Selon une étude récente de Malakoff Humanis, la santé des femmes se dégrade sur les plans physiques et psychologiques. Et ce, en dépit du fait que les salariés se déclarent plus satisfaits de leur qualité de vie au travail.
Dans un autre rapport, la délégation aux droits des femmes propose toute une série de recommandations pour améliorer la santé des femmes au travail. Elle souligne entre autres la nécessité de revoir les critères de pénibilité en l’adaptant à la réalité des risques professionnels chez les femmes.
Dans cet article, découvrez les résultats de nouvelles études ayant choisi de se pencher sur la santé des femmes au travail, à l’instar de la délégation des droits des femmes au Sénat qui évoque un « sujet encore largement méconnu voire ignoré par les pouvoirs publics comme par les employeurs ».
Éclairages.
État des lieux de la santé des femmes au travail
La 14e édition du Baromètre Santé au travail de Malakoff Humanis vient de paraître. Il en ressort que si les salariés se disent de plus en plus satisfaits de leur qualité de vie au travail (on parle aussi de QVCT), la santé des femmes se détériore, sur les plans physiques et psychologiques.
En effet, si la grande majorité des salariés déclare être en bonne santé (62 % des femmes et 68 % des hommes), ce chiffre baisse régulièrement depuis 2011, de manière un peu plus marquée chez les femmes. Plus précisément, si 70 % d’entre elles se disaient en bonne santé en 2011, elles étaient 67 % en 2018 et 65 % en 2022 à l’être, tandis que sur ces mêmes périodes, ce taux chez les hommes se maintenait autour des 70 %.
En matière de santé physique, Malakoff Humanis souligne que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à se dire en mauvaise santé sur ce plan (41 % vs 34 %) malgré un meilleur suivi médical par ailleurs. En ce sens, un récent rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat indiquait encore que 60 % des personnes atteintes de TMS (troubles musculo-squelettiques) sont des femmes.
En matière de santé psychologique, le baromètre Malakoff Humanis souligne que près de la moitié des femmes se déclare en mauvaise santé, avec un pourcentage de plus de 12 % par rapport aux hommes (respectivement 44 % vs 32 %). À cet égard, plus d’une salariée sur 2 dit avoir souffert de troubles psychologiques au cours des 12 derniers mois. Ces troubles peuvent être associés à la dépression ou à des troubles de l’humeur, des troubles anxieux, mais aussi à un traumatisme, au stress ou encore à l’épuisement professionnel.
À ce propos :
- 1 tiers des salariés (hommes et femmes) concernés attribuent leur mauvais état de santé psychique à des causes professionnelles ;
- 1 tiers à des origines personnelles ;
- 1 tiers aux deux.
Concernant les origines personnelles, on observe une tendance chez les femmes à s’inquiéter de leur santé financière (13 % de plus que chez les hommes). Un phénomène qui peut s’expliquer par une tendance au travail à temps partiel qui concerne 17 % des femmes contre 7 % des hommes, et la situation de monoparentalité. À cet égard, l’INSEE rappelait que si 25 % des familles étaient concernées par cette situation en France, celle-ci était assumée par une majorité de femmes (85 %). Les salariées interrogées dans le cadre du baromètre de Malakoff Humanis se disent de plus en plus inquiètes face à la situation financière de leur foyer (42 % vs 33% pour les hommes ; +7 points par rapport à 2022), et seraient davantage préoccupées par l’avenir de leurs enfants qu’auparavant (41 % vs 33 % pour les hommes ; + 9 points par rapport à 2022).
Concernant les origines professionnelles, les salariées évoquent l’intensité et le temps de travail (à 65 % contre 59 % chez les hommes ; + 7 points par rapport à 2022), et la dégradation des rapports sociaux au travail (41 % vs 38 %).
Toujours à propos de la santé psychologique des femmes, les chiffres du rapport de la délégation aux droits des femmes montrent ces dernières feraient état de 3 fois plus de signalements de souffrance psychique.
La pénibilité des métiers chez les femmes
Dans une étude publiée par la Dares en début d’année, le service statistique analyse 74 conditions de travail de femmes et d’hommes salariés issus de 88 professions. S’il en ressort que les hommes sont plus exposés aux métiers à pénibilité physique, les femmes seraient quant à elles davantage exposées aux RPS en entreprise. Ainsi, la Dares explique que les femmes exercent la plupart du temps des métiers liés au service, exposant à des contraintes en matière d’organisation du temps de travail, mais aussi à des « exigences émotionnelles et/ou une faible latitude décisionnelle. »
Mais dans les métiers mixtes et dans les métiers à prédominance féminine ou masculine les plus exposés à tout type de risque, les femmes sont aussi plus confrontées que les hommes aux conflits de valeurs et à un manque d’autonomie et, à durée de travail identique, à un travail intense et à un manque de soutien et de reconnaissance.
En outre, le baromètre Malakoff Humanis fait état d’une surreprésentation de femmes dans le secteur de la santé et du médico-social, « l’un des secteurs les plus pénibles physiquement et psychologiquement », qui serait à l’origine d’une hausse de l’absentéisme de 10 points par rapport à 2022.
