Convaincu que la situation économique et sociale dans le monde peut durablement s’améliorer grâce à l’engagement de chacun et aux liens tissés entre les hommes, Passerelles & Compétences participe activement à la promotion du bénévolat en France. Créée en 2002, Passerelles & Compétences met en relation des associations de solidarité et des professionnels, dans le cadre de missions ponctuelles bénévoles.
My RH Line a rencontré Patrick Bertrand, le fondateur de Passerelles & Compétences.
My RH Line : Pouvez-vous nous présenter l’association ?
Patrick Bertrand : Passerelles & Compétences a été créée il y a 7 ans, en février 2002. Il s’agit d’une association qui fait la promotion du bénévolat de compétences. L’idée est assez simple, les associations, notamment les associations de solidarité se battent pour essayer de résoudre des problèmes de la société d’aujourd’hui avec de moins en moins de moyens alors qu’il y a de plus en plus de problèmes à résoudre. Or chacun a un petit bout de la solution globale et notamment les personnes qui sont en activité professionnelle. Nombreuses sont les personnes à être en recherche de sens et en réflexion sur leurs missions. Elles aimeraient pouvoir s’engager. Le problème est que les missions qu’on leur propose ne sont jamais compatibles avec leur activité professionnelle et souvent leur vie de famille. 80% de nos bénévoles sont en activité professionnelle et ont des enfants, leur vie est donc déjà bien remplie. Les missions demandent souvent d’être disponibles en journée, ce qui est absolument impossible quand vous avez une activité à temps plein. Passerelles & Compétences l’entend définit avec les associations des besoins en termes de compétences, et les rend compatibles avec une activité professionnelle à temps plein. Nous sommes plutôt axés sur la ponctualité et sur l’apport de compétences que sur la réalisation de la mission elle-même. Nous animons un réseau qui nous permet de trouver une personne qui à un moment donné se dit « Ca je sais le faire, et si je devenais bénévole là-dessus ». Nous avons donc d’un côté, des associations pleines de sens et en recherche de compétences, de l’autre côté des personnes pleines de compétences qui se posent des questions sur le sens. Nous créons cette passerelle entre ces deux mondes.
« Des missions compatibles avec une activité professionnelle. »
« Des missions compatibles avec une activité professionnelle. »
M.R.L. : Comment avez-vous eu cette idée?
P.B. : L’origine est très simple. J’étais chasseur de têtes. J’ai fait de l’humanitaire juste après mes études. Un jour par hasard, j’ai croisé dans le métro quelqu’un que j’avais rencontré lorsque j’étais en Thaïlande pour une mission. Cette personne était très contente de me rencontrer car elle était toujours dans le milieu associatif et travaillait dans une grosse ONG qui était en train de disparaître uniquement parce qu’elle n’arrivait pas à recruter son Directeur Général. Je suis allé les aider bénévolement pour cette mission. Cela a non seulement réconcilié le professionnel avec mes rêves de jeunesse mais je me suis surtout rendu compte que ma vie professionnelle n’en était pas affectée. J’ai d’ailleurs réalisé mon plus gros chiffre d’affaires le mois de cette mission : peut-être étais-je plus convaincant avec mes clients et les candidats.
La deuxième raison qui m’a poussé à fonder Passerelles & Compétences, c’est que lorsque j’en parlais à mes amis chasseurs de têtes, ils me demandaient de leur confier la mission la fois suivante. Les besoins des associations donnaient envie aux gens de s’engager. Ils n’imaginaient pas que les associations pouvaient avoir besoin d’eux.
La deuxième raison qui m’a poussé à fonder Passerelles & Compétences, c’est que lorsque j’en parlais à mes amis chasseurs de têtes, ils me demandaient de leur confier la mission la fois suivante. Les besoins des associations donnaient envie aux gens de s’engager. Ils n’imaginaient pas que les associations pouvaient avoir besoin d’eux.
Le troisième point, c’est que je me suis dit que la mission que j’avais effectuée auprès de cette ONG aurait pu être facturée à peu près 13 000 € et que j’avais donc fait l’équivalent d’un chèque de 13 000 euros à une association et en plus avec le sourire. C’est extraordinaire car je n’aurais jamais versé une telle somme à une association.
Le besoin des associations donne envie aux gens de s’engager et bien au-delà de ce qu’ils sont prêts à faire avec un simple chèque.
J’ai donc essayé de structurer un peu plus cette démarche en partant des besoins des associations et en allant voir des gens qui n’avaient jamais pensé devenir bénévole.
M.R.L. : Quel est le profil des bénévoles de Passerelles & Compétences?
P.B. : 80 % des bénévoles sont en activité professionnelle. Nous essayons de décloisonner le bénévolat et nous axons notre communication vers cette population-là. Nous pensons que si nous arrivons à les mobiliser, nous arriverons à mobiliser les autres profils. Nous avons donc également 20% de personnes retraitées, en recherche d’emploi ou en formation. 70% ont des enfants. Nos bénévoles ne cherchent pas de missions pour se sociabiliser puisqu’ils ont déjà des vies personnelles très pleines, mais ils ont malgré tout envie de s’engager car ils ont besoin de quelque chose d’autre. La majorité des bénévoles a entre 30 et 50 ans. Ils ont déjà bien confirmé leur vie professionnelle, ils ont une vraie compétence à apporter aux associations et ils cherchent à redonner du sens à leur métier, leur activité. Surtout en période de crise, où les gens se replient sur leur métier, cela leur permet de trouver plein de richesses humaines.
