Costume gris sombre sans cravate, lunettes de vue à monture épaisse, crâne dégarni, l’archétype du cadre dans la quarantaine, mis en scène dans les publicités de l’APEC, a-t-il séduit ? Depuis février dernier, tantôt mètre-ruban à la main, devant l’imprimante ou derrière son bureau, il est apparu sur de nombreux sites visités par des cadres, présentant, avec un humour nébuleux, les nouveaux « services sur mesure » de l’association. L’opération « marketing viral » de l’Apec est-elle réussie ?
Une campagne décalée et conventionnelle
L’humour et l’originalité sont deux des principaux leviers du marketing viral. C’est sur cette voie que s’est engagée l’Apec pour sa dernière campagne de promotion de ses services sur mesure. Objectif : relayer l’information, et faire en sorte qu’elle soit reprise par les Internautes eux-mêmes. « Nous avons déployé un large dispositif, avec des spots télé de 10 secondes sur M6, TF1 et des chaînes de la TNT, ainsi que sur Internet sur des sites en affinité avec la cible cadre », explique la directrice de la communication de l’APEC, Anne Dufresne.
Sur Internet, la nouvelle offre de l’Apec est en effet omniprésente dans les bannières publicitaires et sur les hubs, comptes et pages, créés par l’Apec, de Viadeo, Twitter ou Facebook. Les petits films sont visibles sur la chaîne Apec de Dailymotion et sur YouTube. Aucun outil du marketing web n’a été oublié, pourtant les spots ne semblent pas avoir fait le buzz avec l’aide des Internautes eux-mêmes. Pas assez drôles ? Trop décalés ? Ou, au contraire, trop conventionnels ? Pour Olivier Bronner, président-fondateur de l’agence Plan.Net[1], « ce qui n’est pas conventionnel, c’est l’utilisation par un organisme parapublic, du marketing viral, de la vidéo dite buzz ». Au-delà de ce décalage entre le format et l’émetteur, le schéma lui reste « traditionnel », comme l’explique l’expert en stratégie digitale : « une vidéo virale, un lien vers un mini-site[2] et un formulaire de contact ».
Une campagne d’affichage ou télévisuelle s’impose à ses cibles ; en revanche, sur Internet, « vous devez vous faire accepter, poursuit Olivier Bronner. Il faut que l’on vous trouve divertissant, drôle, utile… il existe plusieurs leviers ». Et une fois ce levier choisi, il faut mener la campagne en ce sens jusqu’au bout. Dans le communiqué annonçant cette campagne, l’Apec évoque « le parti pris créatif proposé par l’agence June21st (…) un registre décalé et humoristique ». Pour le président de Plan.Net, le ton adopté par l’Apec est « un peu trop entre le rire et le sérieux ». Soit le ridicule de la caricature n’est pas assez exploré, soit le message n’a pas réellement de vocation humoristique.
Une campagne de séduction des jeunes cadres ?
L’Apec n’en est pas à sa première campagne de pub’, mais « c’est la première fois que notre publicité est axée sur le service, le conseil », précise Anne Dufresne. Un nouveau message donc : l’Apec n’a pas pour seule mission de proposer des opportunités, mais d’accompagner les cadres dans la gestion de leur carrière, leur évolution professionnelle vers une autre entreprise ou en interne.
Autre nouveauté : l’Apec s’engage sur le terrain de la génération Y, happée par le web 2.0, la communication ludique, l’interactif. Avec sa campagne « L’Heure du Bilan », l’association avait déjà amorcé le virage : une titraille à la Indiana Jones, une invitation à se lancer dans l’aventure du bilan de compétences et à traverser le gouffre des Kandiraton. « Pour faire entrer une marque dans le cerveau d’une population plus jeune, il faut adopter un format différent du spot TV et de l’affichage. Le spot web devient un bon complément à la démarche publicitaire TV », constate Olivier Bronner. Sur la page Facebook de l’un de ces services sur mesure, Apec Booster[3], la description est claire : cette page s’adresse à « la communauté des étudiants et jeunes diplômés à la recherche d’un premier emploi ». La page compte plus de 2140 fans. L’Apec y lance des sondages et y annonce des chats conseil.
Parmi les services sur mesure, la plupart s’adressent aux cadres déjà expérimentés ou en poste puisqu’il s’agit de bilans de carrière, de diagnostic formation, de conseils en évolution/reconversion. Quant au personnage qui incarne le cadre séduit par l’Apec et qui apparaît dans tous les spots, il est loin de représenter un jeune cadre en recherche d’emploi. « Une cible jeune ne s’identifie pas forcément à un personnage jeune, nuance Olivier Bronner. Ils peuvent justement se projeter 10 ou 20 ans plus tard, sur un personnage d’une autre génération ». D’autres services, comme « Votre Potentiel Marché », s’adressent en effet aussi bien aux débutants qu’aux plus expérimentés.
« L’enjeu de la campagne était de faire connaître notre nouvelle offre de services personnalisés », réaffirme Anne Dufresne. Des services très nombreux, pour une seule campagne. « Le web permet la segmentation et de communiquer sur des services très différents », ajoute Olivier Bronner. Pour lui, cette campagne est réussie sur le schéma tactique. Pour autant, l’audience, notamment la Génération Y, ne s’en est pas faite le relais.
Typhanie Bouju