C’est précisément dans les métiers de la santé et de l’action sociale — où 67 % des salariés sont des femmes —, que l’on serait en moins bonne santé que la moyenne. En effet, près de la moitié des salariés de ce secteur se jugent en mauvaise santé physique, contre 37 % des collaborateurs de tous secteurs confondus. C’est aussi le cas en matière de santé psychologique (45 % contre 38 % pour l’ensemble des salariés de tous secteurs).
Selon Malakoff Humanis, c’est d’ailleurs dans ce secteur que la part des collaborateurs ayant bénéficié d’un arrêt de travail est la plus importante (63 % vs 50 % tous secteurs confondus).
Le rapport de la délégation aux droits des femmes dresse également un panorama des risques professionnels auxquels les femmes sont exposées, avec un focus sur 4 secteurs où les femmes sont surreprésentées. Sans surprise, on retrouve :
- les métiers du care ;
- les professions du nettoyage ;
- le secteur de la grande distribution ;
- mais aussi les métiers dits de représentations (mannequins, hôtesses d’accueil).
Santé des femmes au travail : comment agir ?
Que peut faire l’entreprise pour améliorer la santé des femmes au travail ? Est-elle par ailleurs légitime à s’occuper de la santé de ses salariés, et notamment de celle des femmes au travail ?
Malgré les attentes des salariés, pour seulement la moitié d’entre eux, le manager s’intéresse à leur santé mentale. Agir sur la santé mentale semble compliqué pour certaines entreprises car elle paraît relever de l’intime mais il n’y a pas de santé sans santé mentale. C’est un enjeu majeur et des solutions existent.
Mais la santé des collaborateurs et collaboratrices va au-delà des enjeux légaux : le bien-être des salariés est étroitement lié aux enjeux liés à la RSE d’une part, à la performance de l’entreprise d’autre part.
Alors, comment les entreprises peuvent-elles agir ? Peut-être en proposant :
- Un service de soutien psychologique en cas de difficultés personnelles ou professionnelles (65 % des femmes et 57 % des hommes souhaiteraient en bénéficier selon Malakoff Humanis), ce que propose par exemple moka.care qui a développé des solutions de prévention des RPS à destination des entreprises ;
- Des dispositifs liés à la gestion du stress (70 % vs 55 %) ;
- Un accompagnement en cas de maladies graves (à 71 % pour les femmes) et au moment d’un retour au travail après un arrêt maladie (64 % ; +6 points par rapport à 2022).
Mais ce n’est pas tout : si les femmes sont particulièrement exposées aux situations de monoparentalité (INSEE), accompagner la parentalité en entreprise pour les femmes et les hommes peut en ce sens constituer une piste d’action précieuse.
- À ce propos, Choisir Ma Crèche propose son aide aux parents salariés désireux de trouver un mode de garde fiable pour leur enfant afin qu’ils puissent reprendre le travail dans les meilleures conditions.
En outre, il peut être intéressant, pour les métiers qui le permettent, de repenser les modes de travail en proposant aux salariés, de manière générale, davantage de flexibilité.
Enfin, notons qu’il est nécessaire de lutter contre les discriminations qui touchent notamment les femmes au travail, ce qui implique un travail de déconstruction des stéréotypes sexistes, et des sanctions en matière de violence ou de discrimination sexiste dans la sphère professionnelle y compris. À ce propos, la délégation aux droits des femmes indique que 20 % des femmes ont subi au moins un fait de violence (agression, harcèlement, violence sexuelle et sexiste) dans le cadre de son travail au cours de l’année écoulée.
- Au sujet des discriminations, lorsque des salariées sont concernées par un congé maternité, elles doivent être en mesure de connaître leurs droits en la matière. Tout récemment, Publicis a été condamnée à verser 500 000 euros d’indemnités à une ex-salariée pour un licenciement lié à la grossesse.
Ainsi, parmi les 23 recommandations établies par la délégation aux droits des femmes pour améliorer la santé des femmes au travail, on retrouve par exemple la nécessité de :
- Garantir une meilleure communication des employeurs auprès des femmes enceintes quant à l’ensemble de leurs droits durant une grossesse ;
- Revoir la liste des critères de pénibilité en l’adaptant à la réalité des risques professionnels féminins ;
- Encourager l’accès de toutes les femmes aux services de prévention et de santé au travail dans le cadre de leur vie professionnelle.
En outre, le rapport de la délégation aux droits des femmes explique que les affections spécifiquement féminines ne sont pas prises en compte dans les politiques publiques de santé au travail, bien qu’elles aient des conséquences directes sur la vie professionnelle des femmes. Les sénatrices à l’origine de ce rapport réclameraient donc une réflexion autour de l’adaptation des conditions de travail à :
- La symptomatologie de la ménopause (14 millions de femmes seraient concernées) ;
- L’endométriose (10 % des femmes en âge de procréer seraient sujettes à ces douleurs chroniques, équivalant à 1,5 à 2,5 millions de personnes).
Ce rapport plaide aussi en faveur de la reconnaissance des cancers du sein et des ovaires en maladie professionnelle.
Pour en savoir plus, retrouvez :
- le rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat ;
- la 14e édition du Baromètre Santé au travail de Malakoff Humanis, et son éclairage sur la santé des femmes ;
- le rapport de la Dares (Conditions de travail et mixité : quelles différences entre professions, et entre femmes et hommes ?)