Bienvenue dans le dixième épisode de la saison 1 de T’as raté le coche, intitulé : « Quand les salariés auront accès aux salaires de leurs collègues ».
Dans cet épisode, nous plongeons dans une question brûlante du monde du travail : la transparence des salaires et ses implications. Comment réagira le monde professionnel lorsque chaque collaborateur aura accès aux rémunérations de ses collègues ? Quels seront les impacts sur la culture d’entreprise et la gestion des ressources humaines ?
Pour explorer ces thèmes, nous accueillons Christophe PATTE, fondateur de myRHline.com, et Jonathan Salmona de Shodo. Ensemble, ils discutent des défis et des opportunités liés à la transparence des salaires, une pratique déjà mise en œuvre chez Shodo. Rejoignez-nous pour cette conversation fascinante qui met en lumière les enjeux actuels dans le nouveau monde du travail.
S01 E10 : Quand les salariés auront accès aux salaires de leurs collègues
Christophe : Bonjour, je suis Christophe PATTE, fondateur du média myRHline.com dédié au monde des ressources humaines. Bienvenue dans « T’as raté le coche », le podcast qui décrypte l’actualité et les tendances du nouveau monde du travail. Dans cet épisode, on va se demander ce qui se passera quand l’ensemble des collaborateurs auront accès aux salaires de leurs collègues. Et pour répondre à cette question, j’ai invité Jonathan Salmona, de Shodo. Car chez Shodo, malgré le fait qu’il s’agisse d’une ESN, l’ensemble des rémunérations sont affichées, y compris celles des dirigeants. Je vous emmène voir Jonathan, c’est parti ! Bonjour Jonathan.
Jonathan : Salut Christophe !
Christophe : Alors, c’est quoi ce Shodo ?
Jonathan : C’est une ESN, mais ce n’est pas une ESN comme toutes les autres, puisqu’en fait, on a fait le choix d’avoir opté pour un modèle inédit qu’on a imaginé avec Guillaume, mon associé, et qui est basé sur des piliers assez simples : la justice sociale, la redistribution et la transparence.
Christophe : Alors, tu viens d’où ? C’est quoi ton parcours pour qu’on comprenne un peu tout ça ? (…)
Jonathan : Écoute, moi mon parcours est simple, j’ai toujours bossé dans la Tech. Ça fait 20 ans que je suis dans ce secteur-là. Et en fait, l’épiphanie est arrivée à un moment où, en tant que manager, je me suis rendu compte qu’il y avait un turnover qui était complètement ouf ! Puis que le turnover dans le secteur c’est 30 % à peu près et je trouvais qu’on ne faisait pas ce qu’il fallait, tous autant qu’on était, pour essayer d’apporter une réponse à cet enjeu. Et l’enjeu, globalement, c’est qu’avec du turnover, tu ne peux pas faire ton métier comme il faut puisque t’as du coup des clients qui vont avoir de la frustration. Parce qu’à partir du moment où ils vont aborder des profils et que les profils commencent à devenir plus productifs et qu’ils partent, t’as cette frustration. Tu as une frustration aussi au niveau des salaires pour les salariés puisqu’on est dans un secteur qui est super porteur mais dans lequel malheureusement, il y a toujours le sentiment de ne pas être rémunéré à la hauteur de ce que les gens pourraient.
Christophe : Alors moi je connais bien le sujet parce que j’ai commencé ma carrière dans ce monde-là. J’ai bossé chez CMG à l’époque qui a ensuite été racheté par Logica. J’étais consultant à l’époque et j’étais payé en toute transparence en consultant SAP HR, 3 005 par mois. Et j’étais facturé entre 900 et 1 200 € jour. J’ai tout de suite eu cette réflexion de me dire : putain, les mecs qui font 20 000 balles sur ma tronche… Et du coup je suis parti, je me suis mis à mon compte en fait, tu vois.
