Nous avons interviewé Jérôme Barrand, président de l’entreprise Agil’oa, afin qu’il nous éclaire sur son outil innovant, l’Agile Profile, visant à analyser le mode d’action agile d’un individu.
Quel constat faites-vous des techniques de recrutement actuelles (process, automatisation des méthodes)?
« Mon constat, subjectif certes, c’est qu’il y a aujourd’hui une vraie tendance à l’automatisation et à la gestion des gros volumes. Les start-ups de recrutement type Monster permettent plus de volume de sourcing d’une part, mais aussi plus d’automatisation du fitting entre un poste et un candidat. Ces entreprises ont tendance à oublier de se poser la question des critères de recrutement qui ont pourtant bien évolués dans le temps.
Aujourd’hui, les critères de performance se sont transformés et ce n’est pas suffisamment pris en compte. On ne se repose que sur le savoir-faire alors qu’un bon collaborateur n’est pas quelqu’un qui sait uniquement faire bien quelque chose. Ces critères de sélection sont donc pour moi dépassés ou en tout cas incomplets. Le savoir-faire comme critère de recrutement n’est valable que dans des entreprises de fabrication de grands volumes de biens matériels. Ces entreprises disparaissent aujourd’hui.»
En comparaison, comment définiriez-vous l’introduction des critères de l’agilité dans les outils de recrutement?
« Les critères de recrutement sont historiquement d’abord centrés sur le savoir-faire. L’apparition du CV a permis de sophistiquer ces critères en faisant clairement apparaître l’expérience des candidats et leur acquisition d’expertise. Ce mode de fonctionnement met en avant l’idée que « celui qui sait faire le mieux est le bon candidat à sélectionner ».
Une deuxième phase historique a par ailleurs permis de moderniser ces critères de recrutement par la mise en place des tests de personnalité. La critique que l’on peut en faire, c’est que ces outils ne sont pas prédictifs de la performance de l’individu, il ne s’agit que d’informations complémentaires sur le fonctionnement du postulant (bien que certains tests soient plus poussés que d’autres).
En effet quel recruteur n’a pas constaté les deux points suivants :
- Le plus compétent techniquement n’est pas toujours le plus performant dans le contexte de l’entreprise,
- Sur un poste donné peuvent se succéder des individus aux personnalités différentes avec le même niveau de performance.
Il est donc entendu que ni le savoir-faire ni le savoir-être ne sont vraiment discriminants pour prédire la performance d’un individu.
L’agilité est la capacité d’un individu ou d’un groupe de personnes à se mouvoir dans un environnement turbulent. Ce qui fait la qualité d’un collaborateur aujourd’hui, c’est sa capacité à rester connecté à son environnement, en particulier lorsqu’il change. Un individu performant, au-delà de son savoir-faire, et quel que soit sa personnalité, doit être capable de travailler en tenant compte de tout ce qui l’entoure et de tous ceux avec qui il travaille. C’est ce que nous appelons « l’agir », et que désormais nous savons mesurer.
Quelles solutions novatrices apportez-vous chez Agil’oa ?
« Nous avons analysé deux modèles dogmatiques mis en avant en ce moment :
Les entreprises tayloriennes d’abord, verticales et cloisonnées, avec des individus hyper cadrés, qui font simplement ce que l’on va leur dire de faire. Parallèlement, on nous vante les mérites des entreprises libérées, qui quant à elles, prônent l’autonomie des collaborateurs et le laisser-faire.
On constate que des individus capables de vivre dans un système d’obéissance totale, il n’y en a pas ou très peu. De la même manière, sont également très peu nombreux les salariés qui savent s’épanouir dans une autonomie totale. La majorité des individus ont besoin à la fois de repères mais également d’un minimum d’autonomie et de capacité d’initiative pour être performants et s’épanouir en entreprise.
Le mix de ces deux modèles donne naissance à l’agilité.
L’outil que nous avons créé ne s’intéresse pas au savoir-être ou au savoir-faire, mais bien à la capacité d’un individu à agir avec son environnement (que ce soit avec des clients, un manager, des collègues, des processus, du matériel). L’objectif étant de mesurer avec quel dosage de fonctionnement taylorien et libéré il peut fonctionner en fonction du contexte.
Notre outil définit 3 critères de l’agir :
Anticiper : il s’agit là de programmer son action, l’organiser à l’avance en fonction d’hypothèses, en prenant en compte et en ayant pleine conscience des risques possibles liés à cette action.
Coopérer : c’est ici créer une véritable relation avec les autres, dans une recherche de réciprocité dans l’action. C’est en fait savoir agir dans un rapport satisfait-satisfait avec l’autre.
Innover : il est essentiel de trouver le bon mouvement à adopter en fonction du contexte. Etre en capacité de savoir s’il faut tout changer ou ne rien changer en fonction de l’environnement auquel on a à faire.
L’Agile Profile mesure la capacité d’un individu à répondre à ces trois critères en mode régulé (taylorien) ou en mode adaptatif (libéré). En fonction des postes à pourvoir, on va définir un profil cible plus ou moins dans un sens ou dans un autre.
Cet outil touche une clientèle très large puisqu’il est dédié à tous les experts en recrutement (cabinets ou recruteurs en entreprise).
Nous avons également créé le même outil « sous pression » qui complète notre analyse sur les postes à responsabilité (type cadres, managers, dirigeants). »
Quelles évolutions souhaiteriez-vous mettre en place à court ou moyen terme ?
« Idéalement ? On aimerait que l’Agile Profile soit l’outil principal de recrutement de tous les recruteurs du monde !
On attend une prise de conscience des recruteurs que nous vivons dans un monde VICA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambiguë), qui privilégie la capacité d’adaptation à son environnement.
On considère que la réussite se fera moins par le volume que par la qualité, l’adaptabilité et une réelle prise de conscience de l’importance cruciale de la dimension de service et de relationnel. L’Agile Profile est un outil qui donne les clés pour faire face à cet environnement mouvant. »
Camille MOUCHOT