Rencontre avec Emmanuel Stanislas, fondateur du cabinet de recrutement Clémentine, spécialisé dans les métiers du web.
Quel serait l’intérêt du Big Data RH ?
Le Big Data RH, même s’il est encore de l’ordre du conceptuel, permettrait d’identifier via les diverses données relevées, par exemple sur une équipe de commerciaux, le profil type de celui qui réussit. Plus concrètement, c’est un peu comme si l’on rencontrait et interviewait un à un chaque membre de cette équipe pour identifier parmi eux les meilleurs et leurs points communs saillants. En terme RH, il s’agit d’une modélisation. Une fois ces similitudes repérées, les recrutements s’axeraient alors sur ce type de profil, mais pas seulement. Cela permettrait également d’analyser les turn-over en entreprise, quels sont les profils qui restent ? Ceux qui partent ? Cela donnerait également l’opportunité d’accompagner certains salariés dans leurs différentes perspectives professionnelles, d’identifier des compétences. Un tel support serait un véritable levier stratégique en matière RH.
Existe-t-il concrètement aujourd’hui ?
Si toutes les entreprises ont stocké, ici et là, sur des serveurs, dans des bases de données mais aussi sous forme écrite, via des rapports, de multiples renseignements sur leurs salariés, toutes ces informations sont trop disparates. Il n’existe pas encore aujourd’hui un seul et même outil à même de dresser des portraits types. Il faudrait que toutes ces données se croisent et qu’elles soient par le biais d’un logiciel analysées. De plus, ces résultats n’auraient de valeurs qu’à partir d’un volume de données suffisamment important, qui s’établirait sur un laps de temps assez long. Il s’agit donc d’un projet titanesque.
En tant que dirigeant d’un cabinet de recrutement, comment analysez-vous aujourd’hui les profils que vous repérez ?
Sans parler de l’aspect statistique et même technique que le Big Data RH permettrait, nous avons nous-mêmes une base de données. Elle rassemble 120 000 candidats. Des personnes que nous avons pris soin de rencontrer et de questionner sur leur parcours, leur motivation, leurs compétences(…) au cours de nos 14 années d’existence. Bien entendu, les entreprises pour lesquelles nous travaillons nous questionnent sur le profil idéal, celui à même de correspondre à leurs attentes. Pour y répondre, nous utilisons bien entendu notre base de données mais aussi notre expertise. Il ne s’agit donc pas uniquement de statistiques mais d’une question relative à l’humain, basée sur du retour d’expérience, du vécu.
Le Big Data RH n’est-il qu’une promesse ? Sera-t-il effectif un jour ?
Selon moi, ce projet se dessine et existera à terme. J’en suis intimement convaincu. La motivation et l’intérêt sont là. Dans les faits, toutes les informations relatives à leurs salariés sont dans les mains des entreprises ! Elles peuvent tout savoir d’eux : leur parcours, leur situation familiale, leurs avancements, l’évaluation de leur manager(…). Via leur mutuelle d’entreprise, elles peuvent même avoir accès à leur état de santé. Elles ont tout ! A ce jour, il faut juste du temps et de l’argent pour le développer. Pour moi, la "scientifisation" du recrutement est en marche. La maitrise de la mesure existe partout dans la société alors pourquoi pas dans le recrutement ?
Le Big Data RH permettrait une sélection drastique en terme de recrutement, n’est-ce pas dangereux ?
Pas nécessairement puisque cela casserait peut être certaines idées reçues et aprioris. Dans l’idée, on pense sans doute qu’un homme entre 35 et 40 ans, très diplômé est le profil idéal mais rien aujourd’hui ne le prouve réellement. Peut-être que certaines croyances et convictions seraient mises à mal. Qui vous dit que le candidat idéal ne serait-il pas une femme de 48 ans, mariée et mère de deux enfants ? Le Big Data RH mettrait peut être en lumière certaines vérités. Peut-être dépasserait-il certains stéréotypes ?
Gerald Dudouet