Cette crise sanitaire a replacé la fonction des ressources humaines sur le devant de la scène. De fonction stratégique “de l’ombre”, les responsables RH ont été propulsés sur le devant de la scène, à la fois dans les enjeux de protection des salariés, mais aussi de maintien de la productivité. Retour sur l’importance et la complexité du rôle du DRH en temps de crise, avec Marielle Babeau, Professeur de RH à l’EMD School of Business et Docteure DBA et Hélène Hillairet, responsable des ressources humaines chez Marfret, compagnie de transport maritime.
Le rôle du DRH en temps de crise s’est affirmé avec la crise sanitaire
Lors de cette pandémie, de nombreux métiers se sont retrouvés en première ligne, parmi eux, celui de DRH. “De nombreuses missions des DRH ont été mises en exergue”, explique Marielle Babeau. “Que ce soit la paie avec le chômage ou l’activité partielle, la qualité de vie au travail, la question de la vie privée, vie personnelle… Le DRH est devenu une référence pour l’ensemble des salariés et des managers.” Ajoute-t-elle. Pour Hélène Hillairet, le souci premier était de protéger les salariés. D’abord d’un point de vue sanitaire, avec la mise en place de gestes barrière et de mesures de protection sanitaires. Les protéger dans leurs conditions de travail, aussi.
Avec un passage au télétravail dans l’urgence pour 87% des employés d’une entreprise qui ne l’avait jamais envisagé avant, veiller à ce que les salariés travaillent dans de bonnes conditions, avec le bon matériel est un des rôles du DRH en temps de crise. Enfin il s’agissait de protéger l’emploi au maximum. Pour Marfret, il a fallu travailler rapidement sur un plan de continuité d’activité (PCA) mis en place en collaboration avec le CSE, puis gérer les besoins d’activité partielle. “Nous nous sommes retrouvés au cœur de l’organisation de l’entreprise. Lorsque l’on n’est pas en état de crise, le service RH est peu vu. Ce n’est pas forcément le service préféré des salariés parce que c’est celui qui fait un peu la police. Tout d’un coup, nous étions au centre, le facilitateur qui détenait l’information pour rassurer”. Explique Hélène Hillairet.
Aider à retrouver le collectif et le sens derrière le travail
Dans beaucoup de situations de crise, le sens du travail est réintégré. D’une vie professionnelle bien organisée, on plonge dans un moment de sidération souvent suivi de changements brusques. Ici par exemple, ce moment de pause à la maison pour ceux qui ont été mis au chômage partiel ou le passage en télétravail. Une situation qui interroge beaucoup, explique Marielle Babeau. En conséquence de cette crise et des confinements successifs, on se trouve face à certains salariés désengagés qui ne veulent plus revenir et d’autres qui au contraire sont pressés de retrouver le collectif.
“Il faut tout simplement réinterroger le sens”, explique Marielle Babeau. « Derrière les gens qui ne veulent pas revenir, il y a aussi les managers qui sont aussi fortement impactés par la crise. Le rôle du DRH en temps de crise est de l’aider à retrouver ce sens-là. Il y a besoin d’une forme d’intelligence collective et d’agilité de la part des DRH, qui doivent animer les managers afin qu’ils aient les moyens d’épauler leurs équipes.” Ajoute-t-elle.
Lutter contre le décrochage, rassurer, garder le lien avec et entre les collaborateurs… Le rôle du DRH en temps de crise passe par une relecture de la situation, en termes d’outils de travail et d’organisation. “Il s’agit d’observer ce qui a marché, ce qui n’a pas marché, comprendre les outils qui ont aidé à traverser la crise avec agilité et réévaluer les organisations.” Termine Marielle Babeau.
Penser la reprise par le prisme de la mobilité
L’organisation du travail est liée aussi au périmètre de l’entreprise et les questions de l’après-crise sont : Quelles seront les entreprises qui vont rester ? Comment vont-elles rester ? Comment vont-elles s’organiser ? “Nous sommes encore loin de la sortie de crise. La première question pour les DRH, c’est évidemment l’emploi. Quels emplois vont rester pérennes et comment préparer de la main d’oeuvre experte pour la reprise ?” explique Marielle Babeau. “Ils savent déjà qu’à la sortie de crise, ça va être complexe et qu’il va falloir peut-être se séparer de main d’œuvre. Mais quelque temps après ça reprendra et ils ne pourront reprendre qu’avec une main d’œuvre experte.”
Cette finesse d’approche dans la mobilité et la question de la pérennité de l’emploi dans l’après-crise est un autre rôle du DRH en temps de crise. Comment préparer les salariés aux métiers de demain? Comment garder ou savoir comment retrouver les experts après-demain? En réponse, certaines entreprises adoptent par exemple l’option de mettre à disposition, de manière ponctuelle, des ressources à d’autres entreprises. Souvent sur des fonctions support ou des expertises recherchées, durant une période définie. C’est le genre de solutions gagnant-gagnant auxquelles les DRH doivent penser aujourd’hui.
Dans ce défi de la mobilité, un autre rôle des DRH sera de construire des viviers de talents et de faire preuve de transparence vis-à-vis des salariés sur sa démarche de gestion des emplois et des compétences. “La mobilité a deux socles. Le socle de connaissance de la stratégie, du partage de l’information et de la visibilité en termes de besoins RH. Le deuxième socle, c’est l’accompagnement des salariés.” explique Marielle Babeau. Il s’agit donc d’accompagner et responsabiliser le salarié dans sa démarche de mobilité et le maintien de son employabilité. “Je crois en une démarche de co-construction de la mobilité sur le territoire. Une co-construction qui engage les salariés et en coopération et solidarité d’entreprise.” Conclut Marielle Babeau.
Accompagner la digitalisation : un rôle du DRH en temps de crise
Pour des entreprises comme Marfret, la question de la digitalisation est au centre des enjeux de la reprise après-crise. Avec un changement récent de direction, l’entreprise a entamé récemment un virage vers le digital, accéléré par la crise et le passage en télétravail. La compagnie de transport maritime se dotera de son premier SIRH à partir de janvier et abandonnera les fichiers excel. Une transformation nécessaire constatée durant cette crise et le passage passif en travail à distance. « La crise sanitaire nous a confortés dans la nécessité de mettre en place de tels outils” explique Hélène Hillairet.
“Les outils digitaux nous permettent de maintenir la productivité pendant toute la crise sanitaire. De plus, nous n’avons pas de visibilité sur ce qui va se passer. Nous avons par exemple l’intention de pouvoir remettre le télétravail en place dans d’autres situations, si c’est nécessaire. Nous avons pu gagner en efficacité parce que toute cette partie digitalisation avait déjà été initiée.” Parmi les prochains défis, donc, la formation et l’accompagnement dans les démarches d’upskilling, face à l’utilisation de ces nouveaux outils.
La rédaction de myRHline, le média RH