S01 E03 : Quand les influenceurs vous vendent un job et du rêve
Christophe : Bonjour, je suis Christophe Patte, fondateur du média myRHline.com, dédié au monde des ressources humaines. Bienvenue dans T’as raté le coche, le podcast qui décrypte l’actualité et les tendances du nouveau monde du travail. La question de cet épisode est : que se passe t-il quand un influenceur vous vend un job et du rêve ? Pas facile, en fait, de vendre un job. Il se passe quoi derrière ? Pour répondre à cette question, j’ai invité Tonton Karim, influenceur RH et Rassam Yaghmaei, Group Talent Strategy chez Iliad. Venez, on va leur poser la question.
Christophe : Bonjour Karim.
Karim : Salut !
Christophe : Bonjour Rassam.
Rassam : Salut Christophe !
Christophe : Première question naturelle : pourquoi faire appel à un influenceur dans le cas du recrutement, Rassam ?
Rassam : Écoute, je pense que c’est une pratique qu’on voit de plus en plus dans le recrutement de manière générale et dans les pratiques RH. On s’inspire depuis quelques années de toutes les pratiques du marketing, de l’hyper personnalisation, de l’expérience et le parcours client. Et j’ai l’impression que depuis quelques années, on arrive aussi sur la communication, la marque employeur, sur des sujets d’influenceurs. Pourquoi ils le font ? Je pense pour des raisons très simples d’authenticité, parler à des audiences différentes et pouvoir communiquer différemment de ce qu’ils ont tendance à pouvoir et vouloir faire.
Christophe : C’est quoi un influenceur ?
Karim : C’est quelqu’un de sympa (rires). Qu’est-ce que c’est, un influenceur ? C’est quelqu’un qui a déjà une belle communauté, qui a su développer une communauté à qui il arrive à parler, à qui il arrive à transmettre aussi des choses. C’est quelqu’un, normalement, qui est censé être assez authentique, tu vois. Car ça crée un lien, en fait.
Christophe : Est-ce que c’est quelqu’un qui a une expertise au départ dans le domaine ou pas forcément ?
Karim : Je pense que pas forcément. Moi, je pars d’un truc où en gros, mon domaine c’était les RH et j’ai jamais cherché à être influenceur plus que ça. Moi je cherchais à communiquer, parce que j’adorais, communiquer sur ce que je faisais et j’ai développé une communauté. Donc j’ai été un peu influenceur après être parti de la partie RH.
Rassam : Ouais, je suis plutôt d’accord avec toi, même si les exemples des influenceurs aujourd’hui, des talents comme on les appelle TikTok, il y en a pas mal qui s’associent juste à une marque sans rien y connaître. Je pense que dans le monde de l’entreprise, et notamment moi, ma vision, c’est que j’ai toujours voulu apporter d’abord une crédibilité et une légitimité opérationnelle sur un sujet et ensuite, parce que je communique différemment dessus, on va, on va m’associer avec quelque chose qui est plus de l’ordre du monde de la communication. Moi, j’aime bien qu’il y ait un fond, mais je pense que c’est clairement pas obligatoire quoi.
Christophe : Vous avez bossé ensemble tous les deux ?
Rassam : Non. Dans ce sens-là, on a jamais bossé ensemble dans la même boite, on n’a jamais vraiment collaboré, mais il y a un petit sujet, en ce moment, peut-être qu’on en parlera tout à l’heure.
Karim : N’en dis pas plus, c’est secret pour l’instant.
Rassam : Mais notre première rencontre s’est fait justement à travers un format où, avec Recruiters Inda House, on a interviewé Karim sur sur sa boîte, ses expériences sur un format un peu marrant, mais on n’a jamais collaboré ensemble.
Christophe : Et quand tu vas chercher un influenceur comme Karim par exemple, c’est quoi l’objectif ?
Rassam : Ben, on ne va pas se mentir : nous, quand on a pensé à ça, le premier sujet c’est qu’il était Top Voice de LinkedIn. Donc on s’est dit : clairement, il a une visibilité et en plus, et on y viendra peut être, nous, on s’est posé la même question que n’importe quel prospect au client se poserait : est-ce qu’on est en phase avec sa façon de communiquer ? Il se fait que c’est quelqu’un qui casse aussi les codes, un peu comme nous on voulait faire, que ce soit vestimentairement-parlant ou dans la façon dont il s’approprie les sujets… la casquette à l’envers… et du coup, il y a eu un match, je pense, déjà à ce niveau-là sur le contenu, le fond et la forme.
