Paris, le 25 février 2015. De plus en plus d’entreprises conçoivent et communiquent autour de programmes de pilotage des talents. D’où vient cette tendance selon vous ?
En 1997, une enquête de Steven Hankin du cabinet McKinsey, intitulée « La Guerre des Talents », a fait l’effet d’un électrochoc en prédisant que les entreprises auraient de plus en plus de mal à recruter et fidéliser leurs meilleurs collaborateurs. Et qu’elles verraient, sans politique RH en ce sens, chuter leur compétitivité. Repris allègrement par les cabinets de conseil et les instituts de formation, le concept de « gestion des talents » est devenu le signe d’une certaine maturité RH. Pour autant, les grandes entreprises se sont principalement concentrées sur leurs « hauts potentiels », c’est-à-dire les salariés identifiés – souvent sans règles objectives claires – pour être les dirigeants de demain, qui représentent moins de 5% des effectifs. Démarche très démotivante pour les 95% restants qui, pourtant, ne déméritent pas et qui produisent les résultats de l’entreprise au quotidien… Ce n’est que plus récemment – notamment après la crise financière de 2008 dans un contexte exacerbé d’incertitudes et de vulnérabilité économique, que la volonté de réengager l’ensemble des salariés a poussé les entreprises à repenser leurs programmes dans une logique de « nous avons tous du talent ».
Mais la notion de « gestion des talents » n’est-elle pas un simple outil marketing afin de mieux vendre en interne et en externe la politique RH de l’entreprise ?
A titre personnel, je crois que la gestion des talents est une démarche vertueuse qui incite les managers à anticiper comment le salarié à son poste peut exprimer ses talents, soit en développant ce dernier, soit en adaptant ou en transformant le poste. C’est une politique qui vise à améliorer la performance de l’organisation à court et à long terme, en permettant également l’épanouissement des salariés. L’entreprise est donc parfaitement en droit de valoriser cette démarche, tant en interne qu’en externe ! Il s’agit cependant d’une politique difficile à mettre en œuvre concrètement et qui demande du temps pour donner des résultats. Il ne faut être ni angélique, ni cynique, et communiquer sur des faits.
Selon vous, quelles sont les bonnes pratiques à mettre en place en matière de gestion des talents ?
La gestion des talents repose sur une chaîne de valeurs que j’élargis sans complexe : de la marque employeur vers le recrutement, puis l’intégration, le développement et la formation, la mobilité, la rémunération, l’engagement, les plans de succession et le management intergénérationnel. La condition essentielle de succès d’une telle politique repose sur l’alignement et la cohérence des différents maillons de la chaîne, dans le respect des valeurs de l’organisation et de ses cultures. Sans cette cohérence, aucune chance : par exemple, prôner le travail en équipes et rémunérer la performance individuelle; ou encore viser la mixité et laisser s’installer des plafonds de verre ! C’est pourquoi je recommande de toujours passer les processus RH « à la toile émeri », c’est-à-dire plonger pour regarder la qualité de la trame de ces processus et, si besoin, reconstruire quelque chose de solide et de cohérent.
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Ingénieur civil et Docteur de l’École des Mines de Paris, auditeur du Centre des Hautes de Développement Économique (CHEDE) et ancien DRH de grands groupes internationaux, Hervé Borensztejn possède une longue expérience du leadership, du management international et du développement des Ressources Humaines. Directeur du développement RH de Vivendi (1997-2000), senior vice-président en charge du développement des RH et des compétences au sein du groupe EADS (2001-2010), Hervé Borensztejn a notamment été jusqu’en 2012 vice-président exécutif en charge des RH et de la communication du groupe Converteam / General Electric Power Conversion, avant d’intégrer le cabinet Karistem en tant que directeur associé du Pôle RH. Il est également professeur associé en ressources humaines à l’université Paris II (Panthéon-Assas) et intervenant à l’ENA et à l’Essec.
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Karistem en quelques mots
Karistem est un cabinet de conseil en stratégie, transformation et excellence opérationnelle. Depuis 2004, Karistem élabore et met en œuvre les grands projets de transformation portés par les Directions Générales visant à améliorer la compétitivité du cœur de métier et / ou à aligner les fonctions support sur la stratégie de l’entreprise. La méthode Karistem est orientée résultats et met l’humain au cœur de chaque transformation. Karistem s’engage d’une part sur l’implication et l’appropriation du changement par le plus grand nombre et, d’autre part, sur des résultats rapides, majeurs et durables.