Les relations au sein du lieu de travail peuvent parfois prendre une tournure inattendue, et l’une des situations les plus délicates est celle où une liaison amoureuse ou sexuelle se développe entre collègues. Outre les implications émotionnelles et personnelles, cela peut soulever des questions délicates sur les conséquences professionnelles. Alors, quels sont les risques potentiels lorsque l’on franchit la frontière entre la sphère professionnelle et personnelle au travail ?
La législation : ce qui est permis et ce qui ne l’est pas
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le sexe consenti entre collègues n’est pas explicitement interdit sur le lieu de travail, du moins du point de vue de la loi. En effet, le Code du travail ne mentionne, ni ne sanctionne, le sexe au bureau en tant que tel. De plus, l’employeur n’a pas le droit de s’opposer à une relation intime entre deux de ses salariés, conformément à l’article 9 du Code civil qui garantit le respect de la vie privée (“Chacun a droit au respect de sa vie privée.”).
“Chacun a droit au respect de sa vie privée.”
Article 9 du Code Civil
De la même façon, l’entreprise n’a pas le droit d’inclure une clause dans le contrat de travail, interdisant toute relation amoureuse sur le lieu de travail. Cela s’apparenterait à une discrimination sur la situation de famille, conformément à l’article L1132-1 du Code du travail.
“Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché”.
Article L1121-1, Code du travail
La parole est d’argent, mais le silence est d’or…
Cependant, la situation peut devenir délicate si cette relation entraîne un « trouble caractérisé dans l’entreprise ». Cela peut se produire si la relation interfère avec le bon fonctionnement de l’entreprise, si des comportements inappropriés ou des actes de violence sont constatés, ou si la relation est pratiquée de manière publique.
Dans de tels cas, l’employeur pourrait envisager des mesures disciplinaires. À noter que la sanction infligée aux employés doit être en adéquation avec les préjudices subis par l’entreprise, sans aucun signe de discrimination. Si un licenciement découle de ces circonstances, il doit être rigoureusement justifié afin de prévenir tout litige.
Outre les risques juridiques, il existe également des conséquences morales et sociales à prendre en compte. Une mauvaise réputation, des rumeurs, voire une mise à l’écart peuvent résulter de la divulgation d’une relation sexuelle entre collègues. Surtout si un rapport hiérarchique existe entre les deux personnes impliquées, la discrétion et la neutralité sont donc de mise pour préserver un environnement de travail sain et professionnel.
France vs États-Unis : comment ça se passe à l’étranger ?
Aux États-Unis, la politique est catégorique : les relations amoureuses sur le lieu de travail ne sont pas tolérées. Au risque de subir de lourdes conséquences…
Un exemple notable est celui de McDonald’s, où un code de conduite strict inscrit dans le règlement intérieur interdit aux employés ayant des liens hiérarchiques directs ou indirects de nouer des relations amoureuses ou sexuelles. Cette politique vise à prévenir les situations pouvant perturber le cadre de travail. En novembre 2019, Steve Easterbrook, ancien PDG du groupe, a été licencié pour avoir enfreint cette politique en entamant une relation avec un employé. La décision de licenciement, venant du conseil d’administration de la société, découle directement de sa relation amoureuse consentie au sein de l’entreprise et ne prend en compte que cette raison, sans considération des performances professionnelles de ce dernier.
McDonald’s n’est pas un cas isolé, plusieurs dirigeants américains ont déjà été confrontés à cette politique rigoureuse, largement répandue dans toutes les entreprises du pays. En 2018, le PDG d’Intel a été contraint de démissionner en raison de sa relation avec un membre du personnel, qui constituait “une violation de la politique de l’entreprise”. De même, Darren Huston, PDG du site d’e-commerce Priceline et de Booking.com, a été contraint de présenter sa démission en 2016, suite à une enquête interne qui a révélé qu’il entretenait une relation avec une salariée du groupe. L’enquête a conclu que cette conduite était « incompatible avec les attentes de la société sur la conduite à adopter de la part d’un dirigeant ».