Christophe : Mais pour aller chercher une cible en particulier ?
Rassam : Nous, notre cible était pas mal axée sur les RH et les recruteurs et lui, il avait une offre qui parlait pas mal sur le recrutement, notamment des jeunes étudiants et des alternants. Donc ouais, il y avait quand même un lien.
Christophe : Cette démarche d’influenceurs, c’est crédible dans le monde du recrutement ?
Karim : De plus en plus, mais parce que je pense que, en fait, le premier truc auquel les gens pensent… nous, on a pensé à l’influence sur TikTok, l’influenceur Snapchat, au placement de produit, ce qui du coup, n’est pas très valorisant. Mais aujourd’hui, sur LinkedIn, tu vois de plus en plus de personnes prendre la parole, qui ont réussi à développer des grosses communautés et du coup, ouais, aujourd’hui, sur le recrutement, je trouve que c’est grave crédible. Après, ça dépend des valeurs de chacun, de la manière de communiquer, de chaque influenceur. Mais oui, ça marche, sauf.
Rassam : Oui, je pense que statistiquement, si tu prends l’ensemble du marché français, c’est encore quelque chose d’assez nouveau et beaucoup vont effectivement faire le lien : influenceur… qu’est ce qui va nous vendre… quelque chose de superficiel ou de très communicant mais pas plus. Moi je fais vraiment le parallèle sur cette continuité de l’expérience, qu’attend un marché collaborateur ou un marché candidat quand il s’agit des RH, où on a envie d’avoir des gens qui te parlent vrai, qui te ressemblent, qui cassent un peu un peu ces codes.
Christophe : Alors je suis d’accord avec toi sur le paraître. Je vois tout à fait ça comme tu viens de le décrire. Maintenant, le bullshit qui va avec ? Parce qu’en fait je ne vais jamais bosser avec Karim dans mon bureau, je vais bosser avec des mecs qui sont sûrement là depuis dix ans, qui sont un peu chiants, d’autres qui vont être sympas, mais si je bosse avec lui en fait. Donc comment c’est crédible par rapport à ça ?
Karim : Ouais, je pense qu’un des sujets, c’est ça. Alors tu vois, les boîtes avec lesquelles moi j’essaie de bosser, il y a toujours un peu ce parallèle de, et de toute façon je leur dis : ça sert à rien qu’on se fasse une campagne vidéo hyper stylée, on se tutoie, on se fait des blagues, et puis à la fin, les candidats, ils vont arriver en entretien et vous allez les vouvoyer, l’ambiance va être éclatée, etc. Donc au final, le tri se fait assez vite et les boîtes sont assez intelligentes pour ne pas commander en vrai de campagnes qui sont à l’opposé total de ce qu’ils font en interne. Ça ne servirait à rien de toute façon.
Rassam : Je suis d’accord, en sachant que j’apporte deux nuances, c’est que tu peux prendre une voie différente. Alors désolé, ce ne sera pas pour bosser avec Karim spécifiquement, mais moi j’oeuvre pas mal, parce que je suis beaucoup en interne, c’est que les entreprises créent leur propre influenceurs ou ambassadeurs ou personnes qui prennent la parole en interne. Et en fait, on peut très bien déjà vouloir le faire en interne en s’inspirant, et peut-être pour lancer la machine avec une première collaboration avec l’externe. Et le deuxième point, c’est que, un peu à l’instar des sujets de diversité dans le recrutement, d’ouvrir les chakras, la façon dont on recrute (…) On a fait une campagne de talents purement marque chez Free, on a pris pas mal d’influenceurs très différents où chacun avait son propre style. Et au final, c’est un peu la loterie quelque part, mais tu prends le pari de dire que dans une boîte de dix, quinze, vingt mille personnes, fort à parier que si ces personnes-là parlent à l’ensemble de la population, ils vont quand même parler à une certaine catégorie de ta boite. Et même si ce n’est pas le cas, en fait, tu découvres juste une autre façon de porter ton message. Parce que même si même si tu vouvoies tout le monde dans toutes tes campagnes marque employeur, que tu es une banque super rigide, fort à parier qu’en interne, il y a des gens qui se tutoient (…)
Karim : Fort à parier… Fort à parier Christophe ! Ouais, je pense également.
