Très souvent, lorsque les médias abordent le sujet de l’articulation vie professionnelle-vie personnelle, les conciergeries sont présentées. Les conciergeries d’entreprises : sont-elles une réponse attractive et efficace à la problématique de l’équilibre vie professionnelle – vie privée des salariés ? La question mérite vraiment d’être posée.
Qu’est-ce qu’une conciergerie d’entreprise ?
La conciergerie d'entreprise est un ensemble de prestations de service du quotidien mis à disposition des salariés d'une entreprise sur leur lieu même de travail. Ces services peuvent ainsi être du pressing, repassage ou retouche de vêtements, de la cordonnerie, la réception de colis personnel, de la vente de timbres, de presse ou de pain, des soins esthétique ou de bien-être (coiffure, modelage, relaxation), du lavage de voiture, de la livraison de fleurs, un recherche et commandes de billets de trains ou d'avions, des prestations à domicile (ménage, garde d'enfants, bricolage, jardinage) ou tout autre service permettant de faciliter la vie personnelle des salariés. Le nom est emprunté aux conciergeries des hôtels de luxe qui proposent des services à leurs clients.
Quelle est l’origine de ce type de service ?
C’est le modèle américain qui a précédé et influencé l’émergence récentes des pratiques en France.
En effet, il faut revenir aux années 30 pour justifier l’origine des services offerts aux salariés par les entreprises. Marie-Pascale Lecocq*, auteure d’un mémoire sur les conciergeries en 2008, l’explique très bien : “C’est au cours des années 30 qu’apparaissent aux Etats-Unis les premiers programmes d’assistance aux employés, destinés à l’origine à endiguer le fléau de l’alcoolisme, qui constituait un véritable frein à la productivité. La pression des coûts (le système de protection sociale et de santé étant totalement à la charge des entreprises) associée à une morale chrétienne très prégnante, incite les employeurs à se préoccuper d’abord de la santé, puis de la “moralité” et enfin de la vie privée de leurs salariés.[…] Des politiques innovantes et volontaristes voient ainsi le jour outre Atlantique : crèches d’entreprise, conciergerie, un éventail de services divers qui sont aujourd’hui tenus pour acquis dans nombre d’entreprises de toutes tailles.”
En France, c’est par le biais des filiales de groupes américains que ce type de services a fait son apparition, “même si cette conception volontariste et positive du rôle de l’entreprise se cantonne le plus souvent à des services d’intendance à vocation largement familiale.”
Quel est le pourcentage de la population active qui a accès à une conciergerie en France ?
Fin 2004, seuls 0,75 % de la population active en France a accès à un service de conciergerie d’entreprise contre 31 % aux Etats Unis. (source : conférence sur les Services à la Personnes, 22 novembre 2004).
Il faut savoir qu’en France les pouvoirs publics et le système de protection sociale français offrent des solutions d’organisation dans le domaine familial notamment pour lesquelles les salariés américains ne peuvent compter sur leur employeur.
Lorsque l’entreprise décide de mettre en place une conciergerie d’entreprise, selon l’analyse de Marie-Pascale Lecocq, “il apparaît que le salarié français reste peu enclin à se reposer sur son employeur pour régler quelque problème personnel que ce soit. Il reste même très méfiant sur les contreparties que pourrait exiger son employeur, étant entendu que celui-ci ne peut agir par simple philanthropie.”
Un sondage CSA –Liaisons Sociales de 2001 fait apparaître que 69 % de salariés pensent qu’il n’est pas du rôle de l’entreprise de proposer des services de proximité, et ce bien que 40 % des moins de 35 ans et des cadres soient demandeurs de ce type de services.
Quel est le bilan de la mise en place et de l’utilisation des conciergeries d’entreprise en France ?
Dans son mémoire, Marie-Pascale Lecocq a réalisé une étude terrain dans les entreprises suivantes : Accenture, Accor, Areva, Ernst & Young, PSA et Vinci. Le bilan de cette étude est en demi-teinte face à de réels besoins. En conclusion, “les mesures mises en place [dans les entreprises en France] ne participent pas d’une vraie réflexion stratégique et répondent rarement à un souci de rentabilité économique.”
De plus, il est intéressant de noter que “les pratiques de conciliation ont pris de l’importance aux Etats-Unis dès lors qu’elles ont été considérées comme un enjeu économique. Elles étaient en effet perçues au départ comme un avantage social marginal, qui se résumait souvent à la crèche d’entreprise. Puis, les entreprises [aux Etats-Unis] ont créé des postes ad hoc pour gérer les problématiques de vie privée en les intégrant à la gestion des ressources humaines en interne, notamment pour des questions de rémunérations, de gestion des congés et de déroulement de carrière. Enfin, la troisième étape a consacré ces pratiques comme un véritable enjeu de compétitivité globale de l’entreprise, sortant alors du strict périmètre de la DRH pour intégrer la stratégie du comité exécutif.”
En France, nous en sommes encore qu’au premier stade (avantage social marginal). Dans la perspective de la Responsabilité Sociale d’Entreprise, il serait intéressant que les DG et DRH s’intéressent au Retour sur Investissement d’une politique d’articulation des temps de vie.
* Pour en savoir plus :
Mémoire de Master en Management des Ressources Humaines et Responsabilité Sociale de l’Entreprise, ““les conciergeries d’entreprises : sont-elles une réponse attractive et efficace à la problématique de l’équilibre vie professionnelle – vie privée des salariés ?” , Marie-Pascale Lecocq, 12 février 2008, IAE Paris.
-> Ce mémoire est consultable à la bibliothèque de l’IAE Paris.
Karen Demaison