Jonathan : Tu vois, tu m’as demandé quelle avait été globalement mon épiphanie. Mon épiphanie c’est justement de dire que si tu veux apporter une réponse concrète au turnover, notre notre angle ça a été d’y apporter une réponse sociale, c’est-à-dire : comment est-ce que tu peux redonner du sens au salariat en ESN, qui est un milieu super connecté comme tu viens de présenter, et ça a été justement de les faire revenir en mettant au cœur d’un modèle la transparence des salaires, une juste redistribution des profits et davantage de justice sociale.
Christophe : Alors du coup pour revenir à cette question de la transparence des salaires, on a entendu parler de la directive européenne qui arrivait en mars avril, qui fait qu’en fait tous les États membres vont devoir faire preuve d’une plus grande transparence au niveau des salaires en interne. C’est-à-dire que les collaborateurs, à terme, pourront demander grosso modo les salaires de leurs collègues. T’as vu passer ça?
Jonathan : Alors je vais être sincère, non, je ne l’ai pas vu passer. J’en ai entendu parler en préparant l’épisode mais non, je n’en avais pas entendu parler. Mais pour nous, il nous semblait évident que ça faisait partie des réponses à mettre en place pour traiter ce problème.
Christophe : Alors initialement la directive européenne a touché un point sensible, l’égalité femmes-hommes. Évidemment, puisque ça fait des années que l’Europe pousse les États membres vers cette égalité, qu’on se rend bien compte qu’en fait c’est du bullshit. Personne ne le fait réellement. Bon, il y a quelques indicateurs, il y a des tableaux de bord à respecter mais bon, ça ne va pas assez vite. Donc avec cette directive, l’objectif c’est de ne plus être dans la contrainte sans pénalité, c’est d’avoir des pénalités fortes et d’être dans une contrainte où on va inverser les rôles puisque le salarié qui s’estime discriminé pourra attaquer l’entreprise.
Jonathan : Ok.
Christophe : C’est ça qui va être mis en place à terme. Aujourd’hui on entend peu parler, alors ça fait froid dans le dos des DRH qui savent que ça va arriver. Il y a deux ans de mise en application pour que ça arrive en France mais ça va arriver. Donc pour faciliter les rapports pour limiter les diversités ça aura donc un impact sur le recrutement. Ça aura un très très fort impact en interne, notamment sur un point qui va te parler. Ça fait deux ans que c’est un peu la galère de recruter un peu partout. Il y a des boîtes qui ont pris le parti de prendre le risque de recruter des collaborateurs plus chers que leurs collaborateurs en interne. Ces boîtes-là clairement sont dans la merde.
Jonathan : Alors en fait du coup c’est intéressant ce que tu viens de dire, et moi pour rebondir dessus, tu vois, je trouve que c’est effectivement une très bonne chose de mettre en place la transparence des salaires. Mais je trouve que mener une conduite du changement de manière coercitive, violente, avec de la menace, ce n’est pas comme ça que tu vas impacter. Ce n’est pas comme ça que tu vas prendre des chefs d’entreprise par la main pour leur donner envie de le faire. Nous on l’a fait. Et je pense que le plus efficace c’est la preuve par l’exemple. Et du coup quatre ans après, car on a fondé Shodo en 2019, et notre transparence des salaires, on l’a rendue publique, nos grilles sont publiques. Donc toutes les grilles des consultants sont publiques, les grilles du staff sont publiques, les grilles des dirigeants sont publiques, mon salaire est public. On a même encadré statutairement nos salaires de dirigeants par trois. Donc on ne peut pas gagner trois fois plus que la plus petite rémunération. Et du coup mon retour (…) c’est super positif, tu vois, déjà en termes d’efficacité. On avait fait une stat’ avec avec Guillaume en milieu d’année 2023 mais tu vois on a dû remettre 106 propal’, on en a gagné 100. Et on est en ESN, donc c’est super super compétitif. Il y a plein d’autres choses aussi (…)
Christophe : Tu veux dire que ça joue aussi sur ton business.
