Face aux catastrophes ou situations d’urgence, il arrive que des collaborateurs souhaitent s’engager sur le terrain. Pour que cette mobilisation soit réellement utile, l’entreprise a tout intérêt à anticiper en structurant un programme de volontariat de crise adapté. Une démarche qui soulève des enjeux d’organisation, de coordination et de communication interne.
Volontariat de crise en entreprise : définition, critères et bénéfices d’une démarche encadrée
Le volontariat de crise désigne l’engagement ponctuel de collaborateurs sur des missions exceptionnelles liées à une situation d’urgence, en dehors de leurs fonctions habituelles. Cinq critères peuvent le définir :
- démarche individuelle volontaire ;
- service non rémunéré ;
- engagement formalisé ;
- le bénéficiaire est autre que l’intéressé et la participation est intentionnelle.
Loin d’être un constat d’échec des systèmes traditionnels, la mobilisation interne face à une crise peut renforcer la cohésion d’équipe et refléter la maturité d’une entreprise face à l’imprévu. Lorsqu’il est encouragé et encadré, le volontariat devient un signal fort de solidarité et de responsabilité.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 90 % des salariés ayant eu la possibilité de participer à une initiative solidaire de leur entreprise se déclarent fiers de leur employeur (contre 66 % pour ceux qui n’y ont pas eu accès). Mieux encore, 83 % d’entre eux recommanderaient leur entreprise. Une dynamique vertueuse qui renforce l’attractivité RH et nourrit un sentiment d’appartenance durable.
Les défis du volontariat d’entreprise en contexte de crise
Dans bien des cas, les bonnes volontés représentent à la fois une aide précieuse et une source de complications. Un volontariat mal encadré peut rapidement s’avérer contre-productif, voire dangereux. Pour éviter d’en courir le risque, l’entreprise doit anticiper :
- La frustration en cas de refus : lorsqu’un salarié propose son aide mais qu’elle est jugée inappropriée, une communication transparente est essentielle pour éviter les malentendus.
- Le risque de substitution : l’entreprise ne doit en aucun cas empiéter sur les missions des services publics. Le rôle des volontaires doit être complémentaire et ciblé, avec une valeur ajoutée spécifique.
- L’exposition aux risques : sans formation ni encadrement, les salariés volontaires peuvent se retrouver en situation délicate, tant sur le plan physique que psychologique.
En d’autres termes, l’intention compte, mais la préparation plus encore.
Construire un programme de volontariat : mode d’emploi RH
1. Identifier les besoins, définir les rôles
Avant toute chose, il s’agit de clarifier le périmètre d’intervention possible pour l’entreprise. Bien qu’imprévisible par définition, une crise peut toutefois être gérée en envisageant différents scénarios.
Un programme de volontariat doit être envisagé comme un projet structurant, inscrit dans une politique de gestion des risques ou de responsabilité sociétale. Il implique des arbitrages RH, juridiques, opérationnels. L’adhésion des directions générales est donc essentielle pour garantir son efficacité.
2. Organiser un appel à candidatures encadré
Une fois ce travail de cadrage réalisé, vient la mobilisation des salariés bénévoles. La sélection des volontaires doit répondre à des critères clairs. L’idée n’est pas d’exclure, mais de garantir la continuité des activités. Sont donc privilégiés les collaborateurs dont l’absence temporaire n’impactera pas de manière critique le fonctionnement de l’équipe, et certaines fonctions, moins soumises au turnover ou au calendrier opérationnel. La validation par le supérieur hiérarchique peut s’avérer nécessaire.
Ce travail de cadrage permet d’orienter ensuite la formation des volontaires, en fonction des missions identifiées : soutien logistique, accueil de victimes, appui aux opérations internes, etc.
3. Former, sans surcharger
Un programme de volontariat efficient repose sur la formation. Des exercices pratiques, le plus proche du réel possible, doivent être organisés régulièrement. L’objectif : transmettre des réflexes. Il ne s’agit pas de former des experts de la gestion de crise, mais des relais agiles, capables d’agir en confiance.
Pour cela, mieux vaut limiter le nombre de procédures et sensibiliser les volontaires à la nécessaire flexibilité qu’impose ces situations extraordinaires.
4. Anticiper les besoins logistiques
La création d’une cellule dédiée à la coordination logistique du volontariat, pour assurer le lien entre les volontaires et les parties prenantes externes est un autre gage de succès en gestion de crise.
Elle prendra en charge les besoins en matériel, le soutien psychologique des volontaires ou encore la redistribution de leurs missions le temps de leur absence.
5. Communiquer, valoriser, remercier
Dernière étape, souvent négligée : la communication interne. Informer l’ensemble des équipes sur le programme, remercier publiquement les volontaires et reconnaître l’effort des équipes restées en activité pour éviter les tensions.
Le volontariat de crise n’est pas qu’un acte individuel. Il repose aussi sur un collectif qui accepte de fonctionner, temporairement, en mode dégradé. Valoriser cet effort global est indispensable.
Quand les entreprises passent à l’action : deux exemples de programmes pour les salariés
Le Louvre : former les volontaires à la crue centennale
Le musée a mis en place un programme de volontariat en cas d’inondation majeure. Des exercices annuels, conçus comme des scénarios ludiques, permettent d’impliquer les collaborateurs dans l’évacuation des collections. Ils apprennent à tester leur réactivité et découvrent les contraintes du bâtiment. Pour l’entreprise c’est aussi une manière de mesurer le temps d’action de volontaires non spécialistes. Ce dispositif repose sur un engagement formalisé, un suivi logistique précis, et une culture du retour d’expérience.
Air France : un réseau structuré depuis 1998
Depuis l’accident de Bogotá, la compagnie a développé un réseau de volontaires formés à intervenir en cas d’accident : assistance aux familles, soutien téléphonique, logistique terrain, etc. Trois modules de formation, incluant la gestion émotionnelle et les techniques de communication en situation de crise, sont proposés. Des référents et psychologues encadrent le dispositif, à l’aide d’outils internes. Un modèle reconnu, reproductible dans d’autres contextes.
En définitive, le volontariat d’entreprise doit s’inscrire dans un plan global de gestion des risques. En structurant un tel programme, l’entreprise renforce non seulement sa résilience, mais aussi son capital humain.
Bien gérée, cette démarche évitera de générer des bad buzz en interne, affectant durablement la confiance et l’engagement des équipes.
Source(s) documentaire(s) :
- RSE & Engagement collaborateur (HR Maps)
- Préparer les réserves aux risques d’inondation, Frédéric Keck, Valerie November (Hal Open Science)