La graphologie est-elle efficace, doit-on encore l’utiliser alors que de nombreuses études ont prouvé son manque de fondement, et cela sans jamais être contredites par aucune preuve scientifique. Qu’en dit la loi ?
Sur ces questions, les points de vue s’opposent : Francillette Marie-Sainte, directrice du cabinet JHD Graphologie, met régulièrement son expertise au service des RH ; Alain Gavand, fondateur du cabinet de conseils éponyme est un fervent détracteur de cette méthode d’évaluation .
Graphologie : quel objectif ?
La courbure des caractères, la présentation générale d’un courrier, la force ou la régularité d’un trait sont révélateurs de la personnalité de son auteur, et par là même de ses aptitudes professionnelles. En ce sens, la graphologie « permet de faire un premier tri dans les candidatures », explique Francillette Marie-Sainte. Exemple : L’entreprise attend d’un commercial qu’il soit constant dans l’effort, à la fois rigoureux et capable de souplesse, « des traits de personnalité que l’on peut repérer dans son écriture ».
Comment cela est-il possible ? « L’écriture traduit ce que la mémoire enregistre », raisonne la graphologue. Pour preuve, elle donne l’exemple d’une écriture tremblante. Cette caractéristique peut révéler que la personne est « âgée, nerveuse, fatiguée ou qu’elle prend des médicaments ».
La graphologie est une étude, une interprétation de l’écriture. Si une telle méthode nécessite une lettre de motivation manuscrite, « aucun autre élément biographique n’est nécessaire », affirme la graphologue. Le GGCF n’est pas du même avis : un graphologue doit disposer d’un CV, connaître l’âge, le sexe et le niveau d’étude du candidat.
Au-delà du processus de recrutement, cette méthode d’évaluation « peut aussi servir le développement personnel, la communication ou même l’action commerciale », complète le GGCF . La graphologie permet de comprendre une personne et, par exemple, de désamorcer un conflit, d’entamer le dialogue.
Graphologie : une méthode efficace ?
A cette question, la réponse d’Alain Gavand est catégorique : cette méthode n’est pas pertinente. « Toutes les études en matière d’évaluation par la graphologie ne lui accordent aucune validité scientifique », dit-il. Bruchon-Schweitzer en 1991, Schmidt et Hunter en 1998 ou encore Salgado un an plus tard, tous font le même constat : la graphologie est une méthode hasardeuse ; le lien qu’elle établit entre l’écriture et la personnalité n’est pas vérifié… voire inexistant.
Le ministère du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique accole graphologie et astrologie : « la validité scientifique de ces méthodes de recrutement est douteuse ». Il différencie personnalité et aptitudes professionnelles et informe les candidats que, s’ils s’estiment lésés par de telles analyses, ils peuvent engager des procédures judiciaires
Francillette Marie-Sainte, insiste : « la graphologie ne prédit pas l’avenir, ce n’est pas de la voyance ».
Seule l’AFNOR semble lui accorder de la crédibilité en la reconnaissant en tant que technique d’évaluation (NF X50-767).
Pour Alain Gavand, la graphologie n’est pas seulement inefficace, elle est « dangereuse ». « D’autres méthodologies d’évaluation s’avèrent beaucoup plus professionnelles, poursuit-il, comme les Assessment Centers, les inventaires de personnalité et les entretiens structurés, basés sur des grilles de lecture des compétences ».
Graphologie : une méthode légale ?
La pratique de la graphologie n’a rien d’illégale. Ce qui est contestable, en revanche, c’est le contexte dans lequel elle est appliquée. Selon la graphologue, « il n’y a pas d’obligation de prévenir le candidat, mais s’il est courant, il peut demander à voir son analyse ».
Ni le droit d’accès aux résultats, ni l’information préalable du dispositif d’évaluation mis en oeuvre dans le recrutement ne sont facultatifs. Pour s’en assurer, il suffit de consulter l’article L1221-8 du Code du Travail . « La plupart des graphologues oeuvrent de façon illégale. C’est, selon Alain Gavand, un manque de déontologie et de respect ».
La loi indique également que les informations demandées au candidat « ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles » (article L1221-6). Un postulat qui confirme le point de vue du consultant RH : la graphologie n’est pas légale car elle ne permet pas d’évaluer les compétences observables d’une personne.
Graphologie : une méthode d’avenir ?
Il y a 20 ans, 93% des entreprises faisaient appel à la graphologie (selon Bruchon-Schweitzer). Alain Gavand lui-même avoue l’avoir utilisée en début de carrière, mais très vite abandonnée. « Il faut savoir faire preuve d’esprit critique », dit-il. A l’ère du numérique, il s’agit, selon lui, d’une technique « d’un autre âge » et s’insurge à la seule réception d’un mail publicitaire lui proposant de tels services.
Un désagrément dont il n’est, semble-t-il, pas prêt d’être débarrassé : « la graphologie ne passera jamais de mode, car nous ferons toujours appel à l’écriture manuscrite », prédit la directrice du cabinet JHD Graphologie.
Typhanie Bouju