Jonathan : Ça joue sur l’efficacité de ton business, ça joue sur ta culture d’entreprise puisque du coup la négociation salariale je pense que c’est l’entretien le plus le plus complexe, le plus compliqué pour les salariés. Et nous on a mis en place la transparence des salaires mais basée sur une grille qui en fait avec une progression d’environ 5 % qui est automatique et du coup le retour d’expérience qu’on a, c’est que tu ne favorises plus du coup indirectement la ou le meilleur négociateur, puisque ce sont en général ceux qui avaient les meilleurs avantages dans un fonctionnement classique.
Christophe : Mais tu favorises pas non plus le meilleur salarié.
Jonathan : Ben si, parce qu’en fait on a un fonctionnement un peu complémentaire. Alors déjà du coup, ça c’est intéressant ce que tu dis, parce que moi je trouve que la méritocratie, la pensée méritocrate, elle a des limites parce que « meilleur » ça veut dire quoi, déjà ? On est deux à table, je pense qu’on aura probablement deux définitions différentes (…)
Christophe : Je pense en exemple à un consultant, tu vois, qui va être en clientèle qui va faire son taff très bien. Et à côté celui qui va être en clientèle qui va faire son taff et qui en plus va ramener du chiffre supplémentaire.
Jonathan : Non mais j’entends, mais en fait, faire son taff ça veut dire quoi? Pour moi, si tu demandes à un manager de juger le travail d’un développeur il va te dire quoi ? « C’est celui qui communique le mieux, c’est celui qui code le plus vite… » Tu demandes un dév’, il va te dire quoi? « C’est celui qui fait le plus de tests, qui a le meilleur design… » Tu demandes un manager d’ESN, il va te dire : « C’est la personne qui n’est jamais en inter-contrat (…) ». Il y a tellement de référentiels différents que c’est très compliqué d’établir un consensus sur la base « être meilleur que » . Ce qu’on a fait, nous, c’est qu’on a pris un critère qui est très simple, c’est la redistribution, qui est le chiffre d’affaires. On s’est dit : on prend une marge qui est fixe, à partir du moment où la marge, où l’objectif qui est de 25 000 en moyenne est atteint, tout le reste, on le redistribue. Donc du coup le critère, le game changer, c’est ton c’est le taux journalier, c’est les honoraires dans le milieu. Et donc à partir du moment où c’est clairement ça on va aider nos membres à maximiser leur TJ. Voilà. Et en fait, à partir du moment où les critères différenciants sont extérieurs à l’entreprise, c’est ok. Et c’est ça qu’on a voulu mettre en place.
Christophe : Et qu’est-ce que tu fais contre un candidat qui te dit qu’il n’y a pas de négo’ possible ? Même à l’entretien.
Jonathan : Il n’y a pas de négo’ parce qu’en fait on a couplé notre approche de transparence des salaires, quelque chose que tu connais je pense en tant qu’RH, on fait de l’inbound. On fait des demandes et donc en gros l’idée c’est quoi ? C’est qu’on va publier suffisamment de contenu qualifiés et complets pour faire en sorte que nos candidates et nos candidats puissent nous avoir nous avoir découvert avant de postuler. Donc du coup, notre modèle est connu, notre grille est connue, le fonctionnement est connu, la culture d’entreprise est connue, il n’y a pas de loup. Et donc en fait les gens qui viennent négocier savent qu’il n’y a pas de place. Soit ils postulent pas, soit ils et elles le font mais ce n’est jamais arrivé et on leur dira non. Parce qu’en fait il faut faire attention, il faut faire le distingo. On est dans un métier de facturation. Donc le salaire fixe n’est pas le revenu total que vont percevoir nos membres puisque comme j’expliquais tout à l’heure, il y a une redistribution de la marge excédentaire sous trois formes : des bonus et du temps libre pro’ et perso’.
Christophe : Oui, qu’on peut voir sur le site où tu peux convertir même des primes en congés, avoir des congés supplémentaires.