M.R.L. : Quel bénéfice en tirent-t-ils?
P.B. : Chacun est très individuel sur sa recherche mais globalement ils redécouvrent ce qu’ils peuvent apprendre dans leur propre métier, soit en technique pure soit en technique comportementale. Quand vous travaillez avec 50 bénévoles, cela apprend à manager des équipes avec une finesse que le monde de l’entreprise ne vous apprendra jamais. Cela permet également à ces bénévoles d’apprendre à travailler dans des environnements flous, non structurés.
Sur le plan individuel, les grandes lignes qui ressortent, c’est qu’ils découvrent que dans le milieu associatif, sauf cas particulier, les gens sont assez épatants sans être des héros pour autant. Ils font des choses extraordinaires avec peu de moyens. Il y a donc une redécouverte de tout ce que l’on peut faire avec de la bonne volonté. Cela les marque beaucoup. Ce qui ressort aussi et c’est très intéressant à étudier pour le monde de l’entreprise, c’est que les bénévoles ont redécouvert qu’il était agréable de s’entendre dire merci pour quelque chose que l’on a fait. Et cela, on ne l’entend plus dans le monde de l’entreprise. Les personnes ont besoin d’avoir un feed-back sur leur activité et que leur travail soit reconnu.
« Parce qu’en parler est déjà un acte de solidarité. »
« Parce qu’en parler est déjà un acte de solidarité. »
M.R.L. : Combien avez-vous de bénévoles?
P.B. : Aujourd’hui, nous avons 2000 personnes inscrites. Ce qui est intéressant, c’est la dynamique de ce réseau. Chaque fois que nous lançons une annonce, nous avons 3 nouvelles personnes qui s’inscrivent. En 2008 nous avons fait 200 recherches et nous avons eu 600 inscriptions. Quand j’ai créé l’association, j’ai cru que je devrais commencer une démarche de chasseur de têtes, c’est-à-dire de séduction des personnes mais en fait pas du tout. Notre positionnement, la façon dont nous définissions les missions et la garantie qu’elles sont compatibles avec l’activité professionnelle fait que les gens se libèrent et ont envie de s’engager. C’est cela que nous avons vraiment prouvé. Cela marche aussi parce que nous sommes extérieurs au monde de l’entreprise, nous ne sommes pas rattachés à des DRH. Ils savent qu’ils ne seront pas jugés pour autre chose que leur mission bénévole.
M.R.L. : La communication se fait principalement par le bouche-à-oreille?
P.B. : Tout à fait. Sur notre site, une phrase apparaît très souvent : « Parce qu’en parler est déjà un acte de solidarité. » Nous diffusons nos annonces et nous disons aux personnes : « si vous n’êtres pas compétent sur le sujet ou si vous n’avez pas le temps vous connaissez peut-être des gens autour de vous ». Nous avons juste structuré ce qui depuis des siècles fait l’engagement des individus. Vous avez souvent un ami qui vient vous voir pour vous demander de l’aide, là c’est un ami qui vous dit qu’une association a un problème et qui vous demande de venir l’aider puisque vous avez les compétences. Le bouche-à-oreille a un autre avantage, et nous avons fait une étude dessus, c’est que le bouche-à-oreille nourrit le bouche-à-oreille. Les personnes qui sont devenues bénévoles par ce biais vont continuer à parler du bénévolat et de Passerelles & Compétences. Nous sommes structurés comme un réseau de personnes qui se parlent du besoin d’autres personnes pour essayer de créer un lien. Exemple : un jour j’ai lancé une mission par mail, une ou deux heures après une personne se proposait. Je ne la connaissais pas mais dans le mail, j’ai pu voir que le message était passé par 7 personnes avant qu’elle me contacte. Le système du bouche-à-oreille avait fonctionné en 2 heures de temps, 7 personnes s’étaient passé le mail.
M.R.L. : Le contexte de crise a-t’il relancé l’envie des personnes de s’engager dans le bénévolat?
P.B. : Oui, c’est clair. Nous avons un afflux de bénévoles fort. La difficulté c’est que les associations se sont également retrouvées en situation de crise et ont plus de mal a lancé des projets actuellement par manque de moyens financiers alos qu’il y a plus de personnes qui ont besoin d’elles. Nous avons beaucoup d’associations qui travaillent sur l’insertion et l’accompagnement vers l’emploi qui ont des besoins récurrents et assez lourds. Cela a vraiment déclenché des envies d’engagement. Il y a une vraie évolution des mentalités. L’intérêt général est la somme des intérêts particuliers mais on peut également dire que des petits sacrifices individuels peuvent donner l’intérêt général.
M.R.L. : Quel peut être le rôle d’une entreprise par rapport au bénévolat ?
P.B. : Une personne qui travaille dans un service de Ressources Humaines peut faire plusieurs choses. Elle peut être bénévole au sein de Passerelles & Compétences, car nous avons environ 25% de missions en rapport avec cela. Cela va du recrutement à la formation en passant par la structuration, la GPEC ou la mise en place de licenciements… Elle peut également avoir un autre rôle de promotion du bénévolat de compétences auprès des salariés de son entreprise. Cela est différent du Mécénat de compétences mais peut être un très bon point d’entrée pour une entreprise qui souhaiterait mettre en place un tel mécénat.
Propos recueillis par Anne-Sophie Duguay
Plus d’informations sur Passerelles et Compétences sur le site de l’association : ici
© Crédits photos : D.R.