Alors que le gouvernement annonce la sortie de l’application StopCovid pour début juin, certaines entreprises créent des outils « maison » pour identifier les employés vecteurs du virus et ainsi faciliter la reprise des activités. Or, bien que le Code du travail stipule que l’employeur se doit d’« assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des travailleurs », les entreprises doivent veiller à ne pas porter atteinte aux libertés fondamentales de leurs employés. Retour sur les mesures de protection et les interrogations qu’elles suscitent.
La prise de température : autorisée, mais pas forcément recommandée.
Les entreprises peuvent proposer à leurs salariés de prendre leur température corporelle, mais elles ont l’interdiction de le faire sans leur consentement. Chaque employé est libre d’accepter ou non la mesure. Par ailleurs, si la température de l’employé est élevée, l’entreprise n’a pas le droit de lui interdire l’entrée dans le bâtiment. C’est le médecin qui doit prendre la décision, secret médical oblige. L’employeur a d’ailleurs l’interdiction de demander les informations sur la santé de son employé. En revanche, l’employé peut bien sûr transmettre les informations sur son état de santé s’il le souhaite, mais la réglementation RGPD interdit l’entreprise de conserver des fichiers santé sur le salarié. En cas de suspicion de virus, l’entreprise peut simplement inciter le collaborateur à partager son état de santé avec sa hiérarchie, dans l’optique de prendre les mesures nécessaires pour protéger le reste de l’entreprise.
La prise de température n’est de toute façon pas recommandée par le protocole, la température n’étant pas synonyme d’une absence de Covid-19. Sans doute jugée trop intrusive, seulement 37 % des 531 responsables des ressources humaines sondés sont favorables à la prise de température à l’entrée des locaux, selon une enquête récente de l’Andrh (l’association nationale des DRH).
Les tests de dépistage : interdits en interne, a priori.
Véolia avait annoncé il y a quelques semaines vouloir tester ses 50 000 salariés en France, mais l’interdiction de faire des campagnes généralisées de dépistage en entreprise a finalement été annoncée par Muriel Pénicaud début mai. Le protocole national de déconfinement stipule : « La réalisation de ces prélèvements sur prescription médicale est douloureuse, complexe logistiquement (équipements de protection et parcours des données patient) et doit être réalisée par des professionnels formés. En conséquence, à ce stade, aucune organisation par les employeurs de prélèvements en vue d’un dépistage virologique ne saurait s’inscrire dans la stratégie nationale de dépistage. » Petite précision cependant : depuis le 2 avril, et compte tenu de ce contexte d’urgence sanitaire, une ordonnance a été publiée permettant les médecins du travail de faire les tests. Bien que les résultats des tests soient uniquement connus du salarié et du médecin, cette ordonnance pourrait, à terme, faciliter la mise en place des tests généralisés. L’employé peut toutefois toujours refuser de faire le test et sa prise de position ne peut pas lui empêcher de continuer de travailler.
Les applications de tracking pour surveiller la santé des salariés : autorisées.
Pour faire face à l’épidémie, plusieurs applications développées en interne ont vu le jour, à l’instar de COPASS, créée par le Crédit Agricole et Onepoint. En se connectant à la plateforme, le salarié volontaire répond à un questionnaire santé et selon son résultat, se voit délivrer un QR code d’une couleur spécifique. Chaque couleur correspond à un protocole de travail recommandé pour l’employé : horaire alterné au bureau, télétravail, visite médicale… Une fois de plus, cette mesure ne peut être imposée aux salariés, simplement proposée.
Philippine SANDER