Jonathan : C’est ça. Et, surtout — parce que tu vois on est quand même dans un milieu, les ESN, on parle de taux de staffing, de marge, de TJ, en vrai, personne ne sait ce que c’est, comment ça se matérialise in fine —, c’est pour ça qu’on a mis en place un simulateur qui est public et en fait en gros l’idée, tu vois, les gens vont pas venir nous dire : je voudrais gagner plus. Ils savent que si par exemple tu es senior et tu factures 800 € jour à dix ans d’expérience sur Paris, tu sais exactement ce que tu vas gagner. En fait, la conclusion c’est que pour gagner plus il faut soit augmenter ton TJ en étant chez le même client et pour ça il faut que tu sois capable de faire percevoir la valeur que tu que tu apportes, soit de changer et d’aller facturer plus, mais en fait on fait du service. Donc on n’est pas là non plus pour véhiculer une mentalité de mercenaires en fait.
Christophe : Donc en fait, tu fais le tri à l’entrée aussi par cette grille au niveau candidat comme tu l’as dit. Si ça convient pas à la candidate ou au candidat, de toutes façons il ne va pas venir. Fin de l’histoire. Donc tu tu prends des gens qui rentrent dans ta culture d’entreprise, qui est très entendable. Est-ce que ça a un impact, cette culture d’entreprise, sur ta capacité justement à fidéliser les gens qui seront chez toi ? Est-ce que tu as pu te rendre compte en trois ou quatre ans de cet impact ?
Jonathan : Oui, juste avant de te répondre, un dernier mot sur sur le début de ta question, sur le fait que ça nous permet de trier. En fait, on part du principe que bien rémunérer les gens bien et les rémunérer tout de suite et donner tout ce qu’on peut tout de suite, ça c’est notre culture justement. Et donc c’est normal de le faire. Maintenant, ce qu’on dit aussi, c’est en fait, on ne veut pas que les gens viennent chez Shodo pour bien gagner leur vie (…) nous, on est venu proposer une alternative au modèle freelance qui est super cool, qui a plein d’avantages. Mais à titre personnel, je pense que 70 % des gens qui passent freelance le font parce que c’est le moins mauvais modèle, pas parce que c’est le meilleur. Et on voulait apporter une alternative salarié avec des cotisations, une communauté, une entreprise, un service à la personne, etc. Maintenant pour ta question…
Christophe : Est-ce que ce modèle, cette culture d’entreprise ont un impact sur la fidélité ?
Jonathan : Oui, parce qu’en fait, toujours au niveau de la preuve, par exemple, nous existons depuis 2019 et en quatre ans, sur quatre filiales — Shodo Lyon, Shodo Nantes, Shodo Studio et donc Paris originellement —, on a eu quatre départs.
Christophe : Sur combien de personnes ?
Jonathan : Plus de 100, mais en fait, ça veut dire qu’en moyenne, à un départ par an, là où, comme je le disais tout à l’heure, en ESN, le turnover, c’est 30 % tu vois. Donc on est très très très en deçà. Alors après moi, j’entends qu’on puisse dire : Minute papillon, ça fait cinq ans que vous existez, on en parle dans dix ans. Mais simplement, tu vois, à partir du moment où t’as fait une redistribution, tu opères une redistribution des profits en rémunération, en temps (…) Je ne l’ai pas dit mais on a aussi ouvert le capital, donc tous nos salariés, toutes nos salariées qui le souhaitent ont pu accéder au capital pour un prix qui est super super correct parce que je crois que le droit d’accès c’était 100 €, 102,30 €, quelque chose comme ça. Donc tu vois, on a quand même suffisamment d’éléments pour te dire qu’on est confiant dans le fait qu’on aura un modèle qui proposera plus de rétention naturellement que le modèle classique des ESN. Et puis, dernier élément, qui montre qu’en fait on est vraiment dans le vrai, c’est qu’en 2020, on a rendu notre modèle l’entreprise open source. On a publié un manifeste qui est public évidemment, mais qui comprend toutes nos données, tous nos fonctionnements, et cetera. Parce qu’en fait, on voulait qu’une nouvelle génération d’entrepreneuses et d’entrepreneurs puissent nous copier et même nous dépasser, puisque le sens de notre action, c’est mettre les gens bien, mais aussi de montrer qu’une autre voie est possible dans les ESN.
