Mal compris et complexe à mettre en application, le principe de non-discrimination entraîne parfois des actions contraires à l’objectif de diversité, voire illégales. Quels sont les pièges à éviter ?
La discrimination positive
« La discrimination positive est une discrimination », lance Mariam Khattab, responsable recrutement de Mozaïk RH. « Favoriser la diversité, poursuit-elle, c’est explorer le vivier de candidats le plus large possible ». Dès lors que l’on écarte une population au profit d’une autre, et cela même au nom de la diversité, il s’agit d’une discrimination. Mais le recrutement est un choix et toute entreprise est libre de « choisir » ses collaborateurs… du moment que ce choix est basé sur ses compétences, « et uniquement sur ses compétences », insiste la responsable de recrutement.
La théorie est claire, la loi stricte. Mais dans la réalité, les préjugés vont bon train et sont difficiles à déconstruire : trop vieux pour représenter le dynamisme de l’entreprise, pas assez séduisante, habite trop loin et risque d’être en retard, a fait des études universitaires et non une Grande Ecole. Dès lors que le critère de sélection – ou de mise à l’écart – n’est pas objectif, il s’agit d’une discrimination. Au nom même de l’égalité homme/femme, si l’on écarte les candidatures masculines par souci de rééquilibrage, il s’agit de discrimination. Entre obligation juridique, tabou, objectif de performance et cas de conscience, le management de la diversité a parfois du mal à se frayer un chemin.
L’évaluation de la diversité
« Evaluer la diversité, ce n’est pas compter les personnes issues de la diversité, mais évaluer les actions menées sa faveur dans l’entreprise », explique Mariam Khattab. Pour obtenir le label diversité de l’AFNOR, il faut être capable de mesurer la diversité de son entreprise. Plusieurs entreprises sont tombées dans le piège des quotas.
Selon le dernier baromètre de la Halde, les critères de discrimination les plus fréquemment cités par les salariés du privé et du public restent l’origine ethnique, l’apparence physique, l’âge, le sexe, la grossesse et la maternité. Faudrait-il donc connaître ces données et leur représentation au sein de l’entreprise pour en mesurer son efficacité ? Non. Recueillir de telles informations est interdit par la loi. La Halde a interrogé les sondés sur les solutions à mettre en place pour limiter les discriminations dans l’entreprise. Parmi elles : la réalisation d’enquêtes anonymes sur les parcours professionnels selon l’origine des salariés. L’idée n’a pas convaincu. Encore moins populaire : la publication, dans le bilan social, de données chiffrées sur les rémunérations en fonction d’un certain nombre de critères.
« L’entreprise doit se poser la question suivante : que fais-je, en terme de recrutement, de formation et d’évolution de carrière pour que ma population soit représentative de la société ? » Que fais-je… et non combien ? « Si l’entreprise fixe des quotas, des objectifs chiffrés, elle n’est pas prête ou n’a pas de réelle volonté », conclut la responsable des recrutements. « La diversité est un état d’esprit. Elle doit être intrinsèque aux process de l’entreprise ».
Pénaliser la discrimination
Faut-il inciter à la diversité par la peur du gendarme, la menace de la punition ? De nombreuses victimes de discrimination restent encore muettes, mais la diversité semble sortir, peu à peu, du champ des tabous : « les salariés du privé indiquent en parler de plus en plus à leur direction », lit-on dans les conclusions du baromètre de la Halde. Paradoxalement, c’est le supérieur hiérarchique direct qui est le plus fréquemment cité comme l’auteur des discriminations vécues et observés.
Mais le dialogue n’apparaît pas suffisant. Les salariés sondés se disent favorables à la mise en place de sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas le principe de l’égalité homme/femme et réclament une évaluation des procédures de recrutement. Autre solution classée parmi les plus efficaces : la mise en place d’une cellule indépendante « chargée de surveiller l’égalité salariale et d’apporter une aide concrète aux victimes ».
Typhanie Bouju