Mais qu'est-ce que les Bisounours peuvent bien faire en formation ? Voilà un concept né outre-Atlantique, dans les années 80, qui a connu un succès énorme et qui associe autour d'une franchise des petits ours qui aident à dormir. C'est le monde de la tendresse, et il est à la porte de nos entreprises. Mais bien souvent, comme par pudeur, il hésite à rentrer ou il y rentre inversé. On entend souvent « on n'est pas dans le monde des Bisounours ! » Le monde des Bisounours est un refus est un appel : refus du conflit, appelle à de nouveaux rapports entre les personnes. Cette tendance de fond ne peut pas laisser insensible la formation, mieux la confrontation est au cœur même du processus d'apprentissage. Comment faire rentrer les Bisounours dans le monde merveilleux de la formation ?
Le nom Bisounours vient de bisous et de nounours, il a su s'imposer très rapidement en Amérique du Nord et en France jusqu'à avoir, en France, une série télé qui lui est dédiée, sur TF1 en 1985. Il s'agissait de petits oursons vivant dans les nuages, se déplaçant sur des arcs-en-ciel, possédant des pouvoirs magiques et luttant contre les méchants symbolisés par le Professeur Cœur de pierre… Il est d'ailleurs étrange de considérer que le méchant est une figure d'autorité, un professeur.
C'est le combat de la pureté, de la candeur contre la difficulté de la réalité de la vie. La vie n'est pas un conte de fées, il faut se battre pour progresser.
C'est tout le paradigme du progrès social qui repose sur un dépassement de ce que l'on est initialement. Selon Jean Piaget, on se retrouve au cœur du processus d'apprentissage avec son fameux conflit cognitif qui considère que l'individu se confronte avec l'extérieur pour être parfois en opposition, ce qu'il appelle un conflit cognitif, ce qui nécessite un changement des schèmes par un processus d'accommodation, autrement dit d’apprentissage pour changer sa structure mentale. Le conflit donc est source de progrès.
Les Bisounours seraient-il alors antisocial, dans le sens anti progrès ?
Cette référence au Bisounours est d'abord une stratégie d'évitement par rapport au conflit. Notre environnement sans horizon réinterroge fortement la notion même de conflit, dans le sens où le conflit est une confrontation, un échange sur le front, la frontière. Le conflit est une façon de réinterroger ses frontières, autrement dit, quel que soit l'objet du conflit, il soulève la question identitaire des limites. Le conflit est ontologique et forcément le flou anxiogène. Il rappelle la nécessite de connaître sa place et celle qu’on laisse à l’autre. Mais le conflit de partager autour d’une frontière, il existe par exemple la conversation qui ne suppose pas de combat mais une nouvelle façon de verser ensemble. Les Bisounours ne seraient-il pas au fond un appel un lien non-violent au sein des entreprises ?
Les Bisounours sont symptomatiques d'une période qui est celle des contes de fées, ou pour reprendre un langage plus entrepreneurial, le Storytelling. Alain Souchon disait « il faut voir comme on nous parle », le monde est entrée dans un processus narratif pour partager. Il est nécessaire de s’interroger sur l’histoire que l’on veut raconter : quelle histoire veut-on raconter à nos apprenants pour redonner du sens à leurs actions ? Les Bisounours sont donc des marqueurs sociaux de la transformation des entreprises. Et pourquoi pas les Bisounours comme revendication sociale, n’est-ce pas l’assurance de nouveau matin qui chantent ?
Stéphane Diebold