Christophe : Alors c’est intéressant ce que tu dis. J’allais te poser la question : c’est faisable quand tu vas entreprendre de créer une structure. Mais si tu prends une boîte de 300 personnes qui voudraient rejoindre ce modèle, c’est plus complexe, non ?
Jonathan : Ouais, je suis d’accord avec toi, je suis d’accord avec toi. Néanmoins, pour moi, on va dire que les milestones sont les mêmes, c’est-à-dire qu’il faut basculer vers davantage de transparence, il faut basculer vers davantage d’équité. Maintenant tu vois, c’est comme le petit hors-bord et le paquebot. Le hors-bord il va tourner assez facilement, et le paquebot mettra plus de temps, je suis d’accord avec toi.
Christophe : Mais c’est exactement ce qu’on va avoir comme situation avec cette fameuse directive européenne qui va contraindre, comme tu disais tout à l’heure, contraindre les dirigeants à rentrer dans ce moule de la transparence des salaires alors qu’effectivement c’est pas leur modèle, c’est pas un choix. Mais bon après, on ne va pas se leurrer : ça fait 20-25 ans que je suis dans les RH, que je suis cet écosystème et la plupart des choses ont bougé via la contrainte en France.
Jonathan : Mais oui, mais en fait je pense que de le faire de manière, encore une fois, contraignante, ton changement, tu vas le conduire de manière beaucoup plus lente. Moi, je pense qu’il n’y a qu’un seul indicateur finalement qui compte et qui montre que t’es dans le vrai ou pas, c’est le turnover. Tu peux mesurer tout ce que tu veux. Au bout du bout, l’indicateur le plus important, c’est ton turn et indirectement, c’est ta capacité à recruter. Quand t’as un turn qui est haut, et que t’as du mal à recruter, c’est que ton modèle n’est pas efficace et il y a quelque chose qui ne va pas bien. Quand il est bas et que tu recrutes très facilement, c’est que ton modèle est normal. Et je pense qu’à un moment donné, le message, ce n’est pas la direction européenne qui l’envoie. Le révélateur, c’est juste que tu as un modèle qui arrive à des limites. Et ça fait des années et des années qu’on en est là.
Christophe : Oui, enfin il ne concerne pas que la rémunération. Aussi la non-discrimination…
Jonathan : Ça, c’est la justice sociale. Donc en fait, tout ce que tu peux faire pour aller vers davantage de justice sociale va te permettre de mieux recruter et de moins perdre de gens.
Christophe : Alors, t’as combien d’hommes, femmes chez toi ?
Jonathan : Eh bien écoute, on est très très en retard, nous, parce qu’on appartient à la Tech et on fait face à un vrai problème de mixité et d’inclusion. Donc pour répondre à ta question aujourd’hui, je pense que sur l’ensemble du groupe Shodo on est à 12, 13 %. Il doit y avoir 13 développeuses sur une centaine de personnes. Mais par contre, depuis six mois, on a doublé le nombre de candidatures féminines. Tu sais comment on a fait ça ? En fait, on a fait ça en publiant des mesures inclusives à l’initiative d’un groupe chez nous qui s’appelle La shororité, donc la sororité version Shodo. Et c’est un groupe qui se réunit en non-mixité. Donc c’est un groupe de de salariés féminins qui a mis en place tout un tas de mesures au rang desquelles tu vas retrouver le congé menstruel, tu vas retrouver le congé second parent rendu obligatoire et financé dès la première année. Et puis aussi, entre autres, la prime de maintien de salaire du conjoint. C’est-à-dire que tous nos salariés féminins peuvent toucher une prime qui est équivalente au plus haut niveau de salaire fixe chez Shodo pour leur conjoint(e) à partir du moment où on arrive à attester que la personne a posé son congé second parent.
