Après deux échecs successifs en 2006 et 2008, la direction de France Télécom-Orange signait finalement en mars dernier, un accord GPEC avec trois organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC). Il était temps ! En 2009 le groupe a traversé une crise sociale sans précédent qui a provoqué un électrochoc au sein de l’entreprise. Pour répondre à cette crise, il était nécessaire de rétablir le dialogue interne. Inscrit dans le cadre du projet d’entreprise « conquêtes 2015 » et du Nouveau contrat social du groupe, cet accord GPEC permettra-t-il réellement à France Télécom-Orange de tracer la voie d’une politique de l’emploi active, motivante et solidaire ? Plus concrètement, les parcours professionnels des quelques 100 000 salariés français du groupe seront-ils véritablement sécurisés ? Décryptage
Tous les experts s’accordent à le dire : dans un contexte de crise sociale, il est fondamental de restaurer le lien entre l’entreprise et ses salariés. D’où le fameux contrat social qui permet, en théorie, à la direction de réaffirmer son engagement vis-à-vis de son capital humain. En pratique cela passe, désormais, par l’obligation de négocier un accord de Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences autour duquel l’entreprise structure son discours auprès des salariés avant de le traduire en plans d’actions dans l’organisation. Quelles stratégies GPEC les entreprises doivent-elles mettre en place ? Sur quels leviers RH doivent-elles s’appuyer pour constituer des viviers pérennes de compétences dans un environnement mouvant et élargi sous l’effet de la mondialisation ? Comment protéger l’emploi et l’inscrire dans la durée ? Bref quelle est LA recette miracle ?
« Innovation, visibilité, proximité, information/communication », semblent faire partie des ingrédients de la formule magique récitée par la plupart des entreprises. A commencer par le groupe France Télécom-Orange dont le DRH, Bruno Mettling, déclarait en mars dernier à propos de l’accord GPEC : « Cet accord est particulièrement innovant car il va permettre désormais aux salariés d’avoir de la visibilité sur leurs perspectives d’évolutions professionnelles a? un niveau local, dans leur environnement de travail proche, grâce a? une communication effectuée chaque année sur 85 bassins d’emploi en France ».
Alors que le groupe s’apprête à faire face au départ de 30.000 salariés à la retraite d’ici 2020, il est de bon ton de confirmer ses engagements en matière d’emploi. Et chez France Télécom, on confirme le recrutement de 10 000 CDI sur la période 2010-2012, le maintien de l’accueil d’un minimum de 4 500 alternants au sein des équipes et l’accueil de près de 2 500 stagiaires chaque année. Depuis 2 ans, le Groupe a accueilli plus de 5 000 alternants et s’est engagé à en recruter un minimum de 1 200 sur une période de 3 ans.
Territorialiser la GPEC ?
Et pour permettre au salarié de poursuivre son développement professionnel une fois qu’il a été recruté ? L’accord GPEC de France Télécom-Orange se décline au niveau territorial pour donner de la visibilité sur l’emploi sur un périmètre cohérent baptisé « Bassin GPEC ». Dans un communiqué publié le 1er avril 2011, la CFDT revient sur l’intérêt de cette déclinaison territoriale, une première en France : « Avec ce nouvel accord, le salarié peut envisager son activité professionnelle sur une maille plus cohérente avec son territoire vécu, le « Bassin de Vie », et non plus sur un périmètre administratif historique.
L’entreprise s’est engagée à donner une visibilité sur l’évolution de l’emploi et des activités sur une maille un peu plus grande, nommée « Bassin GPEC », mais toujours en cohérence avec l’organisation du territoire vécu des salariés. Les salariés peuvent ainsi envisager un parcours professionnel (…) ». Pour la DRH adjointe de France Télécom-Orange, « la déclinaison territoriale en 85 Bassins GPEC, permet de mieux collaborer et de réaliser un travail de proximité plus impactant .La fonction RH travaille main dans la main avec le management de proximité pour répondre aux attentes de nos collaborateurs qui peuvent alors se projeter sur un futur professionnel ».
Mieux informer pour mieux accompagner
Cette déclinaison territoriale devrait également être chevillée à la mise en place d’actions de communication visant à faciliter la circulation de l’information. « En temps de crise, il est plus que nécessaire de faire circuler l’information auprès de nos collaborateurs.
C’est pourquoi notre accord propose une nouvelle méthode de partage de l’information et de consultations des Instances Représentatives du Personnel (IRP) et d’instances conventionnelles telles que les Comités à l’emploi territoriaux. L’objectif étant d’anticiper et d’accompagner au mieux les changements en présentant la stratégie du groupe et les évolutions qui en découlent mais également en communiquant chaque année les tendances d’évolution des emplois et compétences du groupe sur les 85 bassins d’emploi en France», confie la DRH adjointe du groupe.
Et mieux accompagner c’est aussi mieux former ? L’accord prévoit de renforcer la formation (elle concernait 6,5 % de la masse salariale en 2009 et un taux d’accès à la formation de 85 %) et s’engage par exemple, à mettre en place des plans d’action afin de suivre les salariés qui n’auraient pas suivi une formation depuis plus de 3 ans ou encore à favoriser l’accès à des parcours de professionnalisation certifiants ou diplômants et au Droit Individuel à la Formation (10 000 DIF ont été réalisés en 2010). Une nécessité selon Brigitte Dumont : « dans un environnement complexe et exigeant, nos produits évoluent sans cesse et nous devons adapter nos compétences à ces évolutions.
Pour cela, nous tissons des liens étroits avec les écoles et les universités qui forment les talents de demain et nous donnons les moyens à nos collaborateurs de développer leurs compétences pour leur permettre de maitriser leur poste et l’évolution de leur carrière au sein du groupe. C’est le fameux lien entre GPEC et formation »
Au regard de cet ambitieux accord GPEC, il semble que le groupe France Télécom-Orange ait vocation à ancrer le changement dans son action au quotidien. Les commissions de suivi trimestrielles et le bilan annuel institués par l’accord confirmeront si cette ambition est bien devenue une réalité.
Emilie Vidaud