Il n’y a plus de frontières face à elle, face à celle que l’on ne peut plus nommer, sinon d’un nom de code, déjà trop désignée, surmédiatisée. Elle remplit nos pensées, le jour, la nuit cela devient un cauchemar. Le monde semble s’arrêter, la plupart des activités sont suspendues et le silence gagne les villes. On n’ose encore imaginer les séquelles d’une telle crise sur le plan économique ou sociétal. Dans un contexte où le moteur de l’économie est à l’arrêt, comment les entreprises doivent elle mobiliser le collectif que constituent leurs salariés ?
Les entreprises, une communauté de femmes et d’hommes
L’objectif d’une entreprise est de satisfaire ses clients, ses salariés et l’ensemble des parties prenantes. Dans la situation que nous vivons depuis quelques jours, certaines sont à l’arrêt, d’autres, une minorité, fonctionnent au ralenti. Toutes sont plongées dans l’urgence du présent et dans l’incertitude du lendemain. Se préoccuper prioritairement de ceux qui, avant, assuraient le bon fonctionnement de l’entreprise, les salariés, est une première étape vers la résilience. Pour préserver les entreprises, dans la période que nous traversons, il convient d’accorder encore plus de temps aux salariés : ceux qui continuent leur activité (presque comme avant) mais aussi ceux qui le font en télétravail dont la situation particulière exige des entreprises d’adapter leur communication. On a souvent tendance à oublier que la communication c’est bien sûr diffuser des messages, des informations mais c’est aussi écouter.
Une communication qui fédère et encourage
En cette période de crise, les entreprises doivent veiller à ce que la communication à destination des salariés soit particulièrement sincère, authentique et cohérente. Comment peut-on interpréter dans le même temps ce double message et en simultané : « restez chez-vous ! » et « allez voter !» ?
La communication institutionnelle doit toujours exister, dans cette situation, elle doit être brève ponctuelle et avoir pour objectif de relayer l’information, ceci afin de rassurer et de laisser à chacun le soin de s’adapter à l’évolution de la situation. Cette communication souligne la pérennité de l’institution (organisation, entreprise), la continuité du service pour le personnel. Cette communication devrait manifester des encouragements, de la bienveillance, elle devrait tout simplement entretenir la flamme, l’espoir.
Une écoute attentive
Renforcer la capacité d’écoute des salariés est essentiel. Exactement dans le même temps que la communication institutionnelle, le relai doit être pris par tous les managers envers chacun de leurs équipiers. À ce niveau, c’est l’écoute qui devrait être privilégiée. Chaque manager devrait être « connecté » et tenter de détecter tout signe ou réaction inadaptée ou disproportionnée de la part de ses équipiers. Or les managers ne sont pas tous formés ou sensibles à percevoir des signaux de leurs collaborateurs et ce malgré l’amélioration et la multiplication des formations sur les « soft skills » parmi lesquelles on retrouve (l’empathie, l’intelligence émotionnelle, la capacité à résister au stress, …).
Laisser le management intermédiaire exprimer ses initiatives
Peut-être faut-il laisser encore plus d’initiatives à ceux qui libèrent leur créativité. Il faut les encourager et les valoriser dans ce rôle. Ils peuvent ainsi devenir des animateurs d’une communication plus légère, positive, qui est un véritable antidote aux situations anxiogènes générées par cette pandémie. Car si cette crise est une guerre, l’ennemi est invisible, silencieux, indétectable par nos sens. Ces partages de moment de créativité, de rires, d’émotions doivent être ritualisés. Ils vont permettre une certaine abréaction[1].
La technologie, véhicule sans filtre des messages
La technologie peut être à la fois facilitatrice de cette communication et en même temps elle devient une caisse de résonnance amplifiant la densité du message et sa charge émotionnelle. Elle a besoin ici d’être modérée. Plus encore qu’en période « normale » cet état de crise va exacerber les caractéristiques personnelles entre insouciance et terreur ou panique. Caractéristique personnelle qui peut s’adapter selon l’évolution de la situation. Ceux qui peuvent être insouciant au début peuvent avoir peur ensuite si le danger se précise ou se rapproche.
De nos jours, avoir un travail, va bien au-delà d’une juste rétribution, c’est aussi posséder une identité professionnelle, rechercher son épanouissement (et ils sont de plus en plus nombreux à le désirer, particulièrement chez les jeunes générations). Le dialogue, au sein de l’entreprise, même à distance, doit questionner et souligner le sens du travail de chacun.
Quel est son utilité pour l’entreprise et pour la société ?
Dr. Dominic Drillon, HDR
Professeur de Management des Ressources Humaines à La Rochelle Business School Excelia Group
[1] Terme surtout utilisé en psychanalyse qui signifie une réaction émotive venant libérer ce qui avait été refoulé.