Pour staffer son nouveau flag ship des Halles (Paris), Muji a eu besoin de recruter 40 nouveaux vendeurs. Pour cela, l’enseigne japonaise proposant des produits de life style sans marque, a opté pour la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI). Entretien avec Françoise Kervabon, responsable RH de Muji en France.
Quel est le principe de la POEI ?
La POEI permet à une entreprise de bénéficier d’une aide financière pour former un ou plusieurs demandeurs d’emploi préalablement à leur embauche. L’objectif est de faire acquérir (maximum 400 heures de formation) rapidement aux intéressés les compétences nécessaires à la tenue du poste à pourvoir. Cela permet également d’apprécier in situ les aptitudes du candidat avant leur recrutement et donc de sécuriser l’embauche. Pour nous, il s’agissait de trouver une quarantaine de conseillers vendeurs pour notre nouveau magasin du Forum des Halles.
Concrètement, quelle est la marche à suivre pour une POEI réussie ?
Il faut au préalable déposer des offres d’emploi éligibles à la POEI auprès de Pôle Emploi. Nous avons ensuite contacté notre Opca -le Forco- pour qu’il contribue au financement de ce parcours et qu’il nous apporte son expertise dans le choix final de l’organisme de formation. Le Forco m’a transmis une short list de 4 organismes de formation et j’ai finalement retenu l’ISC Formation Permanente de l’ISC Paris.
Qu’est-il advenu après ?
Après une première pré-sélection par Pôle emploi, nous avons organisé deux sessions d’information collective pour les demandeurs d’emploi intéressés. Il s’agissait de leur présenter notre métier et notre entreprise ainsi que le programme de formation. Au final, nous avions 60 demandeurs d’emploi inscrits à cette deuxième POEI. Ce qui est un chiffre supérieur au nombre de postes à pourvoir, mais il y a toujours des abandons en cours de route, donc j’ai préféré anticiper.
Quelles sont les obligations pour l’entreprise dans le cadre d’une POEI ?
L’employeur a une obligation de formation et d’embauche en CDI ou CDD d’au moins 12 mois à l’issue de la POEI. En revanche, le demandeur d’emploi n’est pas obligé d’accepter le poste proposé.
Combien de temps faut-il pour mener à bien une POEI ?
Il faut compter environ 6 mois pour voir le projet aboutir. Trois mois pour sélectionner l’organisme de formation et les candidats et trois mois de formation. Les 60 demandeurs d’emploi ont ainsi enchaîné trois semaines d’école, trois semaines de stage dans nos magasins et à nouveau trois semaines d’école. Ces cours « théorique » avaient pour objectif de les former à devenir de bons vendeurs, indépendamment de notre propre univers. Ils ont donc appris les techniques de prise de commande, de réassort, la discipline, les règles de sécurité, les techniques de vente, les enjeux financiers…. Notamment le rendu de monnaie. Et, c’est lors de stage dans nos magasins qu’ils ont été sensibilisés à notre propre univers.
Quel est l’intérêt tel dispositif d’embauche par rapport à des recrutements plus classiques ?
Avant de nous rejoindre comme salariés, ils ont découvert en amont notre univers spécifique. Il y a donc moins de risque de déperdition en cours de période d’essai. Ceux qui signent le font pour de bonnes raisons. Il y a aussi un intérêt financier. Le coût des formations est pris en charge par l’Opca et Pôle Emploi. Enfin, cela relève également d’une démarche citoyenne. Avec la POEI, nous donnons une seconde chance à des demandeurs d’emploi de tout âge et de tout horizon. En France, on se rend compte que les passerelles entre les métiers et entre les secteurs d’activité sont encore très limitées. Là, cela donne l’opportunité à des profils variés de montrer leur détermination. Pour moi, peu importe le diplôme, ce qui m’intéresse ce sont les compétences et la personnalité des candidats. Passer par un cabinet de recrutement fausse parfois un peu la donne. Un consultant en recrutement ne viendra pas nécessairement me dire que le candidat est arrivé en retard au rendez-vous. Moi, dès les sessions d’information collective, je peux sonder leur ponctualité, leur capacité d’écoute et leur personnalité.
Vous en êtes à votre deuxième POEI, quel bilan tirez-vous de la « première promo » ?
Sur les 40 personnes que nous avons embauchées en CDI en juillet 2013, 18 travaillent encore chez Muji. Et trois sont devenues co-responsables. Donc avec un tel dispositif, on peut tout à fait avoir de très bons profils et très bien formés. Pour éviter –ou du moins limiter – les abandons en cours de formation et lors de la période d’essai, il faut prendre le temps nécessaire à la sélection des candidats. S’assurer qu’ils sont là pour de bonnes raisons et pas là pour passer le temps.
Recueillis par Sylvie Laidet