Ils ont entre 25 et 35 ans et jettent un énorme pavé dans le monde du travail en révolutionnant les archétypes bien ancrés de la carrière professionnelle. Eux ? On les appelle les Slasheurs, en référence au terme anglo-saxon qui désigne quelqu’un qui exerce plusieurs métiers en même temps. Bien loin du schéma traditionnel établi par les baby-boomers « un métier pour toute la vie », ces jeunes actifs enclins au multi-tasking défendent bec et ongles l’idée du travail comme reflet de leur personnalité et de leurs aspirations. Décryptage de cette nouvelle génération d’actifs pour laquelle professionnellement, tout devient possible ou presque.
« Et toi tu fais quoi dans la vie ? Je suis photographe/prof de yoga bikram/vendeur à la FNAC/DJ ». Née entre 1980 et le début du 21ème siècle, la Génération Slasheurs, digne ramification de la Génération Y, désigne cette nouvelle vague de jeunes actifs qui s’auto-construisent une identité aux multiples facettes et prônent le cumul des emplois comme mode de vie professionnelle. Dans le Rapport commandé en 2011 par Xavier Bertrand, Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, les experts confirment l’existence de ces Slasheurs en pointant du doigt que « la carrière ne s’envisage plus de façon linéaire et séquentielle. On passe d’une logique de contrat à long terme à la renégociation permanente d’engagements multiples ».
Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’émergence de cette nouvelle génération tient à des faits concrets et à des mutations structurelles avérées. Citons, la mort du plein emploi, la mondialisation, la mutation plus rapide des marchés ou encore l’émergence de nouveaux secteurs d’activités. En cause aussi, les nouvelles technologies qui ont largement favorisé la naissance de ces nouveaux profils dotés d’une grande adaptabilité et d’un vrai sens du multi-tasking, propres au Web 2.0. La prolifération d’outils comme les blogs, les Facebook, Viadéo et autres plates-formes vidéos ont permis à ces actifs de réaliser leur propre auto-promotion via les réseaux sociaux, véritables viviers de clients ou de partenaires potentiels.
Profession « Slasheurs »
Mais qu’est-ce qui pousse ces jeunes actifs à basculer du côté Slasheurs de la force ? La première raison évoquée tient à l’insuffisance de leurs revenus. Pourtant, il semble que cela ne soit que l’arbre qui cache la forêt. Car la plupart deviennent Slasheurs après avoir traversé une période de doute. Certains ont subi l’épreuve de la désillusion, induite par un marché de l’emploi atone qui ne leur permet pas de se réaliser. D’autres ont capitulé sous le poids d’un management désincarné, gouverné par la seule religion du reporting.
La plupart de ces zappeurs professionnels sont, pourtant, surdiplômés. La majorité d’entre eux a, d’ores et déjà, expérimenté la multitude de statuts juridiques dont regorgent le système français. Tour à tour travailleurs indépendants, auto-entrepreneur, ils sont aussi pigistes ou intermittents. Mais peu importe le statut tant ils aspirent à une réalité plus épanouissante. Car l’objectif final reste, bel et bien, de toujours plus gagner en autonomie pour préserver cette sacro-sainte liberté. « Dans le cumul de l’emploi il y a une forte dimension anti-autoritaire », confiait François de Singly, Sociologue, spécialiste de la sociologie de l'individu, à l’Express en décembre dernier.
En quête de développement personnel et farouchement indépendante, la Génération des Slasheurs accros au multi-tasking a fait le choix de s’affranchir du poids de l’injonction sociale carriériste et des critères de performance traditionnels. Cette génération désabusée ne transige pas sur la passion et accorde une importance essentielle à la réalisation professionnelle. Il y a derrière cela une véritable utopie. Car comme le confirmait dans l’Express, Jean Viard Sociologue à SciencesPo Paris, « aujourd'hui, réussir sa vie ne signifie plus avoir une carrière accomplie, mais plutôt multiplier les opportunités ». Bienvenue dans l’ère où la profession n’est plus la carte déterminante…
Emilie Vidaud
*« La Responsabilité Sociétale des Entreprises »