Pourrait-on lire dans l’expérience des séniors comme dans une boule de cristal ? Le fondateur du site futurise-moi a créé un algorithme qui permet de croiser les schémas de vie de chacun, et d’en sortir des similitudes. Ainsi un junior pourrait-il lire son avenir, ou l’un des possibles, dans son sosie professionnel. Une autre vision du tutorat… à la Matrix !
Un sosie d’un autre âge
Dis-moi quelles ont été tes rencontres, les personnes qui t’ont marqué, raconte-moi ton parcours, je te dirai qui tu seras. C’est – presque – en substance ce que propose le site futurise-moi. Mais loin d’être un site de voyance, l’objectif de son fondateur, Dider Delcourt, est de voir les liens entre la jeunesse et les seniors renoués, afin que les uns puissent s’inspirer du parcours des autres, les autres retrouver leur place de « sage » dans l’entreprise, et plus largement dans la société.
Pour entrer dans la matrice futurise-moi, il faut répondre à 39 questions dans 3 sphères différentes : physique, politique et spirituelle. Puis il faut « raconter votre vie, vos enfants, vos jobs, vos rencontres… », énumère le maître du jeu. A partir de ces réponses, « nous définissons une trajectoire de vie, en faisant abstraction de tous critères de race, de culture, de religion, des croyances ».
Des informations qui sont cryptées, gardées secrètes, même des analystes, et croisées avec celles des autres 7000 utilisateurs. « Après tout, du point de vue génétique, on peut se ressembler », constate Didier Delcourt. Et puis, poursuit-il, « on part en vacances au même moment, on a les mêmes objectifs, on avance par mimétisme ». Pourquoi n’aurait-on un ou des sosies dans une autre dimension, un autre âge ? « Nous ne sommes peut-être pas aussi uniques que l’on veut bien le croire, et cela pourrait nous être utile », avance le fondateur.
La catégorisation des âges
Dans Futurise-moi, les âges – junior, adulte et senior – ne sont pas des chiffres. On est classé adulte dès lors que l’on est « une personne autonome financièrement et qui prend seul des responsabilités », explique-t-il. Avant ce stade, on est un junior. « Ce qui fait que l’on peut être adulte à 19 ans, avoir des enfants, tenir un magasin… et encore un vrai ado à 27 ans », déduit le gardien de l’algorithme secret.
Pour entrer dans la catégorie sénior, il faut avoir été adulte. Mais « l’âge n’intervient pas, c’est la longueur de l’expérience et le fait d’être dégagé de responsabilités professionnels qui comptent », précise Didier Delcourt. Ainsi, un adulte peut dépasser les 65 ans, et un senior avoir moins de 45 ans.
Capitaliser les savoirs
Le constat qui a encouragé ce projet est celui que nombre d’entre nous fait : il y a scission entre les générations. Problème : on ne capitalise plus les savoirs. « Autrefois, la société était fondée sur le conseil des Sages, les anciens étaient écoutés ; maintenant, ils sont peu considérés », regrette le futuriste.
Que veulent savoir ceux qui se sont inscrits ? « La question n’est pas : est-ce que je vais trouver du travail ? Mais est-ce que je serai épanoui dans mon travail », rapporte Didier Delcourt, d’après les témoignages qu’il reçoit. Et de poursuivre : « les jeunes ne se connaissent pas ». Sans cette introspection, impossible de connaître l’orientation professionnelle à prendre.
Lorsque le junior trouve une personne au parcours semblable, futurise-moi les met en contact. « Le 1er échange est le suivant : comment avez-vous fait pour y arriver. C’est là que commence la capitalisation » et que l’on sort du débat presque philosophique. Les conseils deviennent très pratiques : « un directeur de programme dans l’industrie automobile peut expliquer comment il a fait sa voiture, un gérant de PME comment il organise son centre de profit… ».
Rendre leur place aux seniors
« Je suis choqué du peu de considération des grandes entreprises pour les seniors. Elles leur disent au revoir dans l’indifférence, sans même regarder ce qu’ils ont emmagasiné pendant 20 ou 30 ans », s’insurge Didier Delcourt. A terme, lui souhaiterait rémunérer les anciens pour leurs conseils. Selon lui, si le tutorat ne fonctionne pas, c’est par manque d’encouragement : « Le senior a un rôle économique et social dans l’entreprise, ce qui mérite un salaire ». Le sénior devrait consacrer les 3/5ème de son temps de travail à ses responsabilités habituelles et le reste au tutorat. « C’est un vrai rôle de management. Il a un savoir-faire et un savoir-vivre en entreprise, en termes de comportement avec les collègues, de présentation du travail, de méthodologie…, énumère le fondateur. C’est vrai, ils ne sont plus des marathoniens, mais ils sont capables de transférer la mémoire, l’âme de l’entreprise. Aujourd’hui, elle n’a plus d’identité, les jeunes n’y sont plus attachés ». Et ça, ça ne s’apprend pas, et ça coûte cher à l’entreprise.