Depuis les années 90 et le désengagement des entreprises en termes de sécurité de l’emploi, le lien entre le salarié et l’entreprise a été rompu, la perspective de s’y inscrire dans la durée a disparu. Face à des salariés moins engagés, les entreprises, prises dans leurs contraintes de productivité, peinent à trouver une promesse employeur « engageante ».
Reconnaître les éléments qui impliquent et maintiennent la motivation au travail, une gageure pour les entreprises confrontées à des collaborateurs moins engagés dans les objectifs de l’entreprise et moins motivés, alors qu’elles ne peuvent revenir sur la flexibilité dont elles ont besoin. Les formes d’organisation mises en place pour gagner en productivité n’ont pas non plus favorisé de promesse employeur motivante. Pour Marie-Pierre Fleury, ex DRH et dirigeante de Canden RH, « il faut reconstruire un nouveau contrat social qui prenne en compte l’incertitude de l’emploi ». La motivation étant une des composantes directes de la performance, « les entreprises doivent identifier d’autres leviers et surtout d’autres engagements à mettre dans la balances ». Par ailleurs, les facteurs de motivation varient d’une personne à l’autre, il faut en tenir compte dans les réflexions et la mise en place de dispositifs favorisant l’engagement, et faire en sorte de connaître le mieux possible les personnes avec lesquelles on travaille.
Motiver durablement, une difficulté
Sur ce sujet clef de l’entreprise, on parle d’ailleurs aujourd’hui d’engagement et d’implication, sans doute pour marquer une volonté d’agir durablement. Et c’est là que le bât blesse, les entreprises mobilisent trop ponctuellement, sur un problème donné à un instant donné. Elles y pensent et puis elles oublient. Et elles pensent statut, intérêt de la mission, rémunération, des éléments qui sont des plus sans être des leviers profondément agissants, car, comme le dit Vincent Rostaing, fondateur de Le Cairn 4 IT, « ce qui ne vient pas de l’intérieur ne fonctionne pas durablement ». D’autant moins qu’en période de restriction économique, la motivation par l’argent est un levier compliqué à actionner. « Et il ne faut pas oublier que la plupart des managers n’ont pas leur mot à dire sur ce point, c’est au niveau RH et direction générale que cela se décide », rappelle Marion Breuleux, responsable secteurs Management et Efficacité professionnelle chez EFE, organisme de formation.
Des leviers dissociés du sens commun
Quand il est dissocié de l’intérêt commun, le levier de motivation crée de l’injonction paradoxale. Ainsi, on réalise aujourd’hui que les objectifs individuels nuisent au final à la motivation et à la performance collective, qu’ils épuisent la force du moteur qu’est la compétition, par exemple, car celle-ci est organisée entre collègues au lieu de l’être contre des adversaires extérieurs : les concurrents. « Le challenge commercial, qui demande d’écraser les autres, est typique du phénomène. Le gagnant seul se voit offrir un voyage alors que tous les commerciaux devraient en profiter. À 90%, ceux qui ne gagnent pas n’auront pas envie de faire mieux la prochaine fois car cela ne correspond pas à un objectif collectif », pointe Vincent Rostaing.
Marie-Pierre Fleury, Canden RH : « Il faut distinguer ce qui crée et maintient la motivation de ce qui fabrique la démotivation. » « La relation au manager, la mission du poste, les conditions de travail, la rémunération : tout ceci, quand cela correspond aux attentes d’un collaborateur lors de son embauche, ne crée pas de motivation supplémentaire puisqu’il s’agit d’attentes de base. Quand l’entreprise les satisfait, elle ne crée pas d’insatisfaction mais ne crée pas pour autant de la motivation et de l’engagement. Elle doit se rappeler que la performance résulte de l’addition des compétences, de la motivation et de la satisfaction. Une entreprises ne doit donc pas penser qu’elle motive avec des basiques et se rappeler que si elle les néglige, elle crée de l’insatisfaction. Du coup, quand elle propose des choses non promises et pertinentes au vu des besoins des salariés, cela produit du bonus et de la motivation. » |
Sophie Girardeau