La People Review, aussi appelée revue des talents ou revue du personnel, est un processus de gestion des talents déjà installé dans de nombreuses entreprises. Stratégique, cette démarche vise à faire le bilan individuel et collectif de l’équipe en termes de performance, de compétences, de besoins de développement et de potentiel futur. Elle permet ainsi de dessiner une cartographie des talents et des évolutions envisagées, pour soutenir la performance de l’entreprise à court et moyen terme.
La People Review soulève de nombreuses questions liées à la culture RH et managériale de l’entreprise. Comment créer de la valeur sans en faire une usine à gaz ? Que faut-il évaluer et sur quels critères baser ses décisions ? Que communiquer aux salariés ? En somme, comment mener à bien la People Review ?
Contexte des People Review en 2024
Actuellement, 47 % des talents veulent quitter leur entreprise par manque de perspectives (ADP 2023). Et pour cause. Les salariés ont vécu successivement plusieurs crises : crise sanitaire, forte inflation, retour au bureau, nouveau rapport au travail, crise environnementale, crise économique, etc.
De plus, nous entrons dans la transformation IA, plus complexe et rapide que les précédentes transformations technologiques. Ce qui est facilement anxiogène de par l’évolution rapide du travail et les risques pour certains emplois.
Dans ce contexte où les changements vont vite et sont difficiles à prédire, pas évident pour les RH et les managers de donner une projection claire aux salariés. Or, c’est en donnant des perspectives à court et moyen terme qu’on est en mesure de fidéliser, motiver et engager ses équipes.
D’où la place de plus en plus stratégique des People Review dans les entreprises en 2024.
Faut-il centrer la démarche sur la performance passée ou le potentiel futur des équipes ?
Une fois les bases de la démarche posées, calendrier précis, indicateurs de succès, critères de décision, il est important de s’accorder sur la vision RH et managériale de l’entreprise.
Commençons par un point rapide sur l’utilisation du mot « talent ». Parler de « talents » pour désigner certains collaborateurs laisse supposer que les autres n’auraient pas de talent, actuel ou en devenir. Ce qui peut vite, et à juste titre, paraître inapproprié. Pour moi, les RH devraient tous considérer que leurs équipes sont constituées de 100 % de talents. Même si, parfois, le talent n’est pas à la hauteur de l’exigence de l’entreprise.
Venons-en au débat performance versus potentiel. Il y a une différence qui a l’air simple sur le papier, mais plus complexe lorsqu’on prépare les revues de personnel : veut-on évaluer et récompenser la performance ? le potentiel ? Ou les deux ? Je considère que la performance devrait primer, car le potentiel est incertain, subjectif et non mesurable.
Miser sur le potentiel serait donc un piège pour les managers
Prenons un exemple : une personne est très impliquée et engagée. Mais elle atteint moins souvent ses objectifs que ses collègues sur le même poste. Il sera facile pour son manager de se dire qu’elle a du potentiel, même si l’absence de performance montre qu’elle a du mal à réussir. Voire à progresser.
Ainsi, prendre des décisions sur la base du « potentiel estimé » reviendrait à laisser beaucoup de place à la subjectivité des managers. En recrutement, on peut se permettre de donner beaucoup de poids au potentiel.
Lorsqu’il s’agit de mener une revue de personnel, je pense qu’il faut que l’essentiel de l’évaluation repose sur ce qui est mesurable, factuel et objectif. C’est-à-dire la performance passée, les résultats, l’atteinte des objectifs, etc. L’évaluation du potentiel garde néanmoins de l’importance, et il faut lui laisser une petite place, car c’est aussi ce qui permettra de motiver des décisions comme celles liées à l’évolution des salariés (mobilité interne, promotion, reconversion).
Faire simple et bien communiquer : un classique en RH, un incontournable pour mener les People Review
La People Review, c’est un peu comme les enquêtes RH diffusées aux salariés. À vouloir trop d’informations, on fait un questionnaire plus long, et moins de gens le complètent. Paradoxalement, en cherchant à obtenir plus d’informations, on en récolte moins que si l’on en avait demandé peu.
Pour les People Review, c’est pareil. Si les réunions avec les RH et les managers sont trop denses et complexes, il sera difficile d’aller au bout et de mobiliser les managers. Sans oublier que la complexité prend du temps et prête à débat, sans forcément créer plus de valeur pour prendre les décisions qui en découlent (accompagnement, évolution de carrière, séparation, etc.).
Il est donc préférable de viser la simplicité sur tous les aspects :
- le déroulé des People Review ;
- les critères d’évaluation ;
- la cartographie des parcours possibles.
Doit-on dire aux « hauts potentiels » qu’ils sont considérés comme tels par les RH et leur manager ?
Au-delà de la transparence du processus de People Review (qui décide quoi, quand et sur la base de quels critères), certaines entreprises hésitent à dire à leurs meilleurs talents qu’ils sont des hauts potentiels pour l’organisation.
Je pense que la question ne doit plus se poser aujourd’hui, et qu’il est désormais temps de dire à ces personnes qu’elles ont été catégorisées comme hauts potentiels. En effet, si cette information impacte le comportement de certains hauts potentiels, qui deviennent des « divas », alors cela aidera à voir rapidement qu’il y a peut-être une erreur d’évaluation, ou un décalage entre les valeurs de l’entreprise et le comportement du salarié concerné, à qui le terme « haut potentiel « est trop vite monté à la tête.
Et si vous avez peur qu’un haut potentiel profite de cette information pour demander un meilleur salaire ou une promotion managériale, il faut avoir à l’esprit que le problème ne va pas disparaître si la personne ne sait pas qu’elle est haut potentiel. Au contraire, elle peut facilement se dire qu’elle n’a pas le salaire ou la promotion qu’elle estime mériter, et regretter que l’entreprise n’ait même pas conscience de son potentiel !
Mieux vaut donc une conversation claire et transparente, quitte à assumer que le salaire rémunère la performance et non le potentiel, et donner des projections d’évolution de carrière permises pour les hauts potentiels de l’entreprise. Cela permettra au passage de donner de la reconnaissance. Ou de réaliser que la demande d’évolution salariale est légitime. Exception faite des entreprises dans lesquelles vous ne pouvez pas être transparents sur les critères définis pour qualifier les hauts potentiels, ou si votre politique salariale rémunère le potentiel plus que la performance.
Place donc aux talents et à la transparence, pour plus de reconnaissance et de performance.