Les vacances estivales sont déjà loin, l’automne a pointé le bout de son nez, souvent la reprise rime avec doigt dans la prise. Mails, visio, teams, zoom, agenda, rendez-vous et autres réunions s’accumulent et s’enchainent, nous avons replongé à pieds joints dans les tracas quotidiens. Pourtant, cet été nous avions apprécié de lâcher prise.
Si au sens littéral « lâcher prise » semble simple à comprendre, au quotidien il se révèle complexe à mettre en pratique. Nous avons tous, dans le cadre professionnel, relationnel, personnel, des résistances et des difficultés à lâcher prise, alors même que vouloir tout contrôler, être irréprochable, performant, ne pas se montrer faible, nous prive du bonheur.
On ne peut pas vivre en permanence les doigts dans la prise, il faut bien lâcher la prise. Pourtant, les outils numériques, la surconsommation digitale, l’infobésité et la pression de la performance nous poussent tout droit dans cette direction. Il est loin le temps des vacances, ce temps de repos qu’on avait bien mérité. Et si le lâcher-prise avait sa place au quotidien ?
Qu’est-ce que le lâcher-prise ?
Pour comprendre la définition d’un mot, il suffit parfois de lui chercher des synonymes. Voici un jeu que j’adore proposer en entreprise comme en école supérieure car il permet non seulement d’enrichir notre vocabulaire, mais surtout de donner un nouvel angle à un mot.
Les synonymes de lâcher seraient donc : détendre, desserrer, cesser de retenir, rendre moins tendu, laisser s’échapper, laisser glisser.
De l’anglais let go, lâcher prise serait finalement comme le chantaient les Beatles « Let it be » c’est-à-dire « laisse aller’ » et pour cause, le lâcher-prise est une attitude qui invite à se libérer d’une dose de stress, d’anxiété ou de pression qu’on s’impose à soi-même. Lâcher prise serait donc apprendre à remettre les situations et les problèmes en perspective et les ramener à leur juste valeur. En d’autres termes, renoncer à tout contrôler au profit d’un bien-être retrouvé. Le lâcher-prise serait donc le cerveau qui arrête de ruminer, de se tendre et de se mettre en overdose d’auto jugement.
A l’inverse, le contraire de lâcher prise serait : s’agripper, s’accrocher, s’acharner, se cramponner, serrer, tendre. Voyez, grâce aux synonymes, l’urgence de lâcher prise pour gagner en mieux-être.
Selon votre situation, vous vous dîtes peut-être : Comment laisser aller, quand je vois…
- la montagne de mails que je reçois chaque jour,
- le nombre de visios que j’enchaîne,
- les dossiers qui s’empilent sur mon bureau,
- le nombre de clients à relancer,
- le nombre de candidats à recevoir,
- les fiches de paie à traiter,
- la quantité de réclamations à considérer,
- de comptes rendus à envoyer etc. Ouch !
Et si lâcher prise au travail c’était simplement prendre sa santé mentale en considération.
Les 6 fausses idées qu’on se fait du lâcher prise
Nous évoluons dans un contexte où la performance est partout, au travail, dans l’éducation, dans le couple et même dans les loisirs : il faut être bon. Mais à force de devoir être performant en tout, de s’imposer inconsciemment une obligation de perfection, on ne montre rien, on ne dit rien, on laisse l’esprit mouliner et la pression s’accumuler.
Les principales erreurs que nous faisons sont souvent de l’ordre de l’auto jugement. Nous avons tendance à associer le lâcher-prise à de fausses idées comme :
- Ça va passer
Faux ! Lâcher prise ne signifie pas qu’il s’agit simplement de ne plus penser à un sujet pour qu’il s’évapore. Malheureusement le cerveau continue à mouliner et les émotions négatives ont tendance à s’imprimer et à prendre beaucoup de place.
La première chose consiste à reconnaitre le sujet qui vous préoccupe, mais faire le choix volontaire de ne pas le ruminer afin de ne pas contaminer votre esprit. Nous avons la fâcheuse tendance à nous raconter des scénarios négatifs qui cristallisent notre mental et nous empêche d’avancer. Ne pas reconnaitre un problème c’est comme l’ignorer, lui fermer la porte au nez et prendre le risque qu’il revienne sans y être invité, avec perte et fracas. Il est important de reconnaitre que quand quelque chose va mal ou nous préoccupe, cela ne signifie pas qu’il est impossible d’être heureux tant que le sujet n’est pas réglé. La vie continue, d’autres sujets avancent correctement, d’autres domaines de votre vie vous apportent satisfaction. Non, votre souci ne va pas se dissoudre comme par enchantement, mais vous avez le droit de mettre votre attention ailleurs et d’offrir du repos à votre cerveau.
