J’ai eu un étrange appel téléphonique avec une connaissance, dirigeant d’une société de conseil RH, qui m’expliquait que selon lui le télétravail est une formidable opportunité pour son entreprise. En bref, pour lui le télétravail va permettre de rationaliser les effectifs et donc de faire des économies à court terme. Voici la teneur de ses propos surréalistes que nous avons organisés en arguments et ce que nous en pensons.
Argument 1 : “Le télétravail c’est parfait pour repérer les salariés qui ne font rien !”
Ce dirigeant m’explique que l’un des grands atouts du télétravail, c’est de pouvoir évaluer très rapidement, la capacité des collaborateurs à s’adapter à leur environnement, à mesurer leur productivité et donc à savoir s’ils sont fiables et pertinents. « Eh oui, ils ne peuvent plus se cacher derrière un collègue ou rester assis en réunion à ne rien faire, en télétravail, on ne peut plus se cacher, on voit tout de suite ceux qui bossent et ceux qui sont aux abonnés absents.»
Ce que j’en pense
Effectivement, il est difficile de se cacher en télétravail, mais il est difficile également de se mettre au télétravail dès le 1er jour. Peut-être serait-il bon de prendre le recul nécessaire et de laisser quelques jours, voire semaines aux salariés pour s’adapter et trouver leurs marques. Chaque individu va réagir différemment à son environnement de travail, il n’est en rien question de compétence ou de savoir-faire. Certains salariés auront besoin de plus de temps pour s’adapter certes, mais ils redeviendront performants aussitôt les habitudes installées.
Argument 2 : “Plus besoin d’évaluer, on va pouvoir licencier sans être inquiété !”
L’interlocuteur ajoute «J’avais déjà des doutes sur l’implication de certains salariés, maintenant c’est sûr, je vois bien qu’ils ne travaillent pas. De toute façon il faudra réduire les effectifs à la sortie de crise, voir qui travaille ou pas nous permettra de faire le tri, d’ailleurs nous avons commencé à faire une liste en anticipation de la fin de la crise, personne ne viendra vérifier ces détails dans un contexte pareil».
Ce que j’en pense
Ce genre de réaction à chaud, va totalement à l’encontre des droits des salariés. Par ailleurs l’objectif de l’évaluation n’est pas seulement de déterminer si le salarié est à même de remplir les fonctions qui lui sont demandées, mais aussi de définir de possibles besoins de formation, des évolutions de carrière ou des projets de mobilité interne.
Pour remettre la situation en contexte, il faut bien comprendre que ce dirigeant, comme de nombreux en France, vit aux crochets de prêts consentis généreusement par la BPI. Les effectifs de son entreprise ont donc rapidement augmenté en très peu de temps. Comme les objectifs de chiffre d’affaires ne sont pas au rendez-vous et que le résultat n’est pas à la hauteur de ce qui avait été prévu, le chef d’entreprise devra rapidement optimiser les effectifs s’il souhaite montrer un bilan positif dans le cadre d’une nouvelle demande de financement.
Cette discussion est-elle un fake ou non ? Ce qui est certain c’est qu’elle laisse à méditer et que cette entreprise n’a de toute évidence ni garde-fou ni DRH !
Didier RHabilleur