Comment qualifier le comportement d’un travailleur qui, malgré des problèmes de santé physique ou psychologique nécessitant de s’absenter du travail persiste à s’y présenter ? Le surprésentéisme.
Ce phénomène pleinement identifié dans les pays anglo-saxons où la sécurité sociale est quasi-inexistante s’invite désormais dans les entreprises françaises.
Décryptage.
Nous connaissions l’absentéisme, voici maintenant le surprésentéisme, un phénomène qui concernerait, selon une enquête européenne réalisée par la Fondation de Dublin en 2010, 40 % de travailleurs européens et 48 % d’actifs en France. Parmi les principales causes de cette tendance en plein essor : la pression financière. « Quelque soit son secteur d’activité, l’argent est l’une des raisons principales qui amène un salarié à travailler malgré la maladie », affirme Denis Monneuse, sociologue à l’IAE de Paris et auteur de "le Surprésentéisme : travailler malgré la maladie" aux éditions De Boeck.
« Dans le secteur privé, le délai de carence de trois jours appliqué par la sécurité sociale refreine le besoin, malade, de se faire arrêter. Pour les commerciaux, dont la rémunération dépend en grand partie de commissions, un arrêt du travail est également synonyme de perte financière », détaille le sociologue. Outre ce manque à gagner, la pression managériale, la peur de perdre son emploi, d’être mal vu par son responsable, ses collègues, de ne pas progresser hiérarchiquement sont également des causes du surprésentéisme.
« Autre raison : la surcharge de travail après un arrêt maladie, soit l’obligation de rattraper l’activité mise en suspens durant son absence et la peur de ne pas pouvoir y faire face » ajoute Denis Monneuse. L’exemplarité est aussi l’une des causes qui conduit notamment les chefs d’entreprise et les managers à venir travailler même souffrants.
Le surprésentéisme peut dégrader les relations sociales au cœur de l’entreprise
« Les surprésentéistes apparaissent à tous les niveaux de la hiérarchie et évoluent dans des secteurs et sous des statuts très divers. Différents types de profils correspondent à ce mode de fonctionnement » observe Denis Monneuse.
Parmi eux, se trouvent le manager qui souhaite apparaitre comme insubmersible aux yeux de ceux qu’il encadre ; le précaire, en intérim, ou en CDD, prêt à tout pour pérenniser son emploi où encore le passionné, qui ne manquerait pour rien au monde une journée de travail.
« A ceux-là s’ajoute les indépendants, vivant dans l’impossibilité de s’absenter même en cas de maladie de peur de perdre des contrats et les solidaires qui se veulent fidèles vis-à-vis de leur collègue », énumère le sociologue. Face à cette tendance, divers dangers sont à observés. Si les premiers concernés sont bien entendus les surprésentéistes qui mettent leur santé en péril, leur entourage professionnel subit aussi leur fonctionnement.
« Outre les risques de contagion, la fatigue, et l’irritabilité qu’implique la maladie, peuvent également dégrader les relations sociales au cœur de l’entreprise » souligne Denis Monneuse. Si le phénomène trouve encore peu d’écho en France, de nombreuses actions pour limiter le surprésentéisme ont déjà été mises en place aux Etats-Unis. Outre-Atlantique, un peu plus de la moitié des entreprises, confrontées à cette problématique, renvoient les employés malades chez eux et 40 % utilisent la sensibilisation.
Enfin, 30 % des DRH donnent la possibilité à leurs employés de faire du télétravail en cas de souci de santé.
Géradl DUDOUET