Christophe : Est-ce que c’est réaliste dans un secteur, d’atteindre une égalité femmes-hommes, sachant que j’imagine que, comme dans tous secteurs, il y a des secteurs où il y a plus de femmes, des secteurs où tu as plus d’hommes ? Est-ce que des fois c’est un peu se battre…
Jonathan : En fait, je pense que ta question, je la comprends. Plutôt que réaliste, je vais plutôt remplacer par difficile, ça va être un long chemin. En fait, on ne va pas tout résoudre au niveau local, nous, les ESN, parce que c’est un problème de culture, un problème d’éducation, un problème de mentalité. Par contre, je pense que nous, en tant qu’entrepreneur, on a la responsabilité de dessiner un futur qui est plus stylé. Et je pense que d’aller faire revenir davantage de de femmes dans les ESN, voire dans la Tech, c’est aussi le sens de l’histoire.
Christophe : Oui. Alors, tu as des DRH qui vont opposer que le congé menstruel, c’est une discrimination ?
Jonathan : Oui, en fait, moi la seule réponse que j’ai, tu vois, c’est que, cette mesure, déjà, ce n’est pas nous, dirigeants, Jonathan et Guillaume, qui l’avons pensé. Nous, on a fait confiance et on a laissé un groupe de salariés féminins décider ce qui était mieux pour elles. Et en fait, ce qu’on constate juste, c’est encore une fois preuve par l’exemple, c’est que six mois après, on double le nombre de candidatures féminines. (…)
Christophe : Un fort impact sur la marque employeur.
Jonathan : C’est un premier élément que je donne à ces DRH-là. Ensuite, moi, je pense que les congés menstruels, c’est un outil. Et donc l’idée, c’est d’utiliser le bon outil au bon moment. Tu vas pas prendre une scie pour visser un clou dans un mur. Donc c’est un peu ça l’idée. Je pense qu’il faut s’ouvrir à plus d’outils. Les réunions en non-mixité c’est un outil, les congés menstruels, c’est un outil et après tu regardes le résultat, tu pivotes en fait.
Christophe : Quels conseils tu donnerais, justement, aux boîtes qui disent : Bon ok, notre modèle, il est un peu sur le déclin. Il faut qu’on soit plus transparent. Comment on passe d’un modèle un peu dinosaure à un modèle plus efficient, plus actuel, où on offre autant de transparence aux candidats, aux salariés. Comment on peut opérer ?
Jonathan : Je pense qu’il y a beaucoup de réflexions en cours dans le monde du travail qui sont super passionnantes et qui en fait sont toutes tournées vers le même objectif qui est par exemple un meilleur équilibre vie professionnelle vie personnelle. Ça, c’est une vraie revendication qui est vraiment, vraiment actuelle. Je pense que ça fait partie aujourd’hui des changements qui s’opèrent dans le monde du travail. Les gens, ça fait 20, 30 piges qu’ils vont au boulot. Tu remarques que… Tu vois, j’ai vu une statistique qui m’a fait halluciner. Il y a 93 % des salariés qui sont désengagés. C’est complètement ouf ! Et en fait, les gens sont désengagés parce qu’ils se retrouvent plus, il n’y a plus de sens dans le monde professionnel aujourd’hui. Malheureusement, le monde professionnel, l’objectif, c’est d’aller maximiser les revenus, la marge (…) Et moi, je pense qu’un des conseils, c’est de pouvoir écouter les revendications des salariés. Les gens ont besoin de plus de temps. Tu remarques que quand tu donnes du temps, t’as des gens qui sont mieux dans leurs baskets, qui ont de meilleurs résultats, tu as moins d’absentéisme, tu recrute mieux… Voilà.
Christophe : Ok, alors, qu’est-ce que tu dirais à un DRH qui justement ne devrait pas rater le coche dans les années à venir ?
Jonathan : C’est compliqué, moi, j’ai envie plutôt de lui dire qu’il y a des solutions qui existent et que les boîtes qui vont rater le coche vont prendre du turnover. Parce qu’en fait les salariés, ils iront là où c’est cool. Et aujourd’hui, je pense qu’il y a beaucoup d’initiatives qui sont en train de rendre le monde du travail plus cool, surtout dans la Tech.
Christophe : Merci Jonathan.
Jonathan : Je t’en prie, c’était cool.