Lorsque l’on parle de formation, on suppose qu’il s’agisse d’une formation homme pour hommes, Man to Men, ou Men to Men, ou Man to Man ; on pourrait aussi parler de l’interface homme machine, Men to Machine, ou Man to Machine, mais on pourrait aussi parler de formation Machine to Machine, les machines qui parlent entre elles, et de son corolaire Machine to Men, la machine formant l’homme, à l’initiative de la machine…
Est-ce bien raisonnable de parler de machine to machine ? Regardons les chiffres : on estime qu’il existe aujourd’hui plus de 500 milliards machines de par le monde, pour moins de 7 milliards de personnes, soit plus de 70 machines par homme. Les machines sont là. Il reste à réfléchir aux éventuelles opportunités ?
La première opportunité est évidente et historique. La machine remplace des fonctions traditionnellement dévolues à l’homme, souvent des tâches ingrates et répétitives. Le développement du Machine to Machine n’échappe pas à la règle, des fonctions traditionnelles de l’homme seraient prises en charge par la machine. Prenons un exemple, la conduite. Google vient de créer un système de pilotage automatique : caméras embarquées, vidéos, radars, lasers, cartographies en temps réel… et bien sûr, un logiciel de traitement des données automatiques. L’expérimentation est un succès 22 000 km sans accrochage (un Français conduit en moyenne par an 18 000 km), la machine intelligente et communicante est fiable, et demain plus fiable que l’homme. Combien de temps faudra-t-il aux compagnies d’assurance pour effectuer une discrimination positive ? Alors, à terme, pourquoi former à la conduite ? La machine étant plus rationnelle que l’homme, statistiquement plus fiable, le M2M dégagerait l’homme de son activité de conduite, un progrès social.
La seconde opportunité est plus délicate. Dès que l’on est identifié, la machine enclenche un processus : par exemple, dès que la voiture communicante s’approche du bureau, la machine prépare le café, augmente la température du bureau,… du cocooning. Et si la voiture fait mine d’avoir problème, la machine prend la main sur le véhicule pour la réparation sans que le chauffeur ne s’en aperçoive, ou appelle directement le réparateur, le M2M permet d’évincer l’homme de la décision. Si le M2M évince l’homme de la décision, pourquoi le former à décider, il suffit de développer un écosystème paramétré. La conséquence est que la formation devient le fait de donner la bonne information au bon moment, information et formation en temps réel… Voilà qui change la nature de la formation. Mais ce monde merveilleux du M2M n’est pas sans contrepartie. Le M2M permet la traçabilité de l’homme, grâce à ses objets, Joël de Rosnay rappelait qu’un téléphone portable même éteint est traçable. Cette traçabilité est source de contrôle en temps réel, connaître en temps réel l’apprentissage de chaque collaborateur… et pire, à son insu. De là, à parler de Big brother… mais au moins on peut reconnaitre que cela peut favoriser le conditionnement professionnel de l’homme et que pédagogiquement on n’est pas loin des behavioristes, c’est l’environnement qui stimule l’apprentissage.
Ce qui se joue c’est la rationalité, et l’hyper rationalité de la formation qui devient possible, il est temps de s’interroger sur la formation affective d’Edgar Morin. Au fond, le M2M interroge sur la place de l’homme, l’homo demens…le grain de folie dans la formation, mais n’est-ce pas un grain de sable dans l’hyper rationalité du M2M ?