- Je prends sur moi
Faux ! Se dire qu’on ne peut pas se permettre de lâcher-prise tant que le sujet n’est pas résolu, tant que le problème n’est pas solutionné, tant que le dossier n’est pas finalisé, est une erreur.
Evitez les « je suis dans un tunnel de boulot, je dois m’accrocher et prendre mon mal en patience jusqu’aux prochaines vacances ». Attendre qu’arrivent les vacances pour reposer son esprit et recharger les batteries c’est comme se mettre EN APNEE dans son boulot en attendant les congés. Alors que c’est l’inverse, tout ce qui peut vous apporter de l’oxygène est bon à prendre pour justement finaliser ce dossier et tenir le coup jusqu’aux vacances. La vie doit être agréable tous les jours, nager, lire, marcher, faire du sport, cuisiner, le temps c’est de la vie. 😊 C’est en posant des limites passé 18h, c’est en profitant pleinement des week-ends, qu’on habitue notre cerveau à lâcher prise avec le boulot. Sinon chaque jour, chaque semaine, il y aura toujours une bonne excuse pour ne pas lâcher prise.
Honorez ce déjeuner, honorez votre séance de yoga ou de boxe, honorez ce match de vos enfants, même si votre esprit est préoccupé par un sujet, la vie continue et toutes actions oxygénantes petites ou grandes maintiennent votre équilibre psychique.
- On va croire que je suis désengagé
Faux ! Lâcher prise, ce n’est pas être paresseux, ce n’est pas être moins impliqué, ni moins engagé. On peut lâcher prise et être engagé dans la réussite des projets de l’entreprise, dans la satisfaction des clients mais accepter que nous ne pouvons pas tout contrôler, certaines choses ne dépendent pas de nous. Il s’agit de faire la part des choses entre :
- ce qui nous appartient/ ce qui ne nous appartient pas,
- ce qui est de notre responsabilité/ ce qui ne l’est pas,
Il y a donc une qualité de discernement qui permet de lâcher prise. Vous avez le droit de rentrer chez vous et de débrancher le mental avec ce qui se passe au travail. Ce qui signifie désactiver vos notifications et ne pas consulter vos mails par exemple.
- A partir de maintenant, je m’en fous
Faux encore ! Le lâcher-prise ne signifie pas qu’on se désintéresse de tout et qu’on ne répond plus aux sollicitations. C’est là une erreur de jugement, lâcher prise ce n’est pas laisser tomber, ne plus de soucier et encore moins envoyer tout promener. Il s’agit plus simplement d’alléger son mental, prendre de la hauteur sur une situation, un conflit, un dossier au lieu de bouder, de se fermer à l’échange ou de ne plus aborder un sujet litigieux..
C’est une communication assertive qui vous permettra d’exprimer à l’autre vos ressentis, votre écoute et votre respect.
- Hors de question de lâcher le morceau
Certains diront que c’est de la ténacité ou de la détermination de ne pas lâcher le morceau, oui mais à quel prix ?
Faut-il s’acharner sur son idée, son principe ou se préserver ? Nous avons le choix. Lorsque persister devient une source de souffrance, il est temps de reconsidérer notre approche. Parfois, lâcher prise est une sage décision.
- Je ne veux pas montrer de signe de faiblesse
Faux ! Lâcher prise ce n’est pas j’ai tort et l’autre a raison, ni je le laisse prendre l’ascendant sur moi. Lâcher prise s’applique donc également à toute situation relationnelle où le désaccord ou le pardon sont en jeu. Dans certaines situations, on se dit « Pardonner, ça, jamais ». On pense à tort que pardonner est un acte de faiblesse alors que pardonner c’est lâcher prise et se faire un cadeau à soi. A l’inverse, ne pas pardonner c’est comme du charbon qu’on tient dans la main et qu’on ne veut pas lâcher. On pardonne pour SE sentir mieux et non pour que l’autre se sente mieux. On pardonne pour donner à nouveau. Pardonner VS pour-donner, vous voyez le concept ?
C’est pareil lors d’un désaccord : s’accrocher, s’agripper à son point de vue oui mais à quel prix ? Lâcher prise sur un désaccord c’est faire preuve de discernement et non de faiblesse ou d’échec. Cela évite d’installer le conflit.