Rassam : Fort à parier, oui, ça peut être un format de podcast !
Christophe : Est-ce que tu as eu des retours, à l’inverse, de gens qui t’ont dit : t’es mignon, t’as été joué à Mario Kart – je prends un exemple bidon – et en fait, moi, le mec avec qui t’as été jouer à Mario Kart, premièrement, ça fait 10 ans que je suis dans la boîte, il m’a jamais adressé la parole, deuxièmement, ce que tu décris n’est pas la réalité de ce qu’on vit – je pense que dans ce que je dis, je ne suis pas très loin de la réalité. Est-ce que les mecs le font en se disant : de façon on n’y arrive pas, Karim va nous ramener un vivier de candidats et coûte que coûte, on y va, on s’en fout. Je ne pense pas que tu puisses me dire que c’est totalement faux, ce que je suis en train de te dire. Ce que tu dis, toi, tu me dis oui, de toute façon, en gros, à partir du moment où je suis intervenu, va falloir qu’ils assument. Ça, je l’entends et ça sera un déclencheur, mais…
Karim : Oui. Alors très honnêtement, je peux citer des noms de campagne ou choses que j’ai faites ? Par exemple, si je te prends un BNP Paribas, avec qui j’ai fait une grosse campagne et qui a vraiment été très, très, très, très vue – on approchait des 350 000 vues sur LinkedIn -, et sur 350 000 vues, je me suis dit au bout, il y a tellement de commentaires… Je me suis dis : c’est obligé que… Eh ben oui, y en a eu un, deux, mais à la marge, très très peu. Alors je crois que je te l’avais déjà dit, mais moi par contre je refuse de supprimer un commentaire, je ne supprime aucun commentaire. Si quelqu’un vient et écrit et dit qu’il a ce qu’il a à dire, je le laisse. La marque doit modérer, elle doit répondre, elle fait le choix de répondre ou de ne pas répondre, mais moi je fais le choix de ne supprimer aucun commentaire. Là, ça m’est arrivé avec Decathlon. La marque est tellement canon, j’adore ce qu’ils font en termes de marque employeur et tout mais il y a eu un commentaire de quelqu’un qui était pas content et qui m’a dit : ben ouais mais en interne (…) et je pense qu’en fait il y aura toujours ça, tu auras toujours quelqu’un qui, à la marge, te dira : non, c’est pas ce que j’ai vécu. Tu vois, Karim, dans ce que toi tu racontes, c’est très cool, la culture, elle peut être sympa, les valeurs sont sympas, mais moi, ce que j’ai vécu, c’est totalement l’opposé. Mais au final, c’est assez à la marge.
Christophe : Et du coup, c’est intéressant parce que ça oblige l’entreprise à anticiper ses comportements.
Karim : À être irréprochable…
Christophe : Après, être irréprochable… on ne va pas se leurrer, ça n’existe pas, une entreprise irréprochable, mais au moins, être plus ou moins alignés avec ce qu’on raconte et être capable de dire : OK, on entend que pour toi, ça s’est mal passé. Parce que j’imagine qu’ils la voient, l’information, et qu’ils n’ont pas d’autre choix que de la traiter.
Karim : Exactement.
Rassam : Je pense que c’est des marques qui ont l’habitude de toute façon des mécanismes d’anticipation d’un bad buzz ou de vouloir anticiper les commentaires des abonnés, des clients insatisfaits. Ça, je le vis chez Free, je le vois… À partir du moment où une marque s’expose et laisse une tribune pour les gens, on aura toujours des gens qui vont parler du fait qu’ils n’ont pas internet, qu’ils n’ont pas ci, ne sont pas contents de ça… Donc c’est peut être une marge non représentative de l’ensemble. Mais effectivement, je conseille à la plupart de ceux qui vont là-dedans sur les sujets RH et recrutement, parce que là dessus, ça peut être quand même assez factuel. Autant on peut dire : on est un opérateur, il y a 22 millions et demi qui sont satisfaits, il y en a 500 000 qui peut-être à l’instant T ne sont pas sur ce sujet… En RH, il faut – au moins d’un point de vue leadership je trouve -, dire : OK, on n’est pas encore là où on veut, mais en tout cas la direction, c’est cette direction et là-dessus on est alignés et on veut promouvoir cette direction. Et on commence peut être par la com versus le contenu, mais il faut faire les deux.
