Comment trouver l’équilibre entre profit et mission d’entreprise sociétale ? Si la stratégie RSE suscite un véritable intérêt de la part des collaborateurs, son passage à l’acte peut souvent décevoir. S’il y a une leçon à retenir de la séparation médiatisée de l’emblématique Emmanuel Faber du groupe Danone, c’est bien qu’entre recherche de profit et mission sociétale, le premier tend à prendre le dessus. Que faire ? Dissocier les deux ? Les conjuguer en une mission d’entreprise globale ? myRHline explore les choix qui s’offrent aux organisations.
La mission d’entreprise attendue au tournant
L’édition 2021 du “Trust Barometer” d’Edelman confirme la baisse de confiance entraînée par crise sanitaire. Si les gouvernements font l’objet de plus de suspicions qu’auparavant, les entreprises semblent avoir récupéré la confiance perdue par les premiers. 61% des sondés s’en remettent aux entreprises, contre 53% aux gouvernements, et 51% aux médias. Cette assurance accordée aux employeurs n’est pas aveugle : 86% s’attendent à ce que les dirigeants d’entreprises se prononcent sur des sujets sociétaux. Encore plus révélateur, 68% pensent qu’en l’absence d’actions des gouvernements, ce sont les entreprises qui doivent s’occuper de résoudre les problèmes de nos sociétés. Pourquoi ? Car elles détiennent les compétences requises, développées dans le cadre de leur activité, et l’éthique de leurs engagements, et l’exigence de leurs parties prenantes, pour mener à bien cette mission.
En plus d’une pression sociale de plus en plus forte, le don ou le mécénat peut aussi partir de la volonté de contrebalancer les effets de son activité. Si nous schématisons la chose : là où l’activité de l’entreprise comporte des effets néfastes envers son environnement, l’entreprise va chercher à se racheter par une action de bienfaisance.
Qu’elle soit constituée d’actions ponctuelles ou intégrée au quotidien des collaborateurs, la stratégie RSE ne peut se faire sans une gouvernance favorable. La mission d’entreprise de Danone a perdu en crédibilité suite à un plan social et des accusations de mauvaise gestion de l’entreprise. L’entreprise a-t-elle eu raison de porter sa stratégie RSE sur le devant de la scène ? Est-il possible de concilier mission d’entreprise, performance et QVCT chez une entreprise dont le modèle se base sur le profit ?
Construire une stratégie RSE cohérente
On imagine mal une entreprise évoluant dans l’industrie se préoccuper des enjeux dans le milieu du secteur du tourisme. Il s’agit donc de créer l’émulation autour d’une mission d’entreprise qui s’articule autour de son activité et de son environnement. Plus en amont de la bienséance morale d’une stratégie RSE qui donne à voir, le défi consiste à embarquer les salariés dans la mission d’entreprise sans pour autant les dévier de leurs responsabilités quotidiennes desquelles dépend la bonne santé de l’organisation. C’est ce délicat équilibre interne qui mérite d’être établi entre stratégie RSE et performance. Pour peser le pour et le contre, voici différents cas de mission d’entreprise dans le secteur de l’énergie qui ont choisi différentes manières de déployer leur stratégie RSE.
A lire pour aller plus loin sur le sujet : Comment choisir son label RSE ?
Le groupe Altawest à l’écoute de ses salariés
Jean-Marc Sibboni, Business Development and Strategy Director du groupe Altawest, acteur de la transition énergétique, attribue leur récent don à la Fondation Énergies pour le Monde (Fondem) au dialogue avec les salariés lors de séminaires d’écoute organisés par la société de conseil “Arrêt sur Image”. S’exprimant hors cadre, un groupe de salariés a émis des critiques à propos des traditionnels cadeaux de fin d’années estampillés du logo de l’entreprise, peu écologiques et peu engageants. Il est alors suggéré de faire don du budget alloué à une association caritative. Cette impulsion des salariés a été fortement appuyée par la gouvernance, notamment le Président et actionnaire principal de la société, Philippe Garelli.
Jean-Marc Sibboni insiste sur la volonté du groupe de contribuer, à hauteur de ses moyens, à une action précise au rendu palpable. Ainsi le projet « Acteurs » en Guinée contribuant à réduire la fracture énergétique en un territoire rural, a séduit les collaborateurs. Partant d’un engagement de don sur deux ans, le groupe pourrait éventuellement reconduire son engagement et le pérenniser au sein d’une stratégie RSE plus affirmée.
« La volonté interne et l’impulsion externe impose d’avoir des politiques RSE plus visibles, agressives et pertinentes », avoue Jean-Marc Sibboni.
Même si la société agit sur un sujet proche du sien, la Guinée ne fait pas partie de ses ambitions commerciales, précise Jean-Marc Sibboni. Il n’y a donc pas de récupération commerciale de cet aspect de la stratégie RSE. Cependant, il ne nie pas le lien entre mission d’entreprise et performance. “De manière plus mercantile il se trouve aussi que c’est une obligation liée au maillage et des besoins exprimés par nos clients et partenaires,” distingue-t-il.
Créer une entité séparée pour la stratégie RSE, comme Veolia
En 2001, le groupe lance l’Institut Veolia pour créer une plateforme de prospective environnementale et sociétale.
“Conçu comme un espace autonome de réflexion collective, une plateforme d’échanges et de débats, l’Institut mène un travail de prospective sur les thématiques au carrefour de la société et de l’environnement,” peut-on lire sur le site dédié.
L’institut envoie une newsletter mensuelle, publie la Revue de l’Institut et affiche des rapports d’activité téléchargeables. Il organise des conférences et des débats rassemblant scientifiques, ONG, organisations internationales, universités et organismes de recherche. Par ce biais, le groupe investit dans une stratégie RSE en dehors de son périmètre quotidien, même si des passerelles existent et surgissent au contact entre divers environnements riches de connaissances et d’opportunités.
Schneider Electric mêle mission d’entreprise et activité commerciale
Élue entreprise la plus durable du monde par Corporate Knights, Schneider Electric a fait le pari d’intégrer son action sociale à la performance de l’entreprise. Pour intégrer directement son engagement dans son activité, la société a mis en place des indicateurs de performance qui permettent de retracer l’impact des métiers de l’entreprise sur l’empreinte carbone de ses clients. Schneider Electric affirme également que 70% de son chiffre d’affaires proviennent d’activités considérées comme « durables ».
Sa stratégie ? Des engagements au niveau global suivant les Objectifs de Développement Durable de l’ONU. Ils sont ensuite concrétisés par des programmes à moyen et long terme, de trois à cinq ans maximum. Les objectifs établis sur une durée de temps limitée se traduisent ensuite par des actions à court terme applicables au terrain menées par les dirigeants locaux, dont la rémunération est rattachée à l’atteinte des objectifs de développement durable.
RH, quelle voie adopter pour faire vivre votre stratégie RSE ? Voici quelques conclusions pour nourrir votre réflexion.
- Une stratégie RSE sur la durée ne peut se concrétiser sans l’appui des décideurs.
- N’hésitez pas à interroger les salariés et à faire appel à l’intelligence collective.
- La participation à des projets concrets et mesurables est préférable.
- On peut séparer stratégie RSE et recherche de performance, comme on peut les lier.
Maï TREBUIL
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