Jeudi 16 mars, le président de la République Emmanuel Macron et la Première ministre Elisabeth Borne ont eu recours à l’article 49.3 sur la réforme des retraites. Un recours qui a suscité l’indignation du côté de l’opposition et qui cristallise toutes les tensions déjà existantes à l’Assemblée nationale et dans le pays, à l’heure où les mobilisations et les grèves battent leur plein et après l’adoption par le Sénat de l’index senior et du CDI senior pour les plus de 60 ans dans le cadre de la réforme des retraites. Mais en quoi consiste le 49.3 exactement ? Qu’implique-t-il concernant la réforme des retraites ? Les députés ont-ils encore une marche de manoeuvre ? Que reprochent les oppositions au recours à cet article ? Les explications de myRHline.
Retraites : qu’implique le recours au 49.3 du gouvernement Macron ?
Selon le site Vie Publique, « Dans le cadre de l’examen d’un projet de loi en séance publique à l’Assemblée nationale, l’article 49 alinéa 3 (49.3) de la Constitution peut permettre l’adoption sans vote d’une loi. »
Autrement dit, lorsque l’on a recours à l’article 49.3, la discussion qui porte sur le texte de loi est suspendue et le texte est déjà considéré comme adopté sans vote, sauf si un groupe d’opposition dépose une motion de censure dans les 24 heures.
La Première ministre Elisabeth Borne, en première ligne hier, a annoncé l’usage du 49.3 dans une ambiance pour le moins sous tension avec les différents groupes politiques de l’opposition. Des motions de censure devraient alors être déposées dans le cadre de la réforme des retraites.
Ce n’est pas la première fois que le 49.3 est utilisé en France.
Historiquement dans la cinquième République, la procédure de l’article 49.3 a été utilisée 99 fois depuis 1958 par les Premiers ministres, indiquait France Bleu : « La dernière fois qu’un Premier ministre a utilisé l’article 49.3, c’était donc le 17 décembre 2022 : Elisabeth Borne avait déclenché la procédure du 49.3 devant l’Assemblée nationale pour la dixième fois en quelques semaines. » En outre, Edouard Philippe avait engagé la responsabilité du gouvernement pour l’adoption sans vote de la réforme qui concerne la retraite (février 2020). Par ailleurs, notons que Manuel Valls avait eu recours à cet article à 6 reprises pour la loi Travail et la loi Macron, entre 2014 et 2016. « Mais le recordman incontesté du recours au 49.3 reste Michel Rocard. Entre 1988 et 1991, celui-ci l’a utilisé à 28 reprises. Édith Cresson (1991-1992), Jacques Chirac (1986-1988) et Raymond Barre (1976-1981) l’avait eux utilisé huit fois chacun », rapporte le média de la vie locale.
Dans un contexte où la réforme des retraites suscite de vives passions, Emmanuel Macron a justifié l’usage de cet article pour faire passer la réforme des retraites sans vote à l’Assemblée nationale par des « risques financiers » qu’il estime trop grands si un rejet avait eu lieu.
Pour Olivier Dussopt, ministre du Travail, le recours à l’article 49 alinéa 3 concernant la réforme des retraites ne serait « pas un échec ».
Réforme des retraites et usage du 49.3 : un contexte politique sous tension dans tout le pays
Pour l’heure, les syndicats viennent d’annoncer une journée de grève et de mobilisation pour la journée jeudi 23 mars prochain contre le recours du gouvernement à l’article 49.3 sur la réforme des retraites. Jeudi 16 mars, des manifestations ont eu lieu place de la Concorde, « où le calme est revenu en début de soirée », indiquait le journal Le Monde. De nombreux rassemblements ont eu lieu en France hier, à Paris, mais aussi dans d’autres grandes villes françaises telles que Grenoble, Lyon, Marseille ou encore Bordeaux.
