La guerre aux arrêts maladie en téléconsultation est lancée : le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gabriel Attal, a annoncé le 25 septembre dernier au Journal du Dimanche vouloir supprimer le remboursement des arrêts de travail délivrés en téléconsultation. Les arrêts maladie donnés par les médecins en visio – autres que le médecin traitant – ne seront bientôt plus remboursés par la Sécurité sociale. L’objectif du gouvernement : lutter contre la fraude sociale.
Pourquoi s’en prendre aux arrêts maladie en téléconsultation ?
Une crise de l’absentéisme en France ?
Selon le baromètre annuel sur l’absentéisme 2022 de Malakoff Humanis, 42 % des salariés se sont vus délivrer un arrêt maladie au cours des 12 derniers mois. On observe une augmentation des téléconsultations depuis l’épidémie de covid. Pour que les Français puissent rester chez eux, le gouvernement a souhaité que la Sécurité sociale rembourse les rendez-vous médicaux à distance intégralement. Ce remboursement a ensuite été reconduit fin 2021 face au contexte sanitaire critique et le ministre de la santé François Braun a préconisé le maintien du remboursement jusqu’à fin d’été 2022.
Si la crise sanitaire n’a pas épargné les entreprises, l’absentéisme demeure un problème majeur en France. On observe d’ailleurs une augmentation significative des arrêts maladie liés à la santé mentale des Français. Les chefs d’entreprise sont particulièrement préoccupés par cette situation qui impacte la santé de l’entreprise elle-même.
Les arrêts de travail sont d’autant plus préoccupants qu’à ce jour, ils peuvent être délivrés par n’importe quel médecin à un salarié via la téléconsultation et qu’ils sont très coûteux. Selon Gabriel Attal, cette explosion d’arrêts de travail fournis en téléconsultation par un médecin inconnu du patient a coûté près de 100 millions d’euros en remboursements à l’Assurance Maladie en 2021.
Les dérives liées aux remboursements des arrêts maladie en téléconsultation
Pour se faire délivrer un arrêt de travail et être remboursé par la Sécurité sociale, rien de plus simple : il suffit de remplir un bref questionnaire et le médecin “inconnu” peut accepter de délivrer un arrêt de travail d’un ou plusieurs jours. Selon Le Parisien, ces pratiques “ne passent pas auprès de l’Assurance maladie”.
En septembre dernier, les journalistes de Zone Interdite ont pu démontrer à quel point il était facile de se faire délivrer un faux arrêt de travail en visio afin d’être remboursé :
“En parfaite santé, le journaliste a pu obtenir un arrêt d’une semaine ‘pour partir en vacances’, que le médecin lui a ensuite renouvelé pour une seconde semaine au bout de 6 jours. A l’occasion de la seconde téléconsultation, le journaliste a par ailleurs obtenu un arrêt d’une semaine pour sa femme, afin qu’elle puisse le rejoindre en vacances…” (Le Parisien)
Au micro d’Europe 1, Jean Paul Hamon, Docteur Président d’honneur de la Fédération des Médecins de France, souligne que même si vous n’obtenez pas d’arrêt de travail à la suite d’un rendez-vous médical en visio remboursé, il suffit de prendre un rendez-vous avec un autre médecin. Et ce jusqu’à obtention d’un arrêt de travail de “deux, trois ou quatre jours ou une semaine, selon les symptômes que vous décrivez, sans que le médecin puisse vérifier”.
Vers un déremboursement de certains arrêts maladie en téléconsultation en 2023
La riposte de l’Assurance Maladie et du gouvernement
Comme le gouvernement, l’Assurance Maladie ne souhaite plus rembourser ces arrêts maladie pointés du doigt. Lors d’une interview pour le Figaro début septembre, Thomas Fatôme, Directeur Général de l’Assurance Maladie, a souligné qu’il avait connaissance de ces pratiques : “C’est devenu le Far West (…) Certains patients n’hésitent pas à faire plusieurs téléconsultations dans la même journée pour obtenir l’arrêt de travail convoité. Nous voulons éviter ces dérives, sans brider la demande des patients ayant des difficultés d’accès aux soins”.
Il est envisagé que la mesure de déremboursement entre en vigueur dès le 1er juin 2023, selon l’avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale diffusé par l’Agence de presse médicale et consulté par l’AFP.
Néanmoins, les arrêts maladie prescrits en cabinet ou via le médecin traitant en visio seront toujours remboursés.
Sanctions pour les fraudeurs, plus de pouvoirs aux cyber enquêteurs
Le ministre promet également “renforcer les pouvoirs des cyber-enquêteurs des caisses de la Sécurité sociale”, lesquels pourront « repérer un professionnel qui ne déclare qu’une activité salariée mais propose ses services en indépendant sur Leboncoin sans les déclarer…” (Gabriel Attal cité par les Echos). Par ailleurs, le ministre compte renforcer les sanctions à l’égard des fraudeurs : ces derniers écoperont non seulement d’une amende mais auront aussi l’obligation de régler leurs propres frais de dossier.
Gabriel Attal entend bien combattre la fraude sociale à travers ce déremboursement des arrêts maladie en téléconsultation et ces sanctions, avec un “clin d’oeil assumé aux députés LR dont le vote pourrait être précieux lors de l’examen des budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale au parlement.” (Article France Info)
Un projet de loi qui pourrait néanmoins inquiéter de nombreux salariés puisqu’on estime à 5 millions le nombre de Français sans médecin traitant à ce jour. Selon une enquête menée par l’Association UFC Que Choisir, environ un généraliste sur deux refuse d’être le médecin traitant de nouveaux patients.
Angèle Linares
1 commentaire
Je comprends qu’on veuille lutter contre la fraude, mais quand on doit être arrêté 2 jours, qu’il faut 1 semaine pour trouver un RDV en cabinet, et qu’on doit justifier sous 48h, on fait comment?