Soudainement le temps s’est accéléré, distordu. Une accélération si rapide et tellement euphorisante qu’elle a séduit jusqu’aux gardiens du sacro saint principe de précaution. Alors qu’il fallait plusieurs mois au début du XXème siècle pour traverser l’océan et négocier un contrat à New York, une demi-seconde suffit désormais pour envoyer une proposition commerciale de Paris à Pékin. Les limitations technologiques et les barrières commerciales sont tombées, la liberté est à portée de clavier, l’homme est un génie.
A posteriori, des faits divers choquants et des statistiques récurrentes nous proposent cependant une autre lecture de cette évolution. Suicides sur le lieu du travail, troubles de l’adaptation, épidémie de dépressions et épuisements professionnels se multiplient en France et ailleurs. Avez vous parlé de votre burn out à votre grand mère ?
« Dans un monde globalisé, il faut courir pour survivre ».
Joseph Stiglitz (prix Nobel d’économie)
Courir pour survivre, est-ce là notre destin ? Courir dans la réalité du monde du travail, signifie faire plus avec moins, évoluer et s’adapter continuellement au changement. Mais vitesse accrue signifie également vigilance décuplée et prise de risque majorée, demandez aux pilotes.
Ainsi le nouveau crédo du manager est désormais la conduite du changement. Les collaborateurs doivent s’adapter (vitesse, précision et enthousiasme exigés s’il vous plait) aux changements de stratégie des concurrents, à la volatilité des fournisseurs, aux nouvelles règles réglementaires, aux évolutions technologiques. Mais comment lutter contre la résistance au changement quand cette dernière est causée par notre épuisement ? Comment s’adapter alors que la résistance est chez les êtres humains une réponse naturelle à l’incertitude par ailleurs désormais généralisée? C’est notre être tout entier et ses mécanismes de défense innés qui semblent désormais refuser la course infernale.
Ivres de ce progrès qui flatte nos sens et notre satisfait désir de possession, nous avons oublié de nous poser une question, pendant combien de temps pouvons-nous encore « courir » ? Plus très longtemps sans doute, puisque l’adaptation au changement a ses limites, celles de notre corps. Non pas que ce dernier ne sache s’adapter, mais l’évolution s’observe à l’échelle de siècles et non à la cadence survoltée de l’internet.
Quelle autre voie alors? La réponse semble simple, si simple. Observons combien cette notion d’adaptation au changement relève la pure schizophrénie, puisque c’est l’esprit de l’homme qui est à l’origine de ces changements qui sollicitent tant nos capacités d’adaptation. Nous souffrons de ne plus pouvoir nous adapter aux changements que nous avons nous mêmes désirés, imaginés, conçus. Au rythme où vont les choses il est plus que probable que la conduite du changement doive avant tout passer par le changement de notre conduite.
Guillaume Pertinant
Consultant et formateur, Guillaume Pertinant est passionné par la problématique de l’audit et du management social en entreprise. Son sujet de prédilection est l’accompagnement de projets d’amélioration des conditions de travail. Il s’intéresse en particulier à la prévention du stress, de l’absentéisme et de la démotivation ainsi qu’au chiffrage de leur coût économique pour l’entreprise.
Guillaume est ingénieur Télécom, titulaire d’un MBA (EDHEC), coach certifié (IDC Genève) et formé à l’accompagnement de projets d’amélioration des conditions de travail à l’ANACT.