En outre, la cheffe de l’exécutif Elisabeth Borne s’est d’ailleurs dite « très choquée » par les huées suscitées par l’opposition au sein de l’hémicycle de l’Assemblée nationale alors qu’elle engageait dans son annonce la responsabilité du gouvernement sur la réforme des retraites par l’usage du 49.3.
Pour TF1, la Première ministre a en effet déclaré hier ne pas avoir été en colère mais très choquée. « Le Parlement, l’Assemblée nationale, c’est le lieu du débat. Si on ne veut pas s’écouter, ça traduit le fait qu’un certain nombre de groupes ne respectent pas nos institutions (…). Le chaos, le désordre ce sont les Français modestes qui en paient les conséquences », a t-elle soutenu, aujourd’hui fragilisée au lendemain de cette annonce plus que controversée concernant le sujet houleux des retraites.
Sur le terrain, des étudiants se sont mobilisés près de l’Assemblée nationale comme de nombreux autres Français. C’est le cas de Lucie et d’Etienne qui se disent « choquées, abasourdis » par ce recours. Place de la Concorde, Olivier, Marie-Emmanuelle et Loïc, tous les trois professeurs de sciences politique à Paris-I ont rejoint le cortège depuis la place de la Sorbonne hier après-midi. Selon Marie-Emmanuelle, « quand les conflits sociaux sont vainqueurs, c’est grâce à ce genre de mouvements spontanés, des modes d’action pacifistes qui remettent de la sociabilisation ».
Du côté de la SNCF, le recours au 49.3 dans le cadre de la réforme des retraites, a galvanisé les syndicats. A Paris Sud-Est, le secteur gare de Lyon, SUD-Rail, CGT, UNSA, qui appelle depuis 11 journées à la grève reconductible, a prévu de proposer ce vendredi aux employés de reconduire le mouvement jusqu’à la journée de lundi.
En bref, l’intersyndicale a appelé à une 9ème journée de grèves et de mobilisations liée aux retraites jeudi 23 mars prochain, dénonçant dans son communiqué un passage « en force » du gouvernement et la responsabilité de l’exécutif dans la « crise sociale et politique qui découle de cette décision ».
Des motions de censure en réponse à l’usage du 49.3
Ce vendredi 17 mars, les oppositions disposent d’encore quelques heures pour déposer leur motion de censure (jusqu’à 15h20 précises).
Lundi, des motions de censure devraient être examinées dans le cadre de la réforme des retraites face au recours du 49.3. Pour qu’une motion de censure soit effectivement adoptée, une majorité des membres de l’Assemblée nationale doit voter pour.
« Une seule motion de censure pourrait éventuellement être menaçante : celle du groupe centriste LIOT, Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires. S’il s’agit d’une initiative du plus petit groupe de l’Assemblée nationale, 20 députés, c’est bel et bien l’unique motion susceptible de recueillir les voix des députés de la Nupes comme celle des élus du Rassemblement national. Mais attention à certaines conditions. Pour aboutir, la motion transpartisane doit recueillir la majorité absolue, soit 287 voix », rapportait Europe 1 au sujet du 49.3 et des retraites.
Cela signifie que les seules voix des députés de la Nupes, du groupe Liot, du Rassemblement national et des personnes non-inscrites ne sauraient suffire. Cet ensemble de voix d’oppositions ne représenteraient que quelque 260 voix ou un peu plus aujourd’hui. Les votes des députés Républicains pourraient bien être décisifs dans le cadre du sujet des retraites qui suscite de vifs débats. Il manquerait une vingtaine de voix pour que la motion de censure soit adoptée, soit 287 voix, puisque 573 députés siègeraient actuellement au Palais Bourbon.
Une affaire à suivre qui cristallise toutes les tensions politiques et sociales autour de la réforme des retraites et du recours récent à l’article 49.3 annoncé par le gouvernement d’Emmanuel Macron hier par Elisabeth Borne.
Crédit photo : Jacques Paquier