L’enjeu principal du métier de RH peut être résumé ainsi : se défaire de l’image de gestion administrative et juridique qui lui colle à la peau. En effet, trop souvent les RH sont enfermés dans une gestion des talents par la paie et le droit du travail. L’aspect du métier de RH qui est de véhiculer la stratégie de l’entreprise auprès des salariés les place parfois dans une posture délicate de part et d’autre de l’organisation. myRHline fait l’état des lieux de la réputation des RH et pose quelques solutions pour remédier à l’incompréhension qui l’entoure.
La fonction administrative du métier de RH est dépassée
Le métier de RH est traditionnellement limité à une fonction opérationnelle au sein de l’entreprise (administrative et juridique). Jennyfer Montantin, consultante RH en conduite du changement en entreprise et fondatrice de Blossom Talents, décrit une formation de base surtout axée vers la gestion de problèmes administratifs : “historiquement, pour devenir RH, il fallait être formé en droit. Les gens qui sont à la base juristes vont avoir une approche juridique de leur métier. […] Si on est dans cette mouvance juridique et administrative. Pour certains, la fonction RH c’est la paie, point barre.” Pourtant, elle rappelle que la fonction RH est aujourd’hui sollicitée pour des missions plus en amont du niveau d’exécutant, notamment dans la conduite du changement.
Pour Camille Jeanneau, responsable RH chez Yescapa, ce rôle administratif est bien soutenu par la digitalisation de la fonction comme le SIRH : “les aspects plus techniques de la fonction (fiche de paie, élection des délégués du personnel, etc) sont de mieux en mieux gérés en partie par des outils performants externes.” De plus, les RH expérimentés gagnent du temps sur ces tâches : “lorsque l’on connaît bien les rouages et avec la dématérialisation des documents, ce n’est pas ce qui prend le plus de temps.” Au-delà de l’opérationnel, malheureusement il est bien connu que bien des entreprises souffrent d’une réputation des RH négative liée à l’aspect social de la fonction.
Le grand méchant RH
Le métier de RH tire sa mauvaise réputation de sa fonction de résolution de conflit selon Jennyfer Montantin. “On va voir les RH quand on arrive pas à trouver une solution avec son N+1 ou que le manager n’arrive pas à obtenir ce qu’il veut de ses équipes et du coup il fait intervenir un 3e homme, les ressources humaines”, détaille-t-elle.
En effet, la consultante en RH a elle-même fait l’expérience de ce cliché sur la réputation des RH : “j’ai le souvenir d’il n’y a pas moins de deux ans, lors d’une formation sur la communication, dès que je me suis présentée en tant que RH tout le monde s’est un peu crispé. L’image du méchant policier a la dent dure.”
Même s’il est présent, Camille Jeanneau trouve que cet aspect est mineur : “les salariés peuvent donner aux RH un rôle de “méchant” (sanctions, licenciement, etc). Pour moi, cet aspect est vraiment secondaire et ne correspond qu’à des situations extrêmes qui n’arrivent pas souvent, heureusement pour nous.”
Le jeu de la transparence
Le métier de RH est aussi synonyme de manque de transparence. Camille Jeanneau l’explique ainsi : “il existe une idée reçue que les RH sont du côté des patrons. C’est pourtant complètement faux car ils sont amenés à négocier avec la Direction et ne sont pas toujours en accord avec elle. Bien sûr, lors des transmissions devant l’ensemble des équipes, les RH, comme l’ensemble des managers, doivent montrer qu’il y a une unité avec la Direction. C’est pour moi une obligation managériale mais cela ne veut pas dire que l’on est toujours d’accord.” La réputation des RH serait-elle directement liée à son positionnement entre les décisions de la direction et les attentes des salariés ?
Le stéréotype de “vendus de la direction qui sont dans le secret” est pour Jennyfer Montantin symptomatique de l’incompréhension du métier de RH par les patrons. “Souvent dans les fonctions RH, il est demandé de se taire, d’acheter la paix sociale… C’est pas nous rendre service et ça va dans le sens de donner une mauvaise image au métier”, explique-t-elle. Ce traitement contre productif de la réputation des RH va à l’encontre de la transparence et de la construction d’un climat de confiance propice à un meilleur dialogue social.
Soutenir un dialogue social sain revient à maintenir l’équilibre entre la communication transparente et un climat de confiance par une garantie de confidentialité de part et d’autre des acteurs au sein de l’entreprise. “Quand quelqu’un vient partager son cas personnel il faut qu’il y ait une certaine confidentialité. Par contre, on peut régulièrement faire des points sur les actions, sur les réussites, sur les échecs”, élabore Jennyfer Montantin. Nous sommes donc à la fois face à un problème de communication et à un manque de vision stratégique du métier de RH.
Comment améliorer la réputation des RH ?
En finir avec l’image d’une fonction réservée aux femmes
Camille Jeanneau abonde dans ce sens : “selon moi, ce métier est vu comme un métier de femmes. Je pense qu’il y a un fort à priori à ce sujet et que les gens associent le métier RH aux femmes car il porte une dimension humaine importante et comprend aussi beaucoup de paperasse. Effectivement, l’humain est une réalité mais, comme dans tout environnement, la parité hommes-femmes est nécessaire et enrichissante dans ce métier.” Une fonction plus stratégique du métier de RH permettrait justement d’intégrer de manière plus efficace des objectifs d’égalité hommes-femmes en entreprise.
Une journée dans la peau des RH
Libérer le métier de RH de ses clichés revient aussi à montrer l’envers du décor aux salariés. Camille Jeanneau imagine une expérience immersive “Vis ma vie de RH” d’une journée. “Pourquoi ne pas envoyer aux collaborateurs un “questionnaire” sur “qu’est-ce que fait la RH selon vous au quotidien ?” propose-t-elle. Les réponses révéleront certainement d’autres pistes pour améliorer la réputation des RH dans l’entreprise.
Ouvrir le comité exécutif au DRH
“Un RH c’est pas que l’administratif, pas que le juridique, c’est surtout un stratège qui doit faire partie de la direction”, rappelle Jennyfer Montantin. Selon elle, il y a là un enjeu au niveau de la culture d’entreprise qui exclut le métier de RH des phases décisionnaires. “Quand on rentre dans une dimension stratégique, là je ne vois pas comment remplir son rôle de RH sans être au comité exécutif. Parce que l’on va subir les décisions commerciales et les décisions financières. On ne va pas pouvoir défendre le budget de nos recrutements, ni le type de profil que l’on veut recruter et fidéliser. On ne va pas pouvoir appuyer la stratégie de montée en compétences.” Intégré au comité exécutif, le RH participe alors pleinement au développement stratégique de l’entreprise. Il est alors à même de partager ses observations, son analyse et en retour obtenir le soutien direct de l’ensemble des décideurs. La réputation des RH devrait s’appuyer sur sa capacité à mener les changements nécessaires à la bonne santé de l’entreprise. Pour cela, elle doit être mieux comprise des collaborateurs et représentée auprès de la direction de l’entreprise.
Maï Trebuil