Christophe : On va parler du scandale de chez Free maintenant. Non je déconne (rires). Qu’est-ce que ça coûte, une campagne ?
Karim : Beaucoup d’oseille (rires). (…)
Le démarrage, pour du sponso, on va dire qu’à 1 000, on peut commencer à faire un petit quelque chose. Et j’ai des campagnes qui montent à 25 000, 30 000, 40 000, tu vois. Avec de la vidéo, avec de la photo, avec beaucoup de posts derrière, avec peut être du live… enfin, il peut y avoir plein plein de trucs. Mais l’influence aujourd’hui, ça peut être extrêmement extrêmement large. Tu as plein de supports possibles. Tu as plein de réseaux sociaux qui sont possibles, en fonction de tes cibles : est-ce que tu cibles plutôt de la Tech ? Plutôt des opérationnels ? Tout, tout est possible.
Christophe : Toi, c’est quoi ta cible ? En général, ta communauté, c’est une tranche d’âge, c’est quoi ?
Karim : En fait, tu sais, moi j’ai été très étiqueté étudiant. Parce que c’est normal, je fais plein de trucs en école et tout. Sauf que ça fait des années que je fais ça et mes étudiants d’il y a sept ans, sont plus étudiants : ils sont sur le marché aujourd’hui. Donc évidemment, je garde ce truc d’étudiant parce que je bosse avec une quarantaine d’écoles de commerce, d’ingé, d’universités, organismes de formation. Donc c’est assez jeune au final. Mais il y a un truc qui me touche beaucoup, moi, c’est la reconversion. Puisque moi j’ai changé de métier, moi je viens des milieux des cabinets d’avocats et j’ai atterri dans le recrutement complètement par hasard. Et du coup, c’est une population qui me touche. Donc j’essaie toujours de garder ce pied, ce pied-là. Du coup, j’ai plein d’adultes aussi qui ont changé de métier et qui font partie de ma cible.
Christophe : Comment tu mesures l’influence en termes de résultats quand t’es recruteur ? Parce que t’as pas de KPIs, comme quand, je veu dire : voilà, tu utilises un jobboard, t’as ton ATS, tes KPIs, tu sais à peu près ce que ça t’a ramené.
Rassam : C’est vrai que les KPI ou le ROI, comme sur n’importe quelle campagne de communication liée au recrutement, c’est un peu un cauchemar pour toute équipe marque employeur qui doit justifier d’un budget sur combien de recrutements au final on a fait, combien de clics convertis, et cetera. Donc c’est toujours très difficile de s’engager, je trouve. Et toi, tu t’es mieux placé que moi pour le dire, mais je trouve quand même qu’aujourd’hui, si on prend le funel à tous les niveaux, de l’exposition, à la conversion jusqu’au le call to action (…) tu peux quand même avoir des idées. Peut-être pas t’engager, et je pense que toi, tu ne t’engages pas sur un volume mais tu donnes une estimation de ce que d’habitude la data te montre et tu donnes une idée de ce qui est un bon score potentiellement aujourd’hui, en ce moment. Et c’est tellement fluctuant, l’algorithme change tout le temps, et cetera. Donc tu ne peux pas dire : 100K d’impressions, c’est bien ou pas bien.
Christophe : On peut imaginer avoir un process avec un site carrières spécifique, des UTM pour traquer les campagnes et voir potentiellement le nombre de CVs que tu as pu générer.
Rassam : T’as des clients qui te demandent justement à la fin : il faut qu’on ait à recruter une personne.
