Une étude menée entre décembre 2010 et octobre 2012 par le Centre Études et Prospective du Groupe Alpha et le Cerege, pour le compte de la DARES, a analysé l’impact de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 sur les pratiques de gestion RH des entreprises. Elle révèle la diversité des actions et des représentations de la GPEC(désormais GEPP).
Les résultats de l’étude réalisée par le Centre Études et Prospective (CEP) du Groupe Alpha et le Cerege (Centre de recherche en gestion), Accords GPEC : de la loi aux pratiques – Leçons tirées de 12 études de cas sont riches d’enseignements, mais, cette étude de nature qualitative, demeure limitée à son échantillon. Voici cependant quelques observations qui en ont été tirées.
Un socle d’outils communs
Le triptyque observatoire des métiers (cette appellation peut varier) – référentiel métiers – passerelles est utilisé dans la majorité des accords GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) étudiés.
Paritaires, les observatoires métiers associent managers de production ou experts aux représentants syndicaux et aux équipes RH. « C’est la vraie nouveauté. Ce sont de nouveaux lieux d’échange, de dialogue social, ils permettent l’accès à un nouveau type d’information. Grace à eux, on fait vraiment le lien entre l’évolution de l’activité prévisible à deux ou trois ans et son impact sur les compétences dont on dispose », note Mathieu Malaquin, chargé d’études au CEP.
Si l’ensemble des accords étudiés prévoient la mise en place d’un référentiel métiers, parfois appelé référentiel compétences, cela ne préjuge en rien de leur caractère opérationnel. Et pour cause, leur pertinence dépend d’une actualisation régulière.
Quant aux passerelles, qui favorisent la mobilité interne, elles sont plébiscitées par les syndicats mais restent largement en retrait dans les faits. « Les services RH les trouvent complexes et fastidieuses à mettre en œuvre. Elles sont donc concrètement mises en place quand il y a un projet très ciblé, tel que la restructuration d’un service », observe-t-il. Les entreprises leur préfèrent les people reviews (revues du personnel), plus informelles, dont l’enjeu consiste à créer du consensus autour de certains profils. La limite de cette pratique apparaît rapidement, quid en effet de la visibilité donnée aux salariés sur leur métier et leur évolution ce que sont censées permettre les passerelles ?
La dimension collective l’emporte
Bien que le dispositif GPEC soit articulé autour de deux axes – l’adaptation des compétences à la stratégie de l’entreprise et la possibilité donnée aux collaborateurs d’agir sur leur développement de carrière –, c’est la dimension collective qui l’emporte. « Cette étude nous montre que lorsqu’il y a un enjeu stratégique pour l’entreprise, elle est capable de mettre en place les outils pour faire évoluer les collaborateurs identifiés. Mais quand il s’agit de mettre en œuvre un outil qui permet aux salariés de s’approprier leur évolution de carrière, l’entreprise investit moins », pointe Mathieu Malaquin.
Une rationalisation des outils existants
Les accords GPEC sont assez globaux – on peut parler de méta-accords et c’est ainsi qu’ils devraient être envisagés selon les recommandations que l’on peut trouver à la page 92 du rapport synthétique de l’étude –, dans la mesure où ils peuvent très bien chapeauter des dispositions relevant d’autres accords, comme les accords seniors ou mobilité, et leur donner de la cohérence. L’impact est d’ailleurs notable sur le plan de formation : l’information délivrée par les observatoires des métiers permet dans bien des cas de mieux cibler les actions de formation.
L’ambivalence de la GPEC
Un accord GPEC permet d’anticiper les besoins de l’entreprises en termes de compétences mais certainement pas d’empêcher un PSE, une restructuration ou un plan de départ volontaire. Or « le dispositif sert bien souvent à accompagner des réorganisations, alors que ce n’est pas sa vocation première, et la partie développement de carrière demeure plus en retrait », constate M. Malaquin. Dans certains cas, comme celui de Micro (le nom des entreprises ayant participé à l’étude ont été changés), les collaborateurs sont accompagnés mais principalement sur des mobilités externes alors même que l’accord prévoyait également un accompagnement à la mobilité interne.
Le cas Micro
Deux outils structurent le projet GPEC de cette entreprise du secteur de la micro-électronique : une entité de mobilité territoriale et un observatoire des métiers.
Une entité de mobilité territoriale, réunissant sept entreprises du bassin d’emploi concerné, a été créée sous la forme d’une association loi 1901. Chacune des entreprises adhérentes doit avoir signé un accord de GPEC interne. Il importe de faire remarquer que le texte fondateur de l’entité de mobilité territoriale précise que le déclenchement d’un PSE par une des sociétés adhérentes entraîne la suspension de son adhésion.
L’intérêt de cette structure est triple selon le DRH de Micro : disposer d’une structure permettant de porter un regard extérieur sur les projets des salariés, mutualiser les moyens et permettre aux salariés de se reconvertir sur le territoire de leur entreprise d’origine.
Tout salarié de Micro ayant un projet de mobilité interne ou externe peut ainsi contacter, anonymement et via un numéro vert, cette entité pour faire un point sur sa carrière, ce point donnant lieu à une note confidentielle. La confidentialité est levée si le salarié souhaite concrétiser son projet de mobilité et ce pour faire savoir à l’entreprise qu’il demande un accompagnement. Volonté de sécurisation du parcours oblige, s’ensuivent un certain nombre de validations internes au terme desquelles le salarié peut rompre son contrat de travail avec Micro. Notons que la réintégration du salarié dans l’entreprise est possible.
Selon les témoignages des différentes parties concernées, l’observatoire des métiers est « le thermomètre social et économique de l’entreprise ». Il apparaît comme un lieu d’information sur l’évolution des métiers et des compétences vraiment intéressant. La réussite de cet observatoire tient probablement au fait qu’il s’appuie directement sur l’expertise des managers. Des entretiens avec ces derniers permettent la rédaction d’un rapport annuel présentant des données chiffrées sur l’évolution du marché de la micro-électronique, des données chiffrées sur les positions de Micro sur ce marché, son chiffre d’affaires notamment, et des perspectives d’évolutions de ce marché et de la position de l’entreprise.
Cinq types de métiers différents ont en outre été identifiés grâce aux travaux de cet observatoire : les métiers stratégiques, les métiers stables, ceux en évolution, les métiers fragilisés et enfin, en tension. L’observatoire s’articule avec un référentiel emploi-compétences afin de permettre la comparaison avec la base métiers initiale pour être en mesure de dire qu’un métier a évolué. Il s’articule également avec la politique formation de l’entreprise puisque le diagnostic qu’il délivre sert entre autres à créer de nouveaux modules de formation.
Quant au déploiement de l’accord, l’analyse montre qu’il s’est avéré plutôt souple même si, selon des responsables syndicaux, certains outils restent peu utilisés.
Sophie Girardeau