois autant que possible. Pour les RH, l’important sera dans ce contexte de donner de la visibilité sur les prochaines étapes, et sur le temps nécessaire à la réflexion (par exemple : « pour les emplois de l’équipe marketing, nous nous donnons deux mois pour identifier les évolutions possibles »). Sans oublier de dire qui sera impliqué et à quel moment (managers, CSE, salariés eux-mêmes, etc.), et quelles actions seront envisagées (formation, reconversion, mobilité, etc.). Ce ne sera pas un long fleuve tranquille, mais prendre les devants permettra de ne pas subir cette transformation, et sera un peu plus rassurant pour les salariés.
- « On va gérer, et l’on garantit votre employabilité »
Dans cette dernière prise de position, l’entreprise affirme qu’elle ne laissera personne sur le bord de la route. Même si des métiers venaient à disparaître, l’entreprise s’engage à maintenir dans l’emploi tous ses salariés. Quitte à organiser et financer des reconversions en interne si besoin. De même, pour les métiers très impactés, mais pas menacés, l’entreprise s’engage à former proactivement et rapidement ses équipes. Côté RH, c’est une position plus confortable, mais pas simple pour autant : y aura-t-il assez de postes ouverts pour faire face aux mobilités et reconversions envisagées ? Y aura-t-il assez de budget pour former vite et bien tous les salariés qui en ont besoin ?
Le tout sans oublier l’articulation avec le droit du travail, qui implique de consulter les représentants du personnel dans ces situations, et de respecter les procédures légales lorsqu’il y aura des modifications des contrats de travail et des éventuelles suppressions de poste.
Les postures et les compétences des RH seront mises à rude épreuve pour, une nouvelle fois, conduire le changement et/ou faire de la gestion de crise. Qui a dit que la fonction RH n’avait pas un rôle stratégique ?
Pour réussir ces défis, quelques bonnes pratiques recommandées par les RH que j’ai pu interviewer :
- informez et formez-vous, pour avoir les moyens de bien comprendre et de mener ces changements ;
- impliquez les managers, à toutes les étapes, aussi tôt que possible ;
- sollicitez vos pairs, à savoir des RH d’autres entreprises, pour savoir quelles stratégies ils mènent de leur côté, et quels sont leurs premiers retours d’expérience.