Le burn-out comme maladie professionnelle ? Près de deux salariés sur dix s’estiment menacés par un épuisement professionnel extrême d’après un sondage de l’Institut Think pour Great Place to Work. Leur part grimpe à 24% chez les managers. Pour l’heure, seuls quelques dizaines de cas de burn-out sont reconnus chaque année comme maladie professionnelle. Pas suffisant selon une trentaine de députés de la majorité et de nombreux professionnels de santé qui réclament donc l’inscription du burn out au tableau des maladies professionnelles. Mais cette proposition est loin de faire l’unanimité, y compris au sein des professionnels de santé.
Pour
Bernard Salengro, président du Syndicat des médecins du travail et des professionnels de santé au travail à la CFE-CGC
« Je suis favorable à cette reconnaissance car, à l’heure actuelle, les salariés qui en sont victimes ne sont pas indemnisés comme ceux frappés par un accident du travail ou une maladie professionnelle. Avec cette reconnaissance, ils bénéficieraient d’une meilleure indemnisation notamment lors des stages de reconversion professionnelle (prise charge des frais de déplacement, frais de repas..), les 3 jours de délai de carence avant le versement d’indemnités journalières par la Sécurité Sociale sauteraient, etc. Ce n’est pas énorme mais ça pourrait changer la vie notamment pour les salariés payés au SMIC. Cette reconnaissance devrait également inciter les employeurs à se saisir enfin du sujet. En effet, il s’agirait de faire basculer le financement de ce syndrome d’épuisement professionnel sur la branche « accident du travail et maladies professionnelles », financée presque entièrement par les cotisations patronales. Sommées de cotiser davantage, les entreprises concernées devront justifier de cette hausse devant leurs actionnaires. Gageons que cette pression économique les encourage enfin à faire de la prévention sur le sujet ».
Contre
Marie Pezé, docteur en psychologie du travail, expert judiciaire et responsable du réseau de consultations Souffrance & travail. Elle est également l’auteur de « Je suis debout bien que blessée. Les racines de la souffrance au travail » (Josette Lyon, avril 2014).
« Dans la situation économique actuelle, il serait légitime de faire porter par la caisse des accident du travail le poids de l’épuisement professionnel. Cependant cette pathologie n’est pas reconnue dans le DSM V, la bible mondiale de psychiatrie. Elle n’a pas encore une définition stable. En France, nous n’avons pour l’instant pas assez de cliniciens suffisamment spécialisés pour diagnostiquer le burn out. Ce syndrome est en train de devenir un fourre-tout comme le concept de harcèlement a pu l’être à une époque. De même, nous ne disposons pas de lieu pour prendre en charge correctement ces patients. Reconnaitre un burn out « à la louche » permettrait à des employeurs peu scrupuleux de licencier à tour de bras les personnes frappées par ce syndrome comme étant désormais inaptes au travail. Pire, via un système de questionnaire très périlleux, les recruteurs pourraient essayer de détecter les candidats à risque et donc ne pas les embaucher. Je comprends que l’on ait envie de faire payer les employeurs pour leur organisation du travail pathogène, c’est la loi. Mais justement la loi prévoit d’adapter le travail à l’homme (code du travail L 4121) et donc de faire de la prévention primaire. Aidons les chefs d’entreprise à rectifier l’organisation du travail. Au passage, c’est ce rôle central du CHSCT que le Medef veut revoir à la baisse dans ses dernières propositions ! ».
Recueillis par Sylvie Laidet