Comment lâcher prise ?
La base du lâcher prise, c’est partir de la réalité, voir la situation de façon réaliste et prendre de la hauteur. Pour cela quelques pistes peuvent vous y aider.
👉 Se poser quelques questions et comprendre son mode de fonctionnement :
Lâcher prise est un travail de l’ombre, qui consiste à accepter d’être contrôlant. Bien souvent le fait d’être dans le contrôle est une stratégie de protection.
Qu’est-ce que je veux contrôler ?
A quoi je résiste ?
De quoi j’ai peur ?
Quelle situation je veux éviter ?
👉 Essayer la relaxation
Si nous avons du mal à lâcher prise c’est aussi souvent par ce qu’on pense trop : on se met en overdose de réflexion. Il y a les hypersensibles et il y a aussi les hyper cérébraux, pénalisés dans leur quotidien par des ruminations permanentes qui les empêchent d’avancer et ralentissent leur passage à l’action ou leur prise de décision.
Pour développer le lâcher-prise, certains exercices permettent de relaxer le mental comme la cohérence cardiaque. Le cœur étant lié au mental, si je repose mon cœur, je repose ma tête 😊 Vous pouvez également essayer la méthode 555.
5 secondes d’inspiration, 5 secondes d’expiration pendant 5 minutes.
👉 Changer de discours intérieur
Le discours intérieur, c’est le monologue qu’on entretient avec soi-même.
Quand on a une préoccupation, une situation problématique sur laquelle on n’arrive pas à lâcher prise, on a tendance à tourner le sujet en boucle. Le lâcher-prise consiste donc à avoir conscience qu’on s’accroche à un sujet, qu’on est tendu sur un sujet. Passez l’étape de prise de conscience, il s’agit d’agir et de se dire que ça suffit, qu’il est temps de passer à autre chose, de prendre de la distance, d’accepter le changement… et d’y voir les bénéfices. Donc de donner du sens à ce lâcher prise : Ce que je vais y gagner ?
Quand on ne lâche pas prise, on s’accroche à des pensées négatives qu’il faut pourtant cesser de retenir. Les sciences cognitives nous apprennent que les pensées négatives prennent plus de place que les positives, il est donc de notre responsabilité de placer volontairement notre esprit ailleurs pour maximiser notre sérénité et notre bien-être. Pour cela, un exercice simple consiste à faire face à ces pensées négatives en les défiant par leur versant positif.
Exemple : Je ne suis pas assez préparé pour la réunion de demain VS je connais mon sujet.
👉 Se décentrer
Il s’agit de se focaliser sur autre chose que sur le sujet qui vous préoccupe, pour ne pas être obnubilé. On pratique une activité sportive, créative, artistique, on écoute un podcast sur un sujet qui nous intéresse, une lecture sur un article reboostant. Bref on décentre notre attention ailleurs.
👉 Se détacher du regard des autres
La peur du jugement, la peur de l’échec, la peur de décevoir, nous empêche de lâcher prise. Pourtant, lâcher prise c’est dire stop à la perfection, réviser le sens du mot performance et surtout s’écouter, se protéger, se respecter, prendre soin de sa santé mentale, laisser aller sa vulnérabilité, laisser aller la perfection, personne n’est parfait, ni infaillible, donc oubliez le regard des autres.
👉 Ecrire pour lâcher prise
L’écriture est reconnue pour avoir un pouvoir exutoire et libératoire. Aussi, pour lâcher prise, lâchez sur le papier vos idées noires, vos préoccupations, vos ressentis face à un sujet épineux. Ecrire c’est faire exister et libérer les frustrations, ce que Jonathan Leman appelle « vider les poubelles mentales ». ET c’est bien cela le lâcher-prise, vider le mental. C’est donc un exercice édifiant que celui d’écrire, qui m’a personnellement permis de sortir mon premier livre, alors même qu’au départ j’avais simplement besoin de lâcher prise.
Ecrire c’est se connecter à ses émotions et lâcher prise nécessite d’accepter les émotions. A vos plumes !
Pour conclure, j’aimerais partager ce proverbe qui dit : « Quand on arrête de chercher avec sa tête, on trouve avec son cœur ».
Il existe des périodes dans la vie où l’on arrive à lâcher prise et d’autres où c’est beaucoup plus difficile. Mais une prise de conscience des mécanismes qui nous entraînent dans cette direction est un premier pas, aussi j’encourage chacun à suivre son cœur que suivre ses peurs.