Coûts d’installation en baisse, utilisation de plus en plus simple…la vidéosurveillance se démocratise et de plus en plus d’entreprises s’interrogent sur sa mise en place ou ont déjà sauté le pas.
Ses avantages sont nombreux : sécurité des salariés et des biens (notamment pour éviter les vols), contrôle des salariés et exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur…
Pour autant, elle ne s’improvise pas. L’entreprise doit être particulièrement vigilante dans sa mise en place et son utilisation pour ne pas porter atteinte aux droits et libertés des salariés.
Alors comment faire ? Cas de recours, modalités, gestion des données…panorama des différentes règles à respecter.
Dans quelles circonstances l’employeur peut-il recourir à la vidéosurveillance ?
Intérêt légitime de la vidéosurveillance
Pour instaurer la vidéosurveillance des salariés, l’entreprise doit impérativement justifier d’un intérêt légitime à le faire. Le dispositif doit en outre être proportionné au but à atteindre (C. trav. art. L 1121-1).
Par exemple, pour surveiller un salarié manipulant de l’argent, la caméra devra principalement filmer la caisse et non l’employé. Le recours à l’enregistrement vidéo est également légitime en cas de risque avéré de vol ou de surveillance d’un poste de travail dangereux.
Cas où la surveillance vidéo est toujours interdite
Il est strictement interdit de filmer certains locaux de l’entreprise, quels que soit les circonstances ou les motifs invoqués par l’employeur :
- Zones de repos ou de pauses des salariés
- Toilettes
- Locaux syndicaux ou des représentants du personnel ainsi que leurs accès (sauf si ces derniers mènent à d’autres locaux de l’entreprise)
Modalités de mise en place de la vidéosurveillance dans l’entreprise
Formalités préalables selon la nature du lieu filmé
Lieu fermé au public
L’entreprise doit tenir un registre de traitement des données mentionnant le dispositif de vidéosurveillance. Aucune autre formalité, notamment auprès de la CNIL, n’est nécessaire.
Exemple : lieux de stockage, locaux dédiés au personnel, etc.
Lieu public ou ouvert au public
L’autorisation préalable du préfet de département est obligatoire (ou du préfet de police à Paris). Pour cela, un formulaire est disponible à la préfecture. La demande peut également se faire directement en ligne.
Exemple : caisse d’un magasin, entrées et sorties du public, rayons, etc.
Bon à savoir. Si votre vidéosurveillance est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes concernées, par exemple une surveillance à grande échelle d’une zone publique, vous devez faire une AIPD (analyse d’impact relative à la protection des données).
Consultation du CSE
L’information et la consultation du CSE est obligatoire avant toute mise en place d’un dispositif vidéo destiné à contrôler les salariés (art.L 2312-38). L’entreprise doit lui transmettre tous les détails utiles concernant le dispositif mis en œuvre et son mode de fonctionnement.
Information des salariés
Lorsque la surveillance vidéo a pour objectif de contrôler l’activité des salariés, l’employeur les informe obligatoirement de la présence et des modalités de fonctionnement de ce dispositif (art. L 1222-4).
À cela s’ajoute une obligation d’affichage dans les locaux concernés par la captation vidéo. Il précise a minima les informations suivantes :
- Pictogramme d’une caméra indiquant que le local est placé sous surveillance vidéo
- Objectif du dispositif
- Durée de conservation des images
- Nom, qualité, numéro de téléphone ou mail du responsable ou du DPO (délégué à la protection des données)
- Modalités d’accès aux enregistrements
- Droit de faire une réclamation auprès de la CNIL
Sans cette information préalable des collaborateurs, l’employeur ne peut pas utiliser les images en cas de litige.
Bon à savoir. Pour la jurisprudence, l’information des salariés n’est pas nécessaire s’ils ne travaillent pas dans les locaux concernés par la vidéosurveillance. Il s’agissait en l’espèce d’entrepôts et locaux de rangements (Cass. Soc., 19 janvier 2010, n°08-45.092).
Gestion des données recueillies en vidéosurveillance
Visionnage des fichiers vidéo
Les images enregistrées ne peuvent être consultées que par certaines personnes habilitées par l’employeur (par exemple la personne responsable de la sécurité). Elles doivent avoir reçu une formation ou une information précise des différentes règles entourant la vidéosurveillance.
En outre, cet accès doit être sécurisé pour éviter tout visionnage non autorisé.
Durée de conservation
La durée de conservation est établie par l’employeur en fonction de l’objectif de la surveillance vidéo. En règle générale, elle n’excède pas 1 mois.
Quelques jours suffisent la plupart du temps pour identifier un incident avec un salarié et engager si nécessaire une procédure disciplinaire. Dans ce cas, l’employeur peut extraire les fichiers concernés et les conserver le temps de la procédure.
Modalités d’accès des salariés
Les salariés ont un droit d’accès, de rectification et d’effacement des données personnelles les concernant, ce qui inclut les images de vidéosurveillance. Les informations nécessaires à l’exercice de ce droit sont portées à leur connaissance par l’affichage obligatoire décrit précédemment.
Sanctions en cas de non-respect par l’employeur
À défaut de respecter ces différentes règles, la vidéosurveillance mise en place par l’employeur est illicite. Il ne peut donc pas se servir de ces images en cas de litige avec un salarié.
Quelques exemples
- Vidéosurveillances légales :
- Surveillance de locaux auxquels les salariés n’ont pas accès, sans information préalable des salariés (Cass. soc. 31-1-2001 n° 98-44.290).
- Vidéo-protection mise en place, sans prévenir les salariés, en raison de soupçons raisonnables de faits graves de vols (CEDH 17-10-2019 n° 1874/13)
- Dispositif vidéo sans information consultation préalable du CSE destiné à assurer la sécurité du lieu de travail et non pour contrôler les salariés (Cass. soc. 18-11-2020 n° 19-15.856)
- Vidéosurveillances illégales
- Enregistrement vidéo de la clientèle d’un magasin destiné à contrôler les salariés
- Clientèle d’un magasin filmée dans le but de contrôler les salariés, alors que le dispositif a été mis en place sans consultation préalable du CSE (Cass. soc. 7-6-2006 n° 04-43.866).
- Vidéosurveillance installée à l’insu des salariés (Cass. soc. 20-9-2018 n° 16-26.482)
En cas d’entrave au droit d’accès des salariés aux fichiers, l’employeur risque une amende de 7 500 euros (contravention de 5ème classe).
De plus, il peut être condamné pénalement pour atteinte à la vie privée (un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, c.pénal.art.226-1).
Céline Le Friant