Karim : (…) Moi, je ne peux jamais m’engager en disant : “T’auras tant”. Comme tu as dis, moi, souvent je dis : sur tel type de campagne je suis souvent à 100K de visibilité, c’est ce à quoi tu dois t’attendre. Tu as des KPIs, comme tu dis, tu peux mettre un lien tracké (…), une landing page ou ce que tu veux, mais je pense qu’il faut un peu sortir de ce côté… Alors évidemment il faut des chiffres, t’as dépensé de l’oseille, tu veux effectivement du chiffre. Mais c’est très compliqué à quantifier tel quel. (…)
Rassam : Surtout je pense notamment sur des sujets comme tes contenus, les nôtres… un contenu qui se veut un peu décalé ou cash ou un peu différent. Déjà, il y a un côté un peu émotionnel entre guillemets, que tu ne peux pas trop estimer, mais tu dis attention là, toute façon, il va y avoir une réaction de votre audience parce que vous allez faire quelque chose de différent d’avant et c’est une super opportunité. Alors là, je reprends ma casquette interne tout le temps de dire que rien ne peut se faire en un coup. Même si tu prends cinq campagnes avec Tonton Karim. Dans l’absolu, si toi même tu n’es pas consistant et régulier sur de la production de contenu d’un programme d’ambassadeurs en interne, c’est la convergence de plein de petites choses qui vont créer un résultat final.
Karim : Et moi je suis très copain avec LinkedIn par exemple. Mais l’algo change h24. Allez, il y a cinq ou six mois, je pouvais faire 150 000 vues sur une vidéo. Aujourd’hui non, parce qu’en fait la vidéo, elle ne va pas se propager de la même manière. Par contre, quand je fais une campagne photo, ça marche de ouf alors que neuf mois en arrière, les campagnes photo c’était cool, mais c’était pas waouh! Et il y a un an en arrière, c’était les carrousels, tu vois, ça change tout le temps.
Christophe : C’est lié au business, ça. L’algo est lié au business. YouTube n’appartient pas à Microsoft. Question à Karim : quand une boîte t’appelle, qui est-ce qui t’appelle ? C’est le marketing, c’est le RH ? Qui est-ce qui prend contact avec toi et qui te connaît en fait ?
Karim : Il y a les deux. T’as des DRH qui me contactent et qui me disent : on a vu telle campagne, c’est canon de ouf, nous, on vient d’avoir une levée de fonds, on va recruter deux ou sur tel type de métier. Donc du coup, une deuxième possibilité, c’est effectivement la direction marketing qui dit : voilà, j’ai vu telle campagne, c’était canon, nous on a envie de redonner une nouvelle image, de parler de tel truc qu’on fait trop bien en interne, on a envie d’une nouvelle manière d’en parler… Donc en fait, c’est ou RH, ou market, parfois les deux, mais ça dépend.
Christophe : Rassam, t’allais dire quoi ?
Rassam : Non, non. J’étais curieux d’avoir sa réponse, parce que c’est une question qu’on peut légitimement se poser : qui sont les décideurs sur ce genre de format ? Parce que c’est nouveau, autant les campagnes marques, c’était souvent la direction générale, la direction de la com qui était à l’initiative. Je pense qu’aujourd’hui, de plus en plus, les équipes recrutement, parce qu’ils font état d’une difficulté d’attirer et de convertir, le message passe à un niveau un peu RH et dans une direction, une boite plutôt saine où la direction RH a sa place à la table, va soumettre cette idée en partenariat avec la com.
Karim : Parfois aussi j’ai des DG.
Christophe : Et quand tu fais une campagne, contractuellement, il y a quoi dans le contrat ? Hormis l’oseille, je pense à un truc où… Tu fais un truc, ça fait un bad buzz. Par exemple, un influenceur fait une campagne, ça fait le bad buzz, l’entreprise se retrouve piégée, ça a un effet totalement inverse. Donc je me dis mais c’est quoi un bon contrat? Comment sont écrits les contrats? Comment l’entreprise est préservée de ça? Est-ce que, même si tu vas me dire non, mais moi j’ai ma liberté de parole, quand même, l’entreprise elle raque (…) Tu vois ce que je veux dire ?
Karim : Tu vois, au début, quand moi je commence, ça, je n’ai pas de recul Donc, comme j’ai pas de recul, moi, je me lance un peu, mais par hasard. On me dit : ouais, ce serait cool que tu fasses une vidéo. Donc mon contrat, au début… un contrat de début quoi. Et puis je me rends compte que je fais les premières erreurs. Et je me souviens de la première vidéo, quand je te dis que j’ai cru que j’allais crever… il y a eu 8 allers-retours. J’ai dit : plus jamais 8 allers-retours. (…) Donc le contrat qui a suivi, j’ai réduit le nombre d’allers-retours. Et puis il y a eu une fois, j’ai pas pu raconter comme moi, j’avais envie de raconter. Je me suis dit : c’est la dernière fois, donc pour toutes les campagnes qui ont suivi, maintenant, c’est une obligation pour mes clients : quand je fais une campagne, je suis libre de raconter ce que j’entends raconter. Évidemment, je ne vais pas raconter un truc que eux ne veulent pas. C’est pas toi qui décide du ton, machin, non. Sinon, tu prends quelqu’un d’autre. Mais si tu prends Tonton Karim, c’est que tu me laisses libre parce que sinon ça n’a aucun sens. T’imagines, j’ai publié un truc où ce n’est pas moi qui parle réellement ? Donc maintenant, c’est vraiment mon ton, mon discours. J’écris en fait. Je montre au client, je dis : voilà mon script, est ce que c’est ok pour toi? Est-ce qu’il y a peut être des mots qui ne vont pas (…) mais je veux que ça reste vrai parce que sinon les gens vont arrêter de nous suivre, ça n’a aucun intérêt.
Christophe :Oui, il faut que ce soit de ma personne. Mais tu te bases sur un script que le client va valider (…)
Karim : Oui, quand même.
Christophe : Ok, comment tu vois ça toi, Rassam ?
Rassam : J’allais demander, parce que effectivement, je pense que la prise de risque est mutuelle et on peut pas prédire d’un bad buzz, donc… de là à attaquer l’influenceur parce qu’il y a un bad buzz. Je ne sais pas s’il y a eu des jurisprudences, ce serait intéressant, mais je pense que les choses qui se battent souvent de ce que j’ai pu voir, moi, en tout cas des deux côtés de la barrière, c’est le contenu qui peut en jouir et qui peut l’utiliser. Est ce que c’est Karim qui l’utilise sur ses réseaux et parle au nom de l’entreprise de l’entreprise? (…)
Karim : Déjà pour les utilisations? Oui, c’est-à-dire que je sais que par exemple, en amont, je sais que je vais l’utiliser en tant que moi même et que du coup, la marque va l’utiliser en tant qu’auteur, en tant que partenariat sur tel type de page, c’est déjà écrit. Et après? Pour les bad buzz, celles de base, on s’est un peu franchi, on n’est pas tombé dessus. C’est un peu les sujets où vraiment ça cacahuète et des sujets où. Moi je ne veux pas aller que (…) par exemple d’écologie. Tu sais que c’est choquant? Hmm, tu sais, je sais, on sait pas ce que je veux dire. Tu sais que si tu commences à mettre un yep là dedans, tu vas te faire tabasser. Et puis comme surtout je sais que les boîtes avec lesquelles je collabore. Ce n’est pas parfait. Personne n’est parfait, on n’est pas parfait. En matière d’écologie. Je ne veux pas quand je veux pas, mettre un pied là dedans. Il n’y a pas longtemps, je vous donne un truc. J’ai fait une campagne, pas une vraie campagne, mais j’ai fait la voiture, la oui, la Ford Mustang. J’ai dit si ça n’avait pas été électrique, je n’aurais pas fait, en thermique, je ne l’aurais pas fait. C’était électrique avec tout ce que ça peut comporter aussi de (…) donc je fais la campagne, je dis : c’est quitte ou double. Le nombre de personnes qui m’a dit La campagne est canon, mais j’ai bien vu là le reach. Parce que les gens n’ont absolument pas liké cette vidéo ni la commentent. J’ai eu plein de gens qui m’ont dit : la vidéo est canon. Je dis mais t’as pas liké, pas commenté. (…) et j’ai fini par recevoir un message.
Karim : Il y a un message et je me suis dit Tu sais quoi? C’est exactement l’image de ce que tu as dit tout à l’heure. Mais le mec me dit : écoute Karim, moi je suis pas content parce que tu as fait une vidéo où tu conduis. En plus, tu as une aura pour les jeunes et tu conduis et en même temps tu mènes une interview. Ben oui, mais quand je conduis, je parle moi même au volant pour moi tout seul, je parle aussi et il me dit je trouve que c’est pas cool. En plus, c’est une voiture de luxe, une grosse berline. Bon ben moi j’adore les voitures, j’étais très content de faire cette campagne, mais ça peut pas plaire à tout le monde. Ça aurait pu mener à un bad buzz mais ça n’a pas été le cas, mais… tu vois ce que je veux dire.
Rassam : Mais est-ce que c’est parce que tu n’es pas toi même, tu te sens peut être pas assez expert sur le sujet pour aller plus loin en disant mais ouais, c’est une terre mi thermique hybride… Alors que sur les sujets RH ils ne sont pas parfaits non plus, j’imagine. BNP, c’est pas…
Karim : Non, mais en plus moi je peux t’en parler de voiture. Il n’y a aucune solution pour l’instant. C’est une voiture individuelle, donc partant de là…
Christophe : C’est un exemple comme un autre, je suis d’accord avec toi. Quand je fais des posts sur le handicap, j’ai quasiment pas d’interaction. Et tu sais pourquoi? Parce que les RH me disent : en fait, si j’ai interagi et que j’ai un salarié qui estime que je ne suis pas valable pour le faire, alors on va se faire défoncer. Donc dès que tu fais un poste, diversité, en général, ben t’as moins d’interaction, c’est parce qu’ils ont peur (…) de la part des RH. Mais c’est logique, ils se disent oui, on est d’accord, ils me disent on est d’accord avec ce que tu écris, mais par contre, c’est dangereux de venir interagir. C’est le même délire en fait que ton histoire de voiture et d’écologie.
Rassam : Mais je pense que c’est en fait, c’est le sens de l’histoire où on a de plus en plus de sujets de mœurs. C’est de devoir se positionner en tant que dirigeant d’entreprise. On est amené à devoir le faire. Alors certes, on pourra toujours un tout petit peu esquiver. Mais je prends l’exemple : le sujet de la diversité à travers l’égalité des chances, à travers la place des femmes dans le monde de la tech, la représentation des handicapés, etc. Bon, c’est… même le voile, par exemple, le voile dans le monde du travail… Une fois que par exemple, une entreprise a voulu, parce que c’est réel dans sa boîte, dire voilà nous le voile c’est pas un sujet (…) Pas mal de boîtes l’ont fait le lendemain et un sujet comme l’abaya à l’école, certaines personnes s’attendent à ce que l’on prenne (…) Alors évidemment là c’est l’école de l’entreprise, mais de plus en plus ça va être chaud. Je pense qu’il faut et il faut être prêt à au moins savoir. On peut avoir de la répartie dessus, parce que ça va faire, ça va faire gros.
Karim : Et tu sais, il y a vraiment ce truc de LinkedIn n’est pas Facebook. LinkedIn n’est pas Facebook, mais tout le monde a envie de raconter sa life dessus. C’est à dire que là où il y a dix ans sur tout était très feutré. Attention…
Christophe : Ce n’est pas une problématique de réseau social, ça, c’est dans l’air du temps post-covid où les gens ont changé. Ont envie de dire ce qu’ils pensent, on est plus là-dedans.
Christophe : Alors pour finir, je posais la question à Rassam comment on rate pas le coche de l’influence? Et toi, en tant que RH, est-ce qu’il ne faut pas rater le coche de l’influence RH?
Rassam : Je pense qu’il ne faut pas rater, alors je dirais pas influence RH parce que déjà tu perds la moitié de ton audience, parce que tu as dit influence. Mais il ne faut pas rater l’opportunité de continuer à créer du lien avec ton audience cible, tes collaborateurs dans ton entreprise, tes candidats. Comme on avait à un moment donné travaillé sur le sujet du sourcing, l’hyper personnalisation du sourcing, d’utiliser de la data et de l’automatisation dans les sujets RH. Aujourd’hui, je pense que plus personne va dire est-ce qu’il faut rater ou pas.. Et donc pour moi c’est clairement pas un débat. Il faut absolument savoir dans son entreprise qui est bon dans cet exercice. S’il n’y a pas assez de valeurs de réciprocité avec nos valeurs marque, il faut les créer pour pouvoir communiquer sur ces sujets et être bons. Et je pense que oui, il faut absolument y aller.
Karim : N’hésitez pas à DM Tonton Karim. Allez bisou bisou.
Christophe : Eh bien merci Rassam, merci Karim.
Karim : Mais avec plaisir.