Le secteur du conseil est un secteur d’activité très hétérogène en termes d’offres proposées, de cultures de cabinets et de politiques RH. Le rythme de travail y est très soutenu. Il n’est pas rare pour un consultant en stratégie de travailler 60 à 70 heures par semaine incluant les soirs et week-end. Qu’en est-il de la qualité de vie au travail dans ce secteur d’activité ?
Pourquoi s’intéresser à l'articulation des temps de vie dans le secteur du conseil ?
Le sujet de la qualité de vie au travail est une thématique de plus en plus présente médiatiquement et au cœur des discussions avec les partenaires sociaux dans les organisations. Une organisation se doit d’être socialement responsable avec l’ensemble de ses parties prenantes y compris leurs collaborateurs.
Actuellement, les cabinets conseil communiquent sur leurs initiatives concernant l’égalité professionnelle hommes – femmes et également sur l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle. Les premières mesures de ces cabinets ont porté sur l’accompagnement des mères autour des congés maternité. Ces mesures sont encore nouvelles et font suite à une prise de conscience de la part des cabinets de l’impact de la maternité sur la carrière.
D’autres mesures d’articulation des temps de vie sont apparues et visent tous les collaborateurs, fonction support et consultants, hommes et femmes.
Quels sont les contraintes du secteur du conseil ?
Pour mieux comprendre les contraintes du secteur de conseil de l’audit, il est nécessaire de bien connaître les différentes familles de cabinets de conseil.
C’est un secteur protéiforme car ce secteur est la résultante de différentes cultures : culture américaine en stratégie, culture informatique, culture audit, culture organisation, culture conduite du changement, etc…et d’une dynamique perpétuelle qui recompose le paysage du conseil.
Les cabinets de conseil et d’audit qui ont mis en place des mesures concernant l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle l’ont fait en fonction de leur culture, de leur taille et de leur politique RH & RSE.
Un cabinet de conseil voire même une organisation doit bien s’interroger sur les enjeux qui la motive à mettre en place ou pas des mesures liées à l’articulation vie professionnelle – vie personnelle.
L’investissement des consultants est tellement important dans ces cabinets de conseil et d’audit que les consultants attendent de leur employeur une intégration de leur sphère personnelle dans leur parcours professionnel.
Pour une organisation, il est indispensable, avant de définir et de mettre en place des mesures d’articulation des temps de vie, de réaliser un audit de la culture du cabinet de conseil et d’audit. Différents types de cultures peuvent être identifiées : culture du travail ou de la famille, culture disjointe, culture de l’argent, culture incompréhensive, culture des exigences du travail indiscutables, culture hostile face aux exigences familiales ou personnelles.
Il est intéressant ensuite d’établir des objectifs de changement culturel. Un cabinet de conseil et d’audit ou une organisation peut avoir comme objectif par exemple d’aller vers une culture qui est fondée sur les résultats au travail plutôt que sur la présence au bureau ou bien une culture qui accepte de réviser périodiquement les exigences de l’emploi et des conditions de travail, etc…
Enfin, s’inspirer des pratiques à l’international et bien identifier les conditions de réussite sont deux leviers complémentaires qui permettront de construire un programme innovant de ressources humaines prenant en compte l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.
Quels types de mesures pour mieux articuler l’articulation des temps de vie dans le secteur du conseil ?
Les mesures qui sont particulièrement intéressantes et surtout efficaces en termes de qualité de vie au travail concernent la flexibilité du travail dans le temps et dans l’espace. La flexibilité, ce n’est pas travailler moins, c’est travailler autrement et notamment de façon plus libre.
Bien sûr, il y a le télétravail qui se développe de plus en plus en France. D’ailleurs, le télétravail fait partie du Code du Travail depuis le 22 mars 2012 (articles L.1222-9 à L 1222-11 du Code du travail).
Il y a aussi des mesures qui permettent d’adapter son parcours de carrière à sa vie personnelle. Ce qui permet au consultant d’avoir des activités personnelles (associatives, politiques, sportives, familiales, etc…). Et, notamment la mesure « Parcours choisis »
à laquelle les hommes participent de manière exemplaire : les hommes représentent 21% de ce dispositif.
Cette mesure offre la possibilité d’agir sur 4 leviers de flexibilité qui sont : la prise de responsabilités, le temps de travail, la fréquence des déplacements, la flexibilité des horaires.
Les collaborateurs qui le souhaitent peuvent agir sur un ou plusieurs de ces leviers pour « accélérer » ou « modérer » la progression de leur carrière et individualiser leur évolution professionnelle : s’investir plus, prendre davantage de responsabilités, travailler à temps partiel ou selon des horaires aménagés.
L’objectif de cette mesure est de reconnaitre en interne la diversité des carrières.
Il y a aussi des mesures à destination des jeunes parents : family friendly staffing par exemple. Les jeunes parents peuvent exprimer des souhaits en termes de planning et de mobilité durant la première année de leur enfant. Ou encore les consultations par une pédiatre dans l’entreprise à destination des futurs et jeunes parents pour échanger sur leur articulation vie professionnelle – vie personnelle. Ou bien encore les packs parentalité, ce sont des accompagnements individuels pour les jeunes parents assurés par des coachs certifiés et des psychologues diplômés d’Etat. Ils sont financés par l’entreprise et mis à disposition des collaborateurs qui choisissent d’en bénéficier ou pas. Un service à la carte qui s’adapte à la variété des situations et questions qui peuvent se poser.
Toutes ces mesures s’intègrent bien évidemment dans une stratégie plus globale en matière de Ressources Humaines et tiennent compte de la culture de l’entreprise.
La formation des managers et des clients, l’accompagnement des individus dans leur choix de parcours professionnel et personnel, l’évaluation des managers et des clients sur leur respect de la flexibilité au travail sont des clés essentielles pour réussir à mettre en place un programme durable d’articulation des temps de vie.
Et les autres secteurs d’activité ?
S’intéresser au secteur du conseil permet de décrypter des organisations où le rythme de travail est particulièrement intense, et pour surtout interpeller les autres organisations sur leurs propres pratiques et leur donner des idées sur le sujet de l’articulation des temps de vie.
Les syndicats, les écoles, les associations sont également concernés par le sujet de l’articulation des temps de vie et plus généralement de la qualité de vie au travail. Ce sont des acteurs incontournables pour faire changer les mentalités et les